Le Président de la république ne cesse de s’en référer à Dieu et au Peuple. Il y croit vraiment. C’est sa bonne étoile, quoique l’on puisse être sûrs que Dieu soit toujours du bon côté, tandis que le Peuple est plutôt guidé par ses instincts. Dans les deux références, Saied est quelque part dans une élévation messianique. L’homme providentiel du 25 Juillet paraît néanmoins indécis quant aux urgences vitales du pays, sans doute parce qu’il est le seul à croire que le grand gâchis d’une décennie d’incurie, d’affairisme au nom de la démocratie et de passe-droits au nom des libertés, puisse être conjuré par un claquement des doigts (l’article 80), et que la pieuvre tentaculaire des islamistes et de leurs alliés de conjonctures (plusieurs conjonctures en effet) sera à jamais démantelée.

Nous n’irons pas jusqu’à affirmer (comme le font ses propres alliés politiques) qu’il s’emmêle les pinceaux. Sauf que les signaux, toujours aussi accusateurs et toujours aussi vindicatifs, font que l’attente « interminable » d’un véritable sursaut de la part l’Etat retombe aujourd’hui en questionnements existentiels.

Entre un oui, mais, entre des ballons d’essai plutôt déroutants, entre feuille de route et refonte franche du régime, c’est l’expectative.

Cela fait un moment que le Président a affirmé qu’il mettra bientôt en place un gouvernement, un vrai. Peut-être n’a-t-il pas encore trouvé « l’oiseau rare », terminologie qu’il n’affectionne pas particulièrement du fait qu’elle avait été utilisée par Ghannouchi. Il avait aussi assuré Macron de l’imminence du choix d’un Chef de gouvernement, même si le Président français-tout autant que Joe Biden- n’ont pas vraiment à trop s’immiscer dans nos affaires internes.

Les pressions internationales, à la limite, ça se gère, même si Chris Murphy est en train de mener une véritable cabale contre Saied au sein du Congress. Les pressions internes, c’est toutefois autrement plus astreignant. Et Saied ne saurait les ignorer.

Aujourd’hui, les rouages de l’Etat sont bloqués. Et cela fait que les Organisations nationales appellent le Président à s’occuper aussi des impératifs socioéconomiques. Car, à ce train, avec un tel immobilisme, les mécanismes s’en retrouvent déglingués.

A moins de tout diriger lui-même, ce qui est au-dessus de ses forces, il serait temps pour lui de mettre en place un gouvernement, un vrai, composé d’hommes et de femmes au-dessus de tout soupçons. De surcroît, il l’a promis encore, samedi soir, dans cette emblématique Avenue Habib Bourguiba.

Du coup, il a contredit son propre conseiller : pas de nouvelle constitution, mais des amendements qui s’imposent pour un régime et des institutions plus équilibrées.

Toute la problématique est là, justement. Quels amendements, et comment ? Mais, en attendant, si le tout sécuritaire prime, le tout économique ne saurait être mis entre parenthèses. Dette faramineuse, chômage galopant, secteurs névralgiques à l’arrêt : Saied parle de richesses spoliées, celles qui ne le sont pas doivent être réactivées.

Raouf Khalsi