Schalke 04 coupe le gaz de la Russie. A l’heure où l’Allemagne s’interroge sur sa dépendance au gaz russe, le club de Gelsenkirchen (Bundesliga 2) a pris la décision courageuse de se séparer de son sponsor principal et de s’asseoir accessoirement sur 9 millions d’euros par an. Une belle somme. « Le conseil d’administration du FC Schalke 04, avec l’accord du conseil de surveillance, a décidé de rompre le contrat avec Gazprom avant son échéance », a annoncé ainsi Schalke, ce lundi.

Comme un coup dur ne vient jamais seul de l’UEFA, partenaire depuis 2012 sur la base d’un contrat estimé à 40 millions d’euros annuels, a également rompu son contrat avec Gazprom dans une annonce faite lundi soir. Le rappel d’une secousse encore plus grande : quelques minutes auparavant, l’instance présidée par Aleksander Ceferin annonçait l’exclusion des clubs russes de toutes ses compétitions internationales. Avec pour conséquence directe l’élimination du Spartak Moscou, engagé en 8es de finale de Ligue Europa.

L’UEFA s’était déjà distinguée la semaine dernière en déplaçant la finale de la Ligue des champions de Saint-Pétersbourg au Stade de France. « Dommage », avait répondu le Kremlin, plus affecté qu’il n’en a l’air. Aujourd’hui, il doit être complètement sonné. Son partenaire le plus fiable dans le sport mondial, la Fifa, a annoncé l’exclusion de la Russie du Mondial 2022. En une fraction de seconde, Poutine a tout perdu sur l’échiquier sportif.

Une ultime estocade alors que ne cessent de pleuvoir les sanctions depuis l’invasion russe de l’Ukraine.

Liste non exhaustive :

  • Recommandation du CIO aux fédérations de ne pas inviter d’athlètes russes et bélarusses et retrait de l’ordre olympique à Vladimir Poutine.
  • Refus des Polonais, des Suédois et des Tchèques d’affronter la Russie en barrage du Mondial 2022. Et, désormais, appels à une exclusion du prochain Mondial, une décision que pourrait prendre la Fifa dans les heures qui viennent après la prise de position pour une fois courageuse du CIO.
  • Annulation du GP de Sotchi.
  • Exclusion temporaire des clubs de basket russes en Euroligue
  • Sportifs russes déclarés persona non grata en Grande-Bretagne, en Norvège et en Suède
  • Hymne et drapeau russes bannis par le Comité international olympique (CIO).

De l’importance du sport en Russie

Secondaire à l’heure de la guerre, de ses combats et des vies perdues, le sevrage sportif imposé à la Russie n’en demeure pas sans importance. Pour les spécialistes, c’est une source de préoccupation pour Moscou, et un affront personnel pour Poutine. Peu connu pour son art de cultiver des amitiés à l’Ouest, le président russe avait été le premier à féliciter Thomas Bach au téléphone après l’élection de ce dernier en 2013, et les liens qui l’unissent à Gianni Infantino – Poutine lui avait remis l’Ordre de l’amitié en 2019 – agacent depuis longtemps les nombreux contempteurs de la Fifa.

« Les Russes sont passionnés de sport. Accueillir des événements majeurs les a enthousiasmés et une mise à l’écart déclenchera immédiatement un questionnement sur ce qui se passe. », explique Michael Payne, patron durant deux décennies du marketing du CIO.

On s’en souvient. Le Mondial 2018 avait autorisé les attroupements et autres scènes de joie causées par un exploit de la dimension d’une qualification en quarts de finale contre l’Espagne. Devant, pour une fois, des policiers qui ne bronchaient pas. Était-ce un signe ? On avait cru un peu naïvement à l’époque que le football était en train de changer la société russe. Peut-être qu’il y avait du vrai. Aujourd’hui, celle-ci manifeste à nouveau, cette fois non sans mise en danger. Car il s’agit de dénoncer l’invasion en Ukraine et donc de s’opposer à Vladimir Poutine avec les risques que cela implique. 3.000 personnes ont été interpellées samedi 26 février selon l’ONG OVD-INFO.

Les sportifs russes prennent la parole

L’unanimité fantasmée par le Kremlin n’existe pas et le sport, pourtant instrument de propagande par excellence, n’y déroge pas. L’ancien boxeur Alexander Povetkin a beau être sorti en défense de l’invasion en Ukraine et vanté ses vertus éradicatrices d’un nazisme ressuscité, on compte surtout un grand nombre de sportifs russes en faveur de la paix. Le tennisman Andrey Rublev, le footballeur international Fedor Smolov, le hockeyeur Alex Ovechkin ou le cycliste Pavel Sivakov – entre autres – ont publiquement exprimé leur refus de la guerre : cela ne peut « qu’inciter la population à s’interroger sur les actes de leurs dirigeants, et à miner le soutien national pour la guerre », selon Payne.

Est-il dès lors pertinent de condamner tous les sportifs russes à l’isolement ? On peut se poser la question du ralliement durable de ces athlètes à la cause pacifiste si l’Occident les empêche d’exercer ou à les stigmatiser. Pas sûr que l’enrobage du CIO à base de « nous saluons les nombreux appels à la paix lancés par les athlètes » suffise à la longue.

Notons qu’en plus d’être frustrante, une telle stratégie nourrit le fantasme véhiculé par Vladimir Poutine à un peuple dont il cherche depuis longtemps à exacerber le patriotisme sur l’autel de l’isolement sur la scène internationale, notamment dans le sport. Le géopolitologue français Lukas Aubin explique à 20 Minutes :

« Le pouvoir vit beaucoup grâce au ‘seul contre tous’. Ces dernières années, quand il y avait des événements internationaux, principalement à cause du dopage, la Russie était dans une position isolée. C’était le cas pour les JO de Rio, pour l’Euro 2021, les JO 2021 et ceux de Pékin. Le discours a toujours été ‘les Occidentaux ne nous comprennent pas, ils ont pris parti pour l’Ukraine dans cette affaire, ils ne voient pas que notre histoire est commune, etc’. Tout ça est utilisé à chaque événement sportif. »

Abramovich en médiateur ?

Enfin, il convient de ne pas oublier la question des oligarques russes présents dans le sport européen. L’AS Monaco, propriété du milliardaire russe Dimitri Rybolovlev, est jusqu’ici resté très discret sur le sujet. Quant au Chelsea de Roman Abramovitch, il est allé confier « aux administrateurs de la fondation caritative de Chelsea la gestion » du club londonien, la formule étant aussi floue qu’elle en a l’air. Plus étonnant encore : selon le Jerusalem Post, le milliardaire russo-israélien serait en Biélorussie à la demande de l’Ukraine dans le cadre d’une médiation visant à mettre fin aux combats. Si l’on a du mal à imaginer en quoi le président de Chelsea a les moyens de ramener la paix en Europe, il semblerait que le sport russe échappe au moins en partie à Vladimir Poutine.

(D’après 20minutes)