Depuis 2015, la Tunisie a adopté une nouvelle vision énergétique ayant comme objectif de sécuriser et diversifier l’approvisionnement du pays, d’accélérer les programmes d’efficacité énergétique en intégrant les énergies renouvelables dans le mix énergétique. L’objectif est d’atteindre 30% de la production d’électricité provenant des EnR à l’horizon 2030. Rappelons que la Tunisie bénéficie d’atouts en la matière notamment d’un taux d’ensoleillement important compris entre 3 000 à 3500 h/an. Le rayonnement solaire en Tunisie varie d’une intensité comprise entre 1800 kWh/m2/an et 2600 kWh/m2/an. Le potentiel éolien est évalué à 8 GW sur une surface exploitable de 1600 km2. En 2017, la puissance installée en énergies renouvelables représente 3% de la puissance totale, soit 311 MW.

Malheureusement, nous n’avons presque pas avancé par rapport aux prévisions du Plan solaire pour 2030. Nous aurions dû réaliser 50% ou 60% des objectifs fixés au démarrage du plan, ce qui équivaut à 1 700 mégas, sachant que nous devions atteindre les 3 800 mégas en 2030. Ce qu’a confirmé l’expert en énergie, Khaled Ben Kaddour, en déclarant, lors de son intervention pendant les travaux de la Fédération générale du pétrole qui s’est tenue à Hammamet Sud, la semaine dernière, que l’Etat tunisien n’a pas commencé à produire l’énergie alternative et n’a pas entamé l’étape de la transformation énergétique. Il a souligné que la Tunisie produit 3% de l’énergie alternative, alors que les 97% restants sont d’origine fossile. Il a, également, déploré le manque d’investissement dans les programmes de transformation énergétique.

Réticences des banques

Parmi les principaux obstacles qui entravent le développement de l’énergie renouvelable, il faut citer le financement. Auquel sont confrontés les investisseurs. En effet, les banques et les bailleurs de fonds considèrent ce genre de projets (qui s’élèvent à 30 milliards de dinars) lancés dans le cadre de contrats conclus avec la STEG, comme des projets à risque et refusent par conséquent de les financer. Ce qui pousse les bailleurs, à défauts de solution, de laisser tomber et de partir. Et puis il y a l’autre obstacle qui concerne les sites qui servent à la construction des centrales des EnR. Il y a souvent des oppositions de la part du ministère de l’agriculture quant à la validation des autorisations de bâtir. Ces deux obstacles présentent un grand handicap au développement de ces énergies.

En ce sens, le déficit de la balance énergétique a atteint 48% en 2021 contre 10% en 2010. Ainsi, les besoins de financement de la subvention des hydrocarbures, de l’électricité et de gaz ont augmenté compte tenu de la flambée du prix du pétrole, estimé actuellement à 110 dollars/baril alors que la Loi de finances pour l’exercice 2022 tablait sur un prix de l’ordre de 75 dollars/baril. La ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Neila Gongi Nouira rappelle, par ailleurs, que chaque hausse d’un dollar du prix du baril entraîne l’accroissement des dépenses de compensation de 137 millions de dinars tunisiens (MDT).

Dans une telle situation, il n’est pas étonnant, que le coût de l’électricité devienne plus cher. D’ailleurs, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) a annoncé l’application d’une nouvelle tarification au niveau de la facturation du gaz naturel et de l’électricité, à des taux variant entre 12,2 et 16 %, pour les clients résidentiels et 15% pour les industriels. Inscrite dans la loi de finances 2022, cette mesure est donc entrée en vigueur depuis le 1er mai 2022.

Qui sera « concerné » par cette augmentation ?

Le directeur des relations avec le citoyen, au sein de la STEG, Mounir Ghabri, a expliqué, que les familles tunisiennes dont la consommation ne dépasse pas 200 kWh par mois, ne seront pas concernées par cette nouvelle augmentation. Cette augmentation concerne 15% des clients de la STEG, soit 650 mille clients basse tension. La nouvelle tarification est de 218 millimes/le kWh”. Pour ce qui est des clients basse tension consommant plus de 500 kWh/mois, les nouveaux tarifs sont de 176 millimes/kWh pour la première tranche de 200 kWh/mois; de 218 mill/kWh pour la tranche allant à 300 kWh/mois et de 341 mill/kWh pour la tranche allant jusqu’à 500 kWh/mois. Pour ce qui est des industriels, l’augmentation moyenne des prix de l’électricité est de 12% pour les clients haute tension et de 2,5% mensuellement sur six mois, depuis le 1e mai pour les clients moyenne tension. Enfin, pour ce qui est de l’augmentation concernant le gaz naturel, elle est de 16 % et concernera 33% des clients basse pression, dont la consommation dépasse 30 m3 par mois.

Ce qui est paradoxal, c’est que la Tunisie veut développer les énergies renouvelables, mais en même temps, elle est dans l’incapacité de mettre en place le cadre réglementaire adéquat. Ce qui enfonce le pays encore plus dans la dépendance énergétique. Au final, pour trouver une solution à ce problème, le gouvernement doit prendre les bonnes décisions et être plus souple avec les investisseurs étrangers, qui risquent bientôt de déserter la Tunisie pour se diriger vers d’autres pays de l’Afrique qui offrent plus de flexibilité et d’enthousiasme.

Leila SELMI