La surconsommation est «une pratique consistant à acheter des biens périssables de manière excessive, dans un volume supérieur à la normale». Malgré les cris d’orfraie que poussent les Tunisiens contre la cherté de la vie, il n’en reste pas moins qu’ils sont en passe d’arriver à former une société de surconsommation. A moins que nous en sommes déjà arrivés là…

A croire les micros-trottoirs télévisés qui se déroulent dans les marchés, on a l’impression que c’est la «faim» du monde pour les Tunisiens. Ils sont là à se plaindre du coût de la vie alors que pour beaucoup le panier est bien garni -même si le cadrage télévisuel évite de le montrer comme dans une volonté de dramatiser les choses. Pourtant s’ils s’intéressaient un tant soit peu à ce qui passe dans le monde, ils comprendraient que cette situation ne concerne pas uniquement la Tunisie mais beaucoup d’autres pays à travers le monde, et même occidentaux. Mais, évidemment, le Tunisien, par excellence, ne s’intéresse qu’à son petit nombril en égoïste parfait.

Cris d’orfraie et pleurnicherie sont devenus monnaie courante chez nombre de concitoyens, qui trouvent prétexte à tout pour se plaindre et rouspéter contre le gouvernement et l’Etat, sans prendre conscience un instant qu’au final ce sont leurs modes de consommation tendant vers la surconsommation et leur gaspillage alimentaire -surtout pendant le mois de Ramadan, mais pas que- qui provoquent, d’une certaine manière, la cherté de la vie. Il n’y a qu’à faire un tour dans les poubelles pour trouver des plats pratiquement entiers. Parce que beaucoup de Tunisiens, même parmi la couche défavorisée, aiment que le repas du soir soit différent du déjeuner, qui lui doit être différent du dîner de la veille, etc. Ne parlons pas du pain qui fait la joie de ceux qui les ramassent pour le vendre afin d’aller nourrir les vaches et autres animaux de ferme.

Paraître et non être !

Les Tunisiens ne forment plus une société de consommation mais de surconsommation. Il suffit qu’on annonce une pénurie de quelque chose pour voir des queues se former ou des magasins dévalisés par des clients qui veulent faire des réserves comme si nous étions en temps de guerre. Du coup, dans les grandes surfaces, on rationne comme en temps de… guerre ! Pas plus que deux paquets de lait -difficile quand on a une grande famille ; il faudrait, peut-être, ajouter de l’eau quand il y en a déjà dans le lait pour avoir une quantité suffisante-, un de farine, etc.

A les entendre parler, tous les Tunisiens sont des «zaouala», c’est-à-dire qu’ils font partie de la classe «pauvre». Mais, aussi bizarre que cela paraisse -pourtant pas autant que ça, ces «zaouala» sont les premier à casquer lors des fêtes qu’elles soient religieuses ou non. Si l’on va faire un tour dans les chaumières à l’approche de l’Aïd El Idhha, par exemple, qui approche à grands pas, on se rend compte qu’un mouton bêle chez ces «zaouala». Et ce ne sont pas des âmes charitables qui les leur ont offerts.

Quelle que soit leurs couches sociales, nombre de Tunisiens aiment paraître et non être. Ils veulent être des copies conformes les uns des autres : «celui-là a fait, donc, je fais aussi, même si je n’en ai pas les moyens !». Et pendant ce temps, les vrais «zaouala» -malheureusement il en existe- n’ont rien demandé et ne demandent rien, à part, peut-être, d’arrêter que leurs compatriotes se servent d’eux pour justifier leur surconsommation et leur gaspillage.

Pubs et tickets

Il faut dire qu’ils sont aidés en cela par les publicités, qu’elles soient télévisuelles (y compris les émissions de télé-achat et celles culinaires), radiophonique, en affichage, ou sur le Net : nouveaux produits qu’il faut absolument essayer et qui, au final, sont juste une copie conforme à d’autres plus anciens, promotions qui, à y regarder de plus près, n’en sont pas, et le mot «majanen !» bien appuyé comme un marteau sur un gong qui empêche le cerveau de retenir ce qu’il y avait avant, etc.

Est-ce que ne pas essayer un nouveau produit ou «profiter» d’un promotion va empêcher les Tunisiens de vivre ? Apparemment et vu leur comportement, oui !

Que dire de l’effet «ticket-restaurant» ? Il fait acheter de tout et du n’importe quoi à ceux qui les possèdent. Quand on voit les caddies plein à ras-bord de produits d’aucune nécessité, il y a vraiment de quoi se poser des questions sur la compréhension des Tunisiens par rapport aux mots «consommation», «surconsommation», et «gaspillage».

Peut-être faut-il que les tickets-restaurant retrouvent leur usage originel, à savoir une «monnaie scripturale» pour payer le restaurant, et non les achats en magasin…

«Rien ne se récupère, tout se jette !»

L’une des devises de la majorité des Tunisiens semble être «rien ne se récupère, tout se jette !». Nourriture dont on ne veut plus : poubelle ! Chaise dont un pied commence à bouger comme une dent : pas besoin de rafistoler, poubelle ! Vêtements démodés, même encore portables : poubelle ! Chaussures que l’on peut ressemeler chez le cordonnier (métier en voie de disparition) : poubelle !, etc. Il faut acheter du neuf, toujours acheter encore acheter. Evidemment, cela fait marcher l’économie du pays… Heureusement, qu’il y a ce qu’on appelle vulgairement les «charognards», ces personnes qui font les poubelles et récupèrent, pour réparation ou pour les différentes pièces, tout ce qui peut être récupérable.

Puis, les Tunisiens ne savent pas, non ne veulent pas appliquer la loi «plus d’offres que de demandes» ; ce qui aurait pour conséquence de faire baisser les prix. Il leur faut tout et tout de suite, quitte à s’endetter, à se mettre des crédits sur le dos. C’est psychologique, voire psychiatrique, car, finalement, la grande majorité des Tunisiens ont la maladie de la fièvre acheteuse, surtout au niveau alimentaire, la peur de n’avoir pas grand chose à se mettre sous la dent. Alors à quoi leur sert de jeûner pendant le mois de Ramadan ?

Zouhour HARBAOUI