Par Slim BEN YOUSSEF

L’année 2022, qui ne fait que commencer, s’annonce visiblement rude, extrêmement rude. A peine le temps de digérer le prodrome, nous voilà confrontés à la pénurie des denrées de base , au retard des salaires et, plus que tout, à une nouvelle flambée des prix (immobilier, carburants, produits domestiques …). La crise sociale bat son plein et le pouvoir d’achat traverse des temps bien laids.

Du micro au macro, c’est le même son de cloche qui revient ; ce ne sont que les mots qui changent : crise financière, dépression économique, tendance inflationniste, effondrement budgétaire. Info saillante : Najla Bouden préside, en une seule journée, trois réunions ministérielles consacrées à l’économie. Le message est clair : c’est la cellule de crise.

A coup sûr, Kaïs Saïed cherche-t-il à juguler, au point d’en faire une fixation, les « machinations malveillantes » des « ennemis du Peuple ». Recevant le Commerce et la Finance, il réexplique le « complot », et énumère, surtout, les cas flagrants : les médicaments, le fer à béton, la crise des ordures et, maintenant, les produits de base. Les « ennemis du Peuple » n’en démordent pas : ce n’est nullement le hasard : les recoupements le prouvent.

On peut, certes, adhérer à la thèse du Président. On peut absolument y croire, voire  la consolider. Mais sans perdre pour autant la lucidité de la nuancer. La crise actuelle, faut-il le ressasser, n’est-elle pas, au fond, le résultat inéluctable d’une longue décennie de zizanie politique, de corruption institutionnalisée et de dilettantisme dirigeant ?

Spéculateurs, agioteurs, traficoteurs, accapareurs, « affameurs » et l’on en passe.

Soit, mais de guerre lasse, la « croisade » de Kaïs Saïed contre ces « ennemis du Peuple », forces plus ou moins « occultes », quoiqu’extrêmement puissantes, qui pêcheraient –volontiers- en eau trouble et emploieraient le vert et le sec pour déstabiliser le pays dans ce moment « crucial » de son histoire, prend, pour le moment, des allures de donquichottisme…

Non, le Président Saïed n’aurait  pas de baguette magique –on convient-, quand bien même détiendrait-il, dans sa main, une opportunité « historique » et tous les pouvoirs avec, pour aspirer à vraiment, mais vraiment « changer les choses », du moins à coup de décrets, en cette période, s’il en est, « exceptionnelle », qui, faut-il le rappeler, avait déjà un début et aura très certainement une fin.

Promis juré, son décret anti-spéculation, « anti-affamement » pour rester dans la glose du Président, se fait quand même un peu trop attendre.

Annoncé par Tebboune à la mi-novembre, un décret-loi à  priori similaire, avec de lourdes peines d’emprisonnement, entre déjà en vigueur en Algérie voisine. Ses premiers impacts sur le terrain font la Une des journaux algériens et suscitent la curiosité de la presse internationale. C’est dire que la machine saïediste tarde, tout de même, à tourner à pleins gaz et à surpasser, pour l’instant, le stade du verbe.

En plus clair : à concrétiser.