Nous avons eu plus d’une occasion, surtout depuis la pandémie du Covid, de nous convaincre qu’aucun salut n’est pensable dans le monde d’aujourd’hui en dehors de la digitalisation. Pourtant, force est d’avouer qu’en termes de réalisation et d’esprit, nous sommes malheureusement loin, très loin du compte !

A l’approche de la rentrée scolaire et universitaire, l’usage des inscriptions en ligne s’est propagé et est devenu presque la règle du primaire au doctorat. Nous nous réjouissons de ces avancées même si des esprits chagrins et des bureaucrates récalcitrants freinent ce progrès de toutes leurs forces, mais leur combat est d’arrière-garde. Comme nous nous réjouissons aussi de la progression de la digitalisation dans la gestion des affaires sociales. Les dossiers des familles nécessiteuses, des aides sociales, des carnets de soins, des aides familiales et d’autres encore, sont en passe d’être complètement digitalisés en attendant l’avènement tant attendu de l’identifiant unique (et universel) ! Il faut aussi signaler que la plateforme Evax a encore démontrée, si besoin est, et malgré quelques bugs au début, que nous possédons désormais la maîtrise technique nécessaire pour mener à bien tout processus de digitalisation dans n’importe quel domaine.

Les revers de la médaille

Cependant, notre réjouissance demeure partielle. En effet, à suivre les déboires des parents qui n’arrivent pas à inscrire leurs enfants en primaire et au secondaire et qui se lamentent des lourdeurs et des bugs constants du « système », on doit s’alarmer. Passe encore pour l’enseignement primaire et secondaire dont la digitalisation a commencé tout juste depuis deux ou 3 ans. Sur les plateformes des unités universitaires, depuis longtemps digitalisées, c’est la pagaille ! Les étudiants sont inscrits obligatoirement en ligne. Mais plusieurs sites des écoles, facultés et Instituts supérieurs se trouvent bloqués. La plateforme (inscription.tn) a été obligée, fin Août, à diffuser un message aux étudiants qui n’arrivent pas à s’inscrire, leur demandant de prendre contact avec leurs établissements respectifs. Il faut imaginer un étudiant, venant de Tataouine, de Douz ou de Siliana, obligé de prendre le bus et de se déplacer à Gabès, Sfax, Gafsa, ou Tunis rien que pour signaler ce problème à un fonctionnaire qui lui fait remplir un formulaire …en papier bien sûr, afin de lui débloquer l’accès au site !

Sur les plateformes du ministère des affaires sociales on frôle la catastrophe ! Plusieurs internautes versés dans l’informatique se sont rendu compte que le niveau de sécurité des données personnelles des citoyens est très en deçà du minimum nécessaire. Dans ces plateformes on trouve des informations personnelles sur la Carte d’Identité, la famille, les revenus, l’adresse, etc. Pourtant l’accès à ces informations n’est pas sécurisé comme il se doit.

L’expertise n’exclut pas la vigilance

La digitalisation est une nécessité absolue pour notre économie, notre administration et pour notre vie quotidienne. Nous avons fait des progrès importants dans ce domaine par la force des choses et par l’excellence de nos ingénieurs et techniciens. Bien que la pandémie du Covid ait accéléré cette orientation en nous obligeant au travail à distance et à la numérisation de plusieurs secteurs clés, nous avions déjà bien avancé. Avec les bases de données de l’ISIE, avec la digitalisation presque complète de la DGI (Direction Générale des impôts), avec le nouveau Registre National des Entreprises (RNE), et les énormes efforts du CNTE (Centre National des Technologie en Enseignement) qui est à l’œuvre pour digitaliser toutes les écoles, tous les collèges et les lycées, et bien d’autres services, nous pouvons être fiers. Cependant, ces avancées mettent la barre de vigilance encore plus haut. L’accessibilité, la sécurité, la défense des données personnelles et le développement du réseau informatique doivent rester à la première place de nos priorités nationales.

Ce que nous observons aujourd’hui encore n’est pas encourageant. En plus des problèmes cités on se retrouve souvent, dans le service public, avec des sites et des portails qui ne sont que rarement mis à jour. Les informations, qui doivent être de la dernière minute, sont souvent obsolètes et dépassées. L’accessibilité est très difficile et l’ergonomie est vieillotte sans compter les fréquents blocages et les divers bugs à tout moment. Même le réseau des guichets automatiques des banques, combien vital pour tous, est fréquemment panne. Plusieurs services publics n’offrent pas encore le paiement en ligne et n’ont pas de TPE dans leurs locaux.

C’est cet état des choses qui doit alarmer toute la communauté. Des solutions doivent être trouvées pour pallier à ces problèmes, former adéquatement les fonctionnaires et élever le niveau d’alerte chaque fois qu’il y a un problème.

Ali Laïdi Ben Mansour