Les prix de l’or noir et du gaz s’envolaient après des discussions entre Washington et Bruxelles sur une éventuelle interdiction d’importation de pétrole russe. Le cours du baril de pétrole Brent a atteint les 122 dollars/baril après un niveau record dimanche de 140 dollars/baril. Chez nous, cette fluctuation fait grincer des dents. « La flambée des cours de toutes les matières premières mènera à une autre crise qui risque de perdurer. Le cours du pétrole Brent a dépassé la barre fatidique des 120 dollars US. Certains analystes s’attendent à ce que le prix du Brent dépasse 150 Dollars US à la fin de l’année en cours. Ce qui est très inquiétant », souligne l’économiste Mohsen Hassen dans un post facebook.

Mohsen Hassan

L’économiste a fait savoir que la flambée des cours de presque toutes les autres matières premières (bois, blé, acier, fer, cuivre, gaz…), entraînera le renchérissement des coûts du transport, ce qui a causé des retards d’approvisionnement et une tension inflationniste dans pratiquement toutes les économies. La Tunisie n’est pas épargnée et se retrouve désormais rudement affectée.

« Recours à la planche à billet », un mal nécessaire ?

Mohsen Hassen a déclaré à notre consœur Le Temps qu’il faut organiser une cellule de crise. Et d’ajouter : « En ce moment, tout est toléré y compris le financement monétaire. Il faut faire des arbitrages et trouver des solutions en utilisant tous les instruments de la politique économique à savoir une politique monétaire expansionniste. Tellement la crise est profonde, il est probable de recourir à la planche à billet. Le malheur c’est, qu’il n’y a aucune prise de conscience quant à la gravité de la situation économique, ni côté gouvernement, ni société civile, ni au niveau de la Présidence ».

L’économiste nous a confié que chaque dollar de plus va nous coûter 129 millions de dinars. Il prévoit une explosion des dépenses de subvention et du budget de compensation. « Même si on applique la politique de l’ajustement des prix des hydrocarbures, l’Etat va supporter le gros morceau de la hausse des prix de baril de pétrole. L’ajustement est limité à 3%. Au mois de Février, le gouvernement a procédé à une augmentation 2 fois en un seul mois. Le maximum qu’on peut faire, si on laisse la même politique d’ajustement, c’est d’augmenter environ 60 millimes/ litre par mois. Donc, ça ne va pas résorber en grande partie cette hausse qui se dessine au niveau du marché mondial », a-t-il précisé.

Le besoin de financement avoisinera les 30 milliards

M.Hassen fait savoir que le déficit va certainement exploser ainsi que le besoin de financement : « Au début, on a prévu 20 milliards de dinars de besoins de financement. Aujourd’hui, il faut s’attendre à un besoin de financement de l’ordre de 30 milliards de dinars. Je pense qu’il est trop difficile de collecter plus que 5 milliards de dinars auprès du marché intérieur ».

Pour l’endettement extérieur, l’économiste souligne l’existence de deux facteurs qui ne sont pas en notre faveur : « Le premier concerne l’impact de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Cette guerre va se transformer en crise financière internationale. Le deuxième facteur concerne la négociation avec le FMI. Je pense que les négociations ne vont pas aboutir, au moment opportun, à un accord qui peut soulager les finances publiques en Tunisie. L’hypothèse d’avoir un accord avec le FMI au bout du 1er trimestre 2022 est à revoir. Peut être, on sera obligé d’adopter une nouvelle loi de Finances complémentaire avant les vacances d’été ».

Des « task force» pour sortir de cette mauvaise passe

M.Hassen ajoute que les négociations avec le FMI vont être bloquées par la situation politique et par l’absence d’une unanimité sur les réformes.

« Il est impératif de constituer des « task force » pour proposer des mesures de sauvetage afin de sortir d’une telle crise. Il faut trouver les moyens pour agir contre la crise tout de suite. C’est possible de les chercher du côté des droits de douane, des impôts, des recettes ou encore du côté des dépenses. En tous cas, le gouvernement doit notamment agir sur le budget, aussi bien au niveau des recettes que des dépenses. Il doit aussi réagir sur le plan monétaire pour trouver les financements. Ceci, sans oublier l’action sur le taux de change, notamment pour se couvrir contre les risques. En somme, c’est un mix qui doit être mis en branle, parce que la situation est assez contraignante», a-t-il prévenu.

Il est à rappeler que le gouvernement a tablé, lors de la loi de Finances 2022, sur un baril de pétrole à 75 dollars.

Khouloud AMRAOUI