Par Raouf KHALSI

La Tunisie vit sans doute une périlleuse crise socioéconomique et il n’est pas évident que les issues soient nombreuses. Passées les jubilations des moments de grâce du 25 juillet, Kais Saied se heurte aujourd’hui à un déficit d’Etat. Cet Etat régulateur, doté d’une capacité de résilience, chaque fois que se lèvent des vents méchants.

Partout, c’est l’effervescence. La grogne. Et voilà ressurgir le spectre de 1964, et encore celui de 1969 et la descente aux enfers de 1986…

Mauvais karma, dit-on, qui surgit de manière cyclique, et chaque fois où l’Etat perd la boussole à la faveur des intrigues occultes . Quand l’Etat dépérit, c’est la crise sociale, c’est l’assèchement des liquidités et, plus que tout, c’est le spectre de l’effondrement budgétaire avec son intenable spirale dépressive, dont seuls les citoyens paient les frais.

Maintenant, nous voilà confrontés à « l’insécurité alimentaire » et à l’incapacité matérielle de servir les salaires aux échéances habituelles.

Sans doute, le Chef de l’Etat cherche-t-il des solutions immédiates (il s’est entretenu avec les ministre des finances et du Commerce) tout autant qu’il compte légiférer (par décret) pour juguler les circuits mafieux de distribution. Est-ce suffisant ?

Il est clair que nous devons revoir nos prévisions. Parce que, ce que l’on a tendance à oublier, c’est que ce que nous vivons actuellement est la résultante d’une décennie d’incurie, de successions de politiques macroéconomiques ayant donné le change à l’affairisme dévastateur.

Maintenant, le Président veut sévir. Mais si le coup du 25 juillet a eu quelque chose de libérateur, Kais Saied n’a pas vu venir un certain revers de la médaille : plutôt que de ne s’occuper exclusivement de politique, de ne voir, partout, que des « ennemis du peuple », le plus urgent aurait sans doute été de s’attaquer à l’épineux problème des équilibres économiques.

Il est sûr que de grands manipulateurs (à l’intérieur comme à l’étranger) cherchent à retourner le peuple contre Saied. Sauf que le Président doit prendre acte de l’impérieuse nécessité de rétablir les équilibres de l’Etat, d’oublier le syndrome de « l’Etat profond » et de …dépolitiser le 25 juillet.

Cette crise, répétons-le, est la résultante d’une décennie de clochardisation de l’Etat…Les thèses complotistes, elles, ne sont plus que redondances.