Les juges du Tribunal administratif ont observé, hier, une grève pour protester contre la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature et son remplacement par un organe provisoire dont les membres sont en grande partie nommés par le président de la République.

Organisé à l’appel de l’Union des magistrats administratifs (UMA) et du conseil sectoriel de la justice administrative rattaché à l’Association des magistrats tunisiens (AMT), le débrayage s’est déroulé dans le siège central à Tunis et les douze chambres régionales de première instance du tribunal administratif. Elle n’a pas cependant concerné les dossiers classés très urgents.

« La grève a été très suivie. Elle reflète la mobilisation des magistrats administratifs contre le décret relatif au conseil supérieur provisoire de la magistrature, promulgué unilatéralement par le président de la République », souligne la présidente de l’Union des magistrats administratifs, Refka M’barki. Et d’ajouter : « Nous avons opté pour une grève d’une seule journée afin de ne pas paralyser le service de la justice, mais la protestation contre le coup de canif porté à l’indépendance de la magistrature à travers le port du brassard rouge à partir du vendredi 18 février ».

La responsable syndicale a également réitéré le refus de toute atteinte au pouvoir judiciaire, notant que « les craintes relatives à l’inféodation de la justice au pouvoir sont très sérieuses surtout lors de l’examen de certains dossiers très sensibles ».

Selon elle, « le mécanisme de la révocation des juges tel que préconisé dans le décret relatif au conseil supérieur provisoire de la magistrature représente un grand danger, et pourrait être à l’origine de nombreuses injustices contre les juges ».

Dans un communiqué conjoint publié à la veille de la grève, l’Union des magistrats administratifs et le Conseil sectoriel de la justice administrative relevant de l’Association des magistrats tunisiens avaient appelé l’ensemble de magistrats administratifs, judiciaires et financiers à « serrer les rangs et renforcer la coordination entre structures représentatives pour défendre l’indépendance de la magistrature. »

Les deux structures représentatives des magistrats administratifs ont aussi réaffirmé leur attachement au Conseil supérieur de la magistrature « élu et légitime » et leur rejet du Conseil provisoire « installé » par le président de la République.

Elles ont d’autre part demandé aux magistrats nommés au Conseil provisoire ès-qualité de « refuser leur désignation » et s’engagent à les défendre « contre tout abus dont ils pourraient être l’objet en raison de leurs positions » et de le soutenir en cas de dépôt de plaintes

Auprès de la justice nationale et les instances internationales concernées et dont la Tunisie a ratifié les traités.

L’Union des magistrats administratifs et le Conseil sectoriel de la justice administrative ont par ailleurs annoncé la création d’un observatoire composé de magistrats administratifs, qui sera proposé par le bureau sectoriel de l’AMT et le bureau exécutif de l’UMA, pour assurer le suivi des questions liées à l’indépendance de la magistrature et aux parcours professionnels et disciplinaires des magistrats.

Walid KHEFIFI