Ce week-end aura lieu en France le premier tour de l’élection présidentielle. Son résultat final aura un impact indéniable sur la Tunisie en matière d’économie. Dans le cas de la dette extérieure, deux visions diamétralement opposées se font face :  celle du président-candidat Emmanuel Macron et celle du leader de l’Union populaire Jean-Luc Mélenchon. L’un plaide pour son remboursement intégral et veut conditionner l’octroi de nouveaux prêts à des réformes structurelles, l’autre désire mettre en place un moratoire sur celle-ci.

“Si j’étais président de la République, je réduirais la dette tunisienne due à la France”, ces mots sont signés d’un certain Emmanuel Macron, de passage à Express FM, quelques jours avant l’annonce de sa candidature à la magistrature suprême française. Une promesse réitérée lors d’une allocution télévisée datant du 13 avril 2020, au début de la pandémie de Covid-19. Ces déclarations ont, aujourd’hui, mal vieilli à l’aune du peu d’actions concrètes mises en œuvre. Si début 2018, la France s’est engagée à une conversion de la dette à hauteur de 100 millions de dinars, le montant paraît dérisoire à côté des quelque 2,9 milliards que la Tunisie doit à la France, soit 30% de la dette bilatérale extérieure. En cas de réélection du président sortant, il y a peu de chances de voir le premier bailleur et partenaire économique du pays changer son fusil d’épaule. Une source diplomatique française affirmait ainsi au Monde, en juin dernier, que “toute restructuration de la dette tunisienne serait un très mauvais signal pour les demandes d’emprunt en cours”. Les dernières déclarations de l’Elysée suggèrent même que les prochains prêts seront conditionnés à des réformes structurelles importantes : “Emmanuel Macron a encouragé le président tunisien à mettre en place un programme de réformes nécessaires pour faire face à la crise économique que connait la Tunisie. Il a confirmé que la France était comme toujours prête à appuyer la Tunisie, et à l’accompagner dans la mise en œuvre de ces réformes”. Un point de vue défendu par Samir Trabelsi, économiste et professeur de comptabilité à l’université de Brock (Canada) : “La Tunisie doit absolument dégraisser l’appareil étatique pour se trouver des marges de manœuvre budgétaire, apporter un peu d’oxygène à des finances publiques exsangues et incapables de soutenir l’investissement et les impératifs de la relance économique”.

Appel à un moratoire

D’autres économistes et syndicats rejettent tout projet de réforme. Celui-ci se traduirait par une réduction de la masse salariale de la fonction publique (16% du PIB, 650 000 fonctionnaires) et pourrait même toucher certaines subventions aux produits de base. La population devrait alors être contrainte à de nouveaux sacrifices. Un seul candidat affiche une position aux antipodes de celle de l’actuel locataire de l’Elysée : Jean-Luc Mélenchon. Depuis plusieurs années, le député des Bouches-du-Rhône appelle à un moratoire sur la dette tunisienne. Dans un article publié sur son blog en 2018, il estimait que la France et les pays européens, en refusant celui-ci, avaient une grande responsabilité dans les politiques d’austérité injustement infligées aux Tunisiens. Pour Amine Bouzaiane, spécialiste du budget de l’Etat à l’ONG Bawsala, ce moratoire serait “une bouffée d’oxygène incontestable. Avec Mélenchon au pouvoir, cela pourrait également faire basculer les rapports de force avec le FMI même s’il n’est pas du genre à infléchir sur ses positions”. En grave difficulté économique, avec une dette extérieure de 100% du PIB et une inflation de 6%, la Tunisie demande, depuis le printemps 2021, un nouveau programme d’aide de 4 milliards de dollars à l’institution internationale. Pour le moment rien n’a été signé car le président Saïed ne s’est pas décidé à mettre en œuvre les réformes libérales et impopulaires si chères au pompier de la finance mondiale et son initié Emmanuel Macron.

                                                                                              Théodore LAURENT