Par Raouf Khalsi

L’arrogance. La propension aux conflits, envers et contre tous. Les fausses pudeurs et la perversion des valeurs éthiques : Lassaâd Yaâcoubi est un  cas à part.

S’il ne s’agissait que de ramer à contre-courant d’un système scolastique sclérosé, cela fait longtemps que le secrétaire général de l’enseignement de base aurait été « canonisé ». Or, ses motivations sont autres.

Les ambitions sont dévorantes. Et le rôle de « leader » dont il s’affuble prend, aujourd’hui des proportions difficiles à contenir. Et, même, par Taboubi lui-même.

Voilà, donc, que Lassaâd Yaâcoubi ne lâche pas prise. Sitôt le comité scientifique eût-il indiqué que les écoles ne devaient pas être fermées, Lassaâd Yaâcoubi partait en guerre contre la fine-fleur de nos spécialistes, dont il ne faut pas oublier qu’ils cumulent (ensemble) des Bac plus des centaines d’années.

 

Perverse instrumentalisation

Mettons les choses dans leur contexte. Il s’agit de nos enfants, il s’agit du quart de la population tunisienne.

Il s’agit, surtout, d’école de la République ; cette école qui ne saurait s’accommoder des clivages syndicaux, ni qu’elle puisse prêter le flanc à l’instrumentalisation des élèves, autant que de leurs enseignants et le personnel scolastique.

Lassaâd Yaâcoubi, adepte des mauvaises batailles, s’est accaparé un corporatisme pervers, corrupteur et, pour le moins, lourd d’avenir pour l’enseignement en Tunisie.

Depuis qu’il a été propulsé aux commandes de cette corporation, il n’a eu d’autre souci que d’asseoir son système à lui. En quoi consiste ce système ?

Un enseignement pour les pauvres – qui ne figurent pas dans l’ordre de ses priorités – et un autre pour ceux qui (sans être particulièrement nantis) s’endettent pour les cours particuliers. C’est loi.

C’était, déjà, la loi avant l’avènement de Yaâcoubi. Et quand bien même le ministère aurait essayé de réglementer « ce marché », M. Yaâcoubi aurait trouvé le moyen de tout faire capoter.

C’est ce qui a, d’ailleurs, fait sortir de ses gonds le Dr Mohamed Douagi, Chef de service de réanimation néonatale à l’hôpital militaire: « Vous voulez un enseignement dans les garages », allusion faite au fait accompli des cours particuliers.

Parce que, justement, Lassaâd Yaâcoubi s’est aliéné presque tous les enseignants de l’école publique. Il les a moralement pervertis.

Sur le fond, cependant, on ne l’a jamais entendu parler de réformes de l’enseignement à l’école.

Et, à l’heure où le ministère annonce la grande réforme de primaire, il ameute ses troupes, diversifiant les armes, changeant de thématiques et faisant en sorte que le débat bascule dans les marginalités.

 

Inégalités ? Il s’en moque

Lassaâd Yaâcoubi appelle, aujourd’hui, les enseignants à boycotter l’école.

A ses yeux, l’école doit fermer ses portes. Plus de cours en présentiel, mais des cours, justement, « dans les garages ». (c’est-à-dire les cours particuliers, le mot « garage » étant allegorique)

Quant à l’enseignement à distance auquel il appelle, à l’évidence, il n’a guère eu le temps de compiler la carte scolastique du pays, avec toutes ses disparités et toutes ses inégalités.

Le WIFI est-il à la portée de tout le monde ? Existe-t-il dans les zones déshéritées ? Sur ce plan, c’est à qui jette, le premier, la pierre. Voilà, donc qu’il s’acharne sur le ministère.

Lassaâd Yaâcoubi, se préoccupe-t-il vraiment de la santé des élèves ?

Pas évident. S’est-il investi pour la vaccination massive des enseignants, dès lors que les chiffres indiquent que les 15% d’entre eux (13.000) ne sont pas vaccinés, ce qui représente une proportion élevée par rapport aux autres corps de métier ?

Maintenant, il tient mordicus au chamboulement du calendrier.

Vacances anticipées, reprises alambiquées, matières mises en sourdine et, au bout, l’abêtissement des apprenants. Et cela fait, déjà, deux ans que cela dure.

Lorsque Yaâcoubi avoue lui-même qu’un élève de 10 ans ne sait pas lire un texte en arabe, à qui doit-on en imputer la responsabilité ?

Au système (le sien) tout bâti autour des grèves et des sit-in ? Au ministère qui a vécu, durant ces dix dernières années, au rythme des cassures en amont et des visions chimériques ?

Finalement, c’est un processus d’instrumentalisation des enfants qui se   meut et qui jette, chaque jour davantage, ses tentacules dans le corps malade (déjà depuis Ben Ali) de l’école de la République.

Lassaâd Yaâcoubi n’est guère mû par un altruisme à la Mère Teresa. Pour lui, l’enseignement est une rampe de lancement. Il avance ses pions. Rassemble ses troupes, lesquelles prennent le pli de la victimisation. « Ses » enseignants sont, eux-aussi, instrumentalisés.

Car ce que Yaâcoubi vise, en filigrane, c’est bien Taboubi. Le Congrès de l’UGTT est fixé pour le 22 février prochain. Et, selon nos sources, Yaâcoubi vise le « trône » à la rue Mohamed Ali… Entretemps, nos enfants, tout autant que leurs enseignants, auront en tout le « loisir » d’emprunter les… voies de garages.