Le Budget de l’Etat pour 2022 est estimé à 57.2 milliards de dinars. Un déficit primaire de 8,5 milliards de dinars est attendu, soit 6,7% du PIB et un besoin de financement de 20 milliards de dinars. Des estimations qui font grincer les dents en l’absence de visibilité et d’un plan de financement qui tienne la route. Le pessimisme est d’humeur et les analystes ne croient pas au Père Noël et, surtout, à un éventuel accord avec le FMI au cours du premier trimestre de l’année. Une omerta qui laisse libre cours aux supputations. La BCT a-t-elle fait tourner la planche à billets ? Le ministère des Finances réagit et dément cette rumeur.

Le débat se poursuit autour du financement du budget de l’Etat, du rôle à jouer par l’institution d’émission et les banques dans le sauvetage de l’économie nationale du défaut de paiement. Après les déclarations de l’économiste Ezzedine Saïdane qui a affirmé que la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a fait tourner la planche à billets et révélé que 8 milliards de dinars ont été imprimés depuis décembre 2020.  Devant le silence de la banque des banques,  le ministère des Finances a réagi en niant tout en bloc.

115 millions de dinars d’endettement interne

Sur les ondes de Mosaique fm, la directrice générale des dettes et de la collaboration financière au ministère des Finances, Kawther Babeya a démenti « les déclarations de certains acteurs économiques et politiciens » selon lesquels la BCT a fait tourner la planche à billets afin de couvrir les salaires de janvier 2022 ».  Elle a par ailleurs expliqué l’origine de la récente hausse du compte courant du trésor affirmant que 2,7 milliards de dinars proviennent essentiellement des ressources fiscales du mois de janvier, de la conversion du crédit algérien de 300 millions de dollars en dinars tunisien et des 0,7 milliard de dinars provenant du réseau postal ainsi que de l’endettement interne d’une valeur de 115 millions de dinars.

Une monétisation indirecte qui stimule l’inflation

D’ailleurs c’est ce recours excessif au financement local notamment auprès des banques de la place qui prête à équivoque. Une monétisation indirecte induisant une création monétaire par le crédit. Une pratique qui stimule l’inflation. Il s’agit de la technique swap. Par définition le SWAP vient d’un terme anglais qui signifie « échange » et qui permet la couverture d’un risque de variation d’un crédit ou d’un placement financier.

Selon les indicateurs de la BCT, les opérations swap de change sont passées de 92,1 MD le 27 janvier 2021 à 953 MD le 27 janvier 2022, soit une variation 861.9 MD.   Le volume global de refinancement a augmenté de 1838.1 MD au cours de la même période de référence. Ainsi la BCT cherche à se financer en liquidité par les banques commerciales et ce par l’émission de bon de trésor assimilable l’encours des bons de trésor assimilables est évalué à 17084,9MD le 26 janvier courant.

A juste titre dans son dernier rapport, La Banque Mondiale (BM),  souligne que vu l’impossible accès au financement externe, la monétisation indirecte a été la solution au remboursement de la dette extérieure en 2021. « Une monétisation qui a entrainé, une baisse des réserves en devises. Le recours accru au financement sur le marché intérieur entraine un effet d’éviction des crédits à allouer au secteur privé La monétisation de la dette, surtout en juillet et août 2021, a contribué à augmenter l’inflation malgré la baisse de la demande », souligne l’institution financière internationale.

Opérations de refinancement

L’économiste Mohsen Hassen a tenu dans un post facebook de préciser que : « les opérations de refinancement effectuées par la BCT à travers l’acquisition de bons de trésor ou bons du trésor émis par le Trésor public, ainsi que l’acceptation par la BCT de devises émises par les banques tunisiennes contre  de prêts accordés à l’Etat en dinars (swaps de devises) ce sont  des opérations différentes de l’impression de devises ou de titres, mais elles conduisent à la création d’un bloc de trésorerie (création monétaire) qui a des effets inflationnistes ».

C’est ce qui explique la hausse de l’inflation qui s’est maintenue à 6.6% en décembre 2021. La Banque Centrale de Tunisie prédit un taux d’inflation moyen de 6,8% en 2022. Une pression qui pèse sur le pouvoir d’achat du consommateur. Il incombe à la banque des banques de maîtriser l’inflation et d’endiguer les effets perturbateurs. Comme l’a toujours affirmé  Marouane Abassi, Gouverneur de la BCT : « le rôle fondamental de la BCT réside dans la lutte contre l’inflation et la réalisation de l’équilibre financier ».

Yosr GUERFEL AKKARI