L’année 2021 a été marquée par plusieurs évènements qui resteront gravés à jamais dans les annales de l’histoire de la Tunisie. Les différentes crises qui  n’avaient  cessé de secouer la scène politique tunisienne ont pris une dimension exponentielle, au vu des affrontements entre partis politiques et des coups de poing échangés au parlement. Hélas, nos hauts responsables ne le saisissent guère. La majorité n ‘ont qu’un seul souci   : se positionner sur l’échiquier politique  et en récolter les dividendes et les avantages. Pendant ce temps-là, le citoyen lambda, livré à lui-même, trouve du mal à se remettre de cette situation chaotique, situation qui  est traduite par une crise sanitaire, sociale, économique  de grande envergure. Entre chômage, pauvreté, inflations et spéculations, les Tunisiens agonisent…Ils n’arrivent plus à joindre les deux bouts. D’ailleurs, c’est à ce moment-là que les choses ont commencé à changer, « un certain 25 juillet », quand le Président de la République, Kais Saied a activé l’article 80 de la Constitution et annoncé le gel des activités du parlement, tout en limogeant le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi. Pour l’instant, avant de tourner la page de 2021, on est en droit de s’interroger sur l’aboutissement de ces nouvelles mesures. A-t-on réussi cette étape ?  Qu’en est-il des valeurs de la démocratie et le principe de la séparation des pouvoirs, sachant que le Président de la République concentre, désormais, tous les leviers de l’Etat  ? Autant d’interrogations auxquelles l’année 2022  répondra,  si ce n’est dans quelques années, puisque les mouvements de l’Histoire sont cycliques…

Depuis le 15 janvier 2021, un peu partout sur le territoire et, principalement, dans des quartiers populaires, des affrontements nocturnes opposant  les manifestants aux forces de l’ordre  se sont multipliés. Les jeunes ont investi les rues, malgré le confinement général  instauré par le gouvernement. Ils ont scandé « la rue est au peuple », tout en appelant à la chute du gouvernement. Ces jeunes sont sortis dans les rues pour manifester contre la situation dans laquelle ils se trouvaient. Entre chômage, crise économique, déscolarisation et pandémie, beaucoup d’entre eux n’ont ni perspectives d’avenir, si ce n’est  un exutoire suicidaire.

Bras de fer entre les trois présidences

Le 16 janvier 2021, le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, annonçait un remaniement  touchant  11 portefeuilles ministériels. Malgré le fait que ce remaniement ait  fait l’objet d’une grande polémique auprès des citoyens, partis politiques, organisations nationales et autres, le parlement l’a approuvé le 26 janvier 2021. Les 11 nouveaux ministres ont obtenu la confiance de l’ARP.

D’ailleurs, c’est à ce moment-là que la pression a monté d’un cran entre Hichem Mechichi et Kais Saied. Le Président de la République a accusé certains des nouveaux membres du gouvernement de corruption et a reproché au Chef du gouvernement de ne pas l’avoir consulté. Mais en, fait, les ministres ayant été remplacés, étaient pour ainsi dire, les ministres du Président, parce que « proposés » par lui.

Après quelques jours, Kais Saied a réitéré sa position de principe. Il a refusé la prestation du serment constitutionnel des onze ministres nouvellement nommés. Le Chef du gouvernement refusait d’en remplacer les quatre soupçonnés de corruption et de conflits d’intérêts. Du coup, le Chef de l’Etat a exigé sa démission.

Le blocage politique a sévi. Les trois présidences croisent les fers. D’un côté, le Président de la République refuse de recevoir les quatre ministres pour la prestation du serment constitutionnel. D’un autre côté, le chef du gouvernement persiste et signe. Il rechigne à changer l’équipe annoncée. En outre, huit départements ministériels, sur les vingt-neuf que compte le gouvernement demeurent  gérés  par intérim.

Entre-temps, le citoyen lambda, témoin de cette crise politique, ne croit plus en rien. Il estime que s’il y a un virus particulièrement pernicieux. Ce virus,  s’appelle « les trois présidences », commodité constitutionnelle (parce que sanctifiée par ce qu’on appelait dans un nombrilisme coquin: « la meilleure constitution du monde », pour reprendre les termes  triomphalistes  de Mustapha Ben Jaafar.

ARP : Affrontements et coups de poings

Le 30 juin, le député Sahbi Smara et son allié Seif Eddine Makhlouf (Karama) ont agressé physiquement la présidente du parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, sous le regard complaisant des blocs parlementaires, des partis politiques, des ministres et ce, devant les caméras. D’ailleurs, ce n’est pas une première ! la députée Ettayar, Samia Abbou a, souvent, été agressée sous la coupole du Palais de bardo.

Echec cuisant du gouvernement dans la gestion du covid-19; limogeage du ministre de la santé

Les Tunisiens sont passés par une période très difficile. Avec la pénurie des vaccins, c’est  la saturation des services de réanimation, la vaccination qui avance à un rythme d’escargot, le manque de lits, le manque d’oxygène et la résurgence de nouveaux variants sous nos cieux. Ils ont été frappés de plein fouet par cette crise sanitaire.

La première journée de la campagne de vaccination, au profit des citoyens de plus de 18 ans, ayant eu lieu, mardi 20 juillet et coïncidant avec la fête de Aïd al Adha, s’est soldée par un échec cuisant.

Tout au long de cette journée, de longues files d’attente se sont formées devant les centres de vaccination, provoquant des tensions et des bousculades.

Le soir même, le Chef du gouvernement annonçait  le limogeage du ministre de la Santé, Faouzi Mehdi, sous prétexte lui faisant endosser la responsabilité de cette journée cauchemardesque, alors que, lui, Chef du gouvernement et ministre de l’Intérieur par intérim n’a pas déployé un dispositif sécuritaire pour encadrer l’opération.

Le 25 juillet : Un tournant majeur dans l’histoire de la Tunisie

Le 25 Juillet 2021 a constitué un double évènement historique, combinant à la fois la fête de la République et le « coup de grâce » de Kais Saied. Cette date marquante, qui restera gravée dans la mémoire des Tunisiens, a renversé la donne.

La matinée, des milliers sont descendus dans les rues pour exprimer leur frustration et leur ras-le-bol  face  aux  outrances  classe politique et pour protester contre le régime politique actuel, appelant à la chute du système et son changement. A minuit, le Président de la République a, coup sur coup, suspendu les activités du Parlement et  limogé le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, conformément à l’article 80 de la Constitution.

L’activation de cet article permet d’instaurer un état d’exception dans le cas d’un « péril imminent ».

Dans une déclaration diffusée sur la télévision nationale ayant duré onze minutes, Kais Saied a mis en garde contre « ceux qui pensent recourir aux armes ou cherchent à mobiliser les jeunes des quartiers populaires par l’argent ».

Suite à ce discours, les nouvelles décisions prises par le Président de la République ont fait couler beaucoup d’encre et  suscité des avis mitigés. Plusieurs personnes ont salué ces décisions, estimant qu’il s’agit d’un pas « courageux » permettant de mettre le pays sur de bons rails et de faire sortir la Tunisie de son marasme socio-économique. D’autres sont sortis de leur silence. Ils ont accusé le Chef d’Etat d’être un  « dictateur », étant donné qu’il a mis  main basse sur les trois pouvoirs, estimant, par ailleurs, que ces nouvelles mesures s’opposent aux  normes universelles   de la démocratie.

Le 26 juillet, Kais Saied  signait  un décret imposant l’interdiction de circulation des personnes et des véhicules sur tout le territoire du pays, de 19 à 6 heures du matin, du lundi 26 juillet au vendredi 27 août 2021. Sous le feu de critiques et des accusations des contestataires, le Président de la République a fait la sourde oreille à ses opposants. Le couvre-feu était , en effet, asphyxiant, tant pour les citoyens que pour les travailleurs journaliers.

Kais Saied commence à faire bouger les choses

Kais Saied a commencé à faire bouger les choses en se rendant sur  le terrain.

En effet, le Président de la République a effectué plusieurs visites inopinées, notamment celle à  l’Avenue Habib Bourguiba (le 01 Août 2021), l’Unité spéciale de la garde nationale (le 4 Août 2021), l’aéroport de Tunis-Carthage et celle de l’entreprise de matériaux de construction à Fouchana.

Le 23 Août 2021, le Chef de l’Etat  signait  un décret portant sur le prolongement des mesures exceptionnelles prises, le 25 juillet dernier, jusqu’à nouvel ordre.

La scène politique en stand-by

Les parties étrangères ont commencé à s’interroger quant à l’élaboration de la feuille de route. Ils ont mis beaucoup de pression sur Kais Saied pour former un gouvernement. Les pressions n’étaient pas qu’internes. C’est que les pays occidentaux « amis » y allaient à coups d’injonctions, cependant que Tunis consacrait un véritable ballet diplomatiques.

Journées de vaccination intensives

Sur le plan sanitaire, trois journées de vaccination intensive ont été organisées : le 8 août au profit des personnes âgées de 40 ans et plus, le 15 août au profit de la tranche d’âge entre 18 et 39 ans et le 29 Août en faveur des personnes âgées entre 15 et 17 ans.

Première femme à la tête du gouvernement tunisien : Une première dans le monde arabe

Le 29 septembre 2021, un autre événement a marqué l’histoire  de la Tunisie et du monde arabe : Pour la première fois , une femme  est  nommée à la tête du gouvernement. Il s’agit de Najla Bouden.

Le lundi 11 octobre 2021, le Président de la République Kais Saied  émettait un décret présidentiel relatif à la nomination du nouveau gouvernement. Finalement, le gouvernement Bouden a vu le jour.

Pass sanitaire obligatoire

Le décret présidentiel N° 1 de l’année 2021, en date du 22 octobre 2021, relatif au pass sanitaire est devenu obligatoire à partir du 22 décembre courant.

Selon le décret, le pass vaccinal doit être présenté pour avoir  accès aux espaces publics tels que les établissements éducatifs et universitaires, les cafés, restaurants, et espaces réservés aux activités de loisirs…

Réactions suite au discours de Saied : Les contestataires en ébullition !

Le 13 décembre 2021, Kais Saied  dévoilait  sa feuille de route. Il a annoncé de nouvelles mesures: notamment l’organisation des élections législatives pour le 17 décembre 2022 et le prolongement du gel du Parlement jusqu’à l’organisation de ce scrutin.

Suite à ce discours, Plusieurs ont fait part de leur satisfaction, estimant que ces décisions répondent aux aspirations de la majorité des Tunisiens  de  libérer le pays des corrompus qui ont piétiné la Constitution. D’autres partis politiques  se sont opposés à ce discours, en dénonçant de telles mesures.

C’est que , même les partis s’étant d’emblée déclarés favorables au « 25 juillet » ‘Attayar et le Parti Achhab) se sont finalement retournés contre Kais Saied. Dans le même contexte, l’UGTT qui était, d’abord, favorable, et qui, ne voyant rien venir  de Carthage, demandait à ce que son statut  historique de premier partenaire social soit reconnu par le Président. Or, celui-ci ne l’entendait pas de la même oreille. Car c’est sa conception du « Le peuple veut » qui domine. Il inverse donc la pyramide.  Et annonce aussi la mise en chantier de la Loi de réconciliation pénale , en vertu de laquelle, dans son esprit, ceux qui ont spolié l’argent de la communauté nationale, s’engageraient dans la mise sur pied de projets dans les régions, selon un ordre décroissant et c’est projets seront propriété de l’Etat.

Adoption de la Loi  de finances 2022

Le fait saillant de cette fin d’année, c’est l’adoption de la tant controversée Loi de finances 2022. Cela ne s’est pas fait selon les schémas classiques: c’est le gouvernement qui propose et c’est le gouvernement qui dispose. Kais Saied dira que des mesures douloureuses ont été adoptées, compte tenu de la conjoncture économique difficile et de l’assèchement des ressources budgétaires. Mais, dans ces articulations, cette loi est un appel du pied au FMI…

L’année 2022 aura été tumultueuse. Et, finalement, c’est l’année la plus renversante en dix années de grandes turbulences.

 

Linda Megdiche- Ghada Dhaouadi