L’organisation Internationale Crisis Group (ICG) a publié un rapport intitulé : « La Tunisie de Saïed : privilégier le dialogue et redresser l’économie ». Les analystes de ce rapport font savoir que « pour l’heure, l’effet positif des mesures présidentielles sur l’économie reste très limité. La seule exception porte sur l’accroissement significatif de la production du phosphate ». L’Organisation estime nécessaire de trouver des solutions inclusives et négociées afin d’éviter le pire. « A défaut d’un accord avec le FMI en 2022, le pays risque de ne pas pouvoir honorer sa dette extérieure », indique Crisis Group.

« La mise en place d’un dialogue national et l’accroissement de la marge de manœuvre économique du gouvernement Bouden sont essentiels. Parallèlement, le Président devrait revoir le décret 117 du 22 septembre 2021 relatif aux mesures exceptionnelles. Il devrait laisser suffisamment de latitude à la Première ministre pour qu’elle nomme les ministres et définisse les orientations économiques. Ceci faciliterait les négociations avec le FMI, dont le succès semble indispensable pour éviter un défaut de paiement à moyen terme », souligne le rapport.

L’ONG recommande l’élargissement des prérogatives économiques du gouvernement Bouden et le retour à un ordre constitutionnel négocié à l’issue d’un dialogue national : « La Présidence de la République Tunisienne est appelée à organiser un dialogue national avec les organisations politiques, syndicales et associatives qui faciliterait la ratification d’un plan de réformes économiques réalistes que ces dernières s’engageraient à faire respecter  afin de répondre aux exigences du Fonds Monétaire International (FMI) ».

 

Une conférence internationale sur la Tunisie

Crisis Group estime que l’UE pourrait aborder la question d’une meilleure intégration de la Tunisie dans l’espace économique européen et euro-méditerranéen, et promouvoir l’idée d’une conférence internationale sur la Tunisie réunissant les pays du G7. L’objectif est de débattre de la conversion des dettes bilatérales en projets de développement.

« Les partenaires internationaux devraient plutôt offrir des perspectives économiques encourageantes, qu’ils pourront concrétiser si le chef de l’Etat révise sa feuille de route politique et y inclut le retour à un ordre constitutionnel négocié avec les principaux acteurs politiques, syndicaux et associatifs à l’issue d’un dialogue national », indique le rapport.

L’Organisation recommande, également, de laisser le gouvernement Bouden négocier avec le FMI en tant que responsable de la politique économique de l’Etat et non en tant que supplétif du chef de l’Etat.

 

Dette extérieure : 2,85 milliards à rembourser en 2024

 

La même source précise que le pays risque de ne pas être en mesure d’honorer sa dette extérieure d’ici une année et demie : « Alors que le PIB s’est contracté de 9,2% en 2020 et que la croissance n’a pas dépassé les 3% en 2021, le montant des échéances de remboursement de la dette extérieure s’est accru. Il avoisine les 1,8 milliard en 2022, 2,25 milliards en 2023 et 2,85 milliards en 2024 ».

Par ailleurs, Crisis Group prévoit que la facture des importations tunisiennes pourrait s’alourdir d’environ 1,5 milliard de dollars en 2022. À moyen terme, la Tunisie pourrait être contrainte de restructurer sa dette publique en passant par les fourches caudines du Club de Paris, ou de déclarer le défaut de paiement.

 

500 millions de dollars gelés par « Millenium Challenge Corporation »

Entre autres, le rapport fait savoir que le montant de la coopération américaine a été réduit, et des pressions auraient déjà été exercées sur des pays du Golfe pour qu’ils se gardent d’appuyer financièrement la Tunisie de Saïed.

« D’après plusieurs membres d’ONG américaines, les subventions d’un montant de près de 500 millions de dollars octroyées en juin 2021 par l’Agence gouvernementale américaine Millenium Challenge Corporation seraient gelées jusqu’à ce qu’un « Parlement légitime » ratifie le lancement du programme de coopération, et ce, deux ans avant la signature du protocole d’accord, soit en juin 2023 », relève le rapport.

 

Khouloud AMRAOUI