Quelques heures après la conférence du Comité de la défense de Belaid et Brahmi, tenue mercredi matin, le mouvement d’Ennahdha a organisé à son tour une conférence visant notamment à démentir ce qui a été déclaré et présenté par la défense des Martyrs. Toujours dans le cadre de la réaction verbale, il s’agissait essentiellement d’un ensemble de commentaires et d’analyses loin de toute intention ou annonce de sa direction vers des processus juridiques pour se défendre à titre d’exemple, ou dans le but de prouver le contraire des arguments fournis par le comité de la défense des Martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi. 

A chaque fois que la Défense des Martyrs sort pour présenter à l’opinion publique les dernières nouveautés de son travail accompagnées d’un certain nombre de données jointes à des preuves, des documents et des dossiers, Ennahdha s’évertue à démentir ces données et à nier toute relation avec des noms tels que Mustapha Khedher et d’autres personnes.

Entre autres déclarations, Ghannouchi avait soutenu que Khedher « n’est pas adhérent au mouvement », « n’est pas criminel », et que sa relation avec quelques dirigeants de leur parti est purement « humaine ». D’autre part, plusieurs autres dirigeants du parti avaient indiqué qu’ils ne connaissaient plus cette personne. Mais la défense tient, en contrepartie, que les registres des appels montrent que 11 communications téléphoniques de sont déroulées la veille de l’assassinat de Mohamed Brahmi entre Khedher et Ghannouchi. 

Des « commentaires » VS des « arguments » ?

La nature des réactions a changé après que la défense s’est dirigée vers la publication de documents liés au rapport de l’inspection générale au ministère de la Justice, expliquant la relation entre les différents dossiers et les différentes personnes accusées, selon les investigations et les déclarations de la défense des Martyrs. Toujours dans le cadre des commentaires et  des conclusions, Ennahdha n’a jamais discuté les contenus et les détails des données présentées d’une manière profonde et complète (dossier par dossier et détail par détail) au moins avec l’opinion publique. 

Chaque fois que la défense aborde un ensemble de faits, par exemple autour : 

  1. Des dossiers cachés par Bachir Akremi de 2016 jusqu’à 2020, dont plus de 6 000 dossiers liés aux affaires terroristes, ce qui a permis à plus de 20 000 terroristes en liberté grâce à El Akremi, selon un calcul effectué par la défense.
  2. Du rapport de l’Inspection générale du ministère de la Justice confirmant de manière ferme, selon le comité de défense, des violations et des crimes commis concernant, par exemple, Amer Balaazi et les pistolets dans lesquels les martyrs ont été assassinés, l’affaire de la voiture du «Fiat Siena » et la falsification de certains documents, ect….

Les commentaires du mouvement concerné tournent tout le temps autour de la mise en doute et en question comment la défense a pu obtenir toutes ces informations. Certains de ses dirigeants se contentent de souligner, tout court, qu’il s’agit des mêmes informations et qu’il n’y a rien de nouveau ni de sérieux. 

Passage de « Si quelqu’un a des preuves, qu’il aille aux tribunaux » au « nous sommes victimes de conspiration avec le coup d’état » : 

En marge avec la prise des mesures du 25 juillet, Ennahdha a décidé d’organiser immédiatement des conférences après la fin de celles de la défense de Belaid et Brahmi. Le principal argument cette fois est que tous les travaux du comité des Martyrs sont basés sur de la pure instrumentalisation politique au profit de Kais Saied. 

A cet égard, maître Imen Gzara avait déjà souligné, mercredi dernier, que si cette instrumentalisation existait vraiment, il y aurait eu des pressions pour éviter ces difficultés auxquelles ils sont confrontés maintenant avec le ministère de l’Intérieur, en ajoutant : « Notre lutte est continue, ils ont déjà dit que la défense était affiliée au Front Populaire, puis ils ont dit que nous sommes financés par les EAU, ensuite ils ont dit que c’est Kamel Letaief qui nous finançait, maintenant ils disent Kais Saied, et plusieurs autres accusations restent à venir. » 

Contradiction : si les fonctions ou des postes au sein des ministères aujourd’hui représentent des soupçons, que représente alors le fait d’être à la tête des autorités et des institutions du pays pendant 10 ans  ? 

En donnant des arguments davantage dans le but d’accentuer ce qui est considéré comme « complot » contre le mouvement et complicité entre les membres de la défense et Saied ( ou plutôt le régime de Saied), on a fait allusion au travail d’un membre de la défense en tant que conseiller dans un ministère, dans le cadre de la nouvelle version accusant les avocats de travailler pour le Président et le régime du post 25 juillet.

Question qui reste : Que signifie de souligner qu’un membre de la défense occupe maintenant, en tant qu’avocat et juriste, le poste d’un conseiller dans un ministère (ni justice, ni intérieur, ni défense) qui n’a rien à voir avec les organes impliquées dans cette affaire ? Quelles preuves sont insinuées à travers ce lien incompréhensible présenté lors de la conférence d’Ennahdha comme preuve de complicité entre les membres de la défense et Kais Saied contre le mouvement ? 

Et si l’on considère, suivant la même logique, les nominations et les postes comme étant des preuves de condamnation, que représentent alors les nominations d’une part des membres (dirigeants, adhérents, sympathisants) du mouvement d’Ennahdha dans les ministères, les administrations et les différentes institutions, tout au long de 10 ans?

Témoignage de Karim Abdessalem et l’historique de la notion des services secrets chez le mouvement : 

Loin des réponses et des « contre attaques » adressées, au fur et à mesure, au comité de la défense des Martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, et dans le même contexte connu par l’affaire de l’appareil secret, le témoignage de l’ancien islamiste Abdelkrim Abdesselam nous interpelle particulièrement. Abdessalem avait affirmé, à travers son témoignage concernant les coulisses de l’opération de Bab Souika et l’attaque contre le siège du RCD en 1991, que le mouvement prévoyait d’infiltrer l’armée sous la supervision de Moncef Ben Salem et Sadok Chourou et la direction directe de Rached Ghannouchi. 

Il a révélé, en outre, qu’Ennahdha fabriquait des armes par des moyens locaux au début des années 1990 comme sorte de préparation pour la confrontation ouverte prévue avec le régime de Ben Ali. En conséquence, ces données remettent également en relief la question de la planification de la violence et de l’infiltration (et autres..) dans des dispositifs et des cadres secrets. D’autre part, les réactions et les déclarations individuelles des personnes concernées, et les dirigeants dans le mouvement islamiste à l’époque, étaient contradictoires et inexactes, alors que d’autres ont catégoriquement refusé d’interagir. 

Mais finalement, il n’y avait eu aucun discours officiel et unifié au nom du parti à présenter, que ce soit lors d’une conférence de presse ou par une déclaration officielle détaillée dans le but de clarifier ou de démentir ces données dangereuses qui leur sont attribuées.

Rym CHAABANI

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