Quelques heures après le déroulement de la troisième réunion de la commission consultative, Leila Toubel a indiqué, dans une déclaration au Temps News, que les différentes visions des participants ont été rédigées  de manière dépassionnée et, surtout,  en fonction de ce qu’on considère comme étant le meilleur modèle pour la Tunisie. L’élaboration et la formulation seront ensuite réalisées par des spécialistes qualifiés pour traduire ces propositions en textes juridiques. 

Leila Toubel nous a avoué qu’elle s’était posé des questions, lors de la première réunion, autour de l’absence des jeunes dans cette commission. Elle a nié, par la même occasion, la présence de prétendues tensions survenues au cours de la réunion tenue ce dimanche, 12 Juin. « Je n’ai relevé aucune tension. Il s’agit simplement de divergences de vues et d’opinions exprimées par des experts en économie auprès des membres de la délégation qui a présenté le programme gouvernemental des réformes », a-t-elle expliqué.

Et d’insister : « Si les gens ne sont pas d’accord sur tel ou tel point, cela ne veut pas dire forcément qu’il y a eu des tensions. » 

« Où sont les sages de ce pays ? »

« En Tunisie, on a tendance à vouloir voir un arbre qui tombe mais pas une forêt qui pousse ! », métaphorise Leila Toubel, pour décrire la situation politique et générale du pays, affirmant, par ailleurs,  qu’il y a une machination pour semer la discorde  au sein de cette commission. 

Bien que le fait d’utiliser la politique pour camoufler d’autres choses peut sembler ordinaire et « normal », Leila Toubel pense que certaines affaires doivent au moins rester apolitique et c’est ce qui l’a amenée à s’interroger sur le rôle que devraient jouer les « sages de ce pays ». « Où sont les gens qui sont censés rapprocher les points de vue ? Il n’y a que ceux qui contribuent à  rendre la situation fortement exacerbée », s’est-elle indignée.

« À mon avis, la présence de l’UGTT est très importante. J’ai souhaité, et je souhaite encore, que l’UGTT  révise sa position et participe enfin aux travaux de la commission et au dialogue national », a-t-elle ajouté, appelant à tirer la morale de ce qui s’est passé  pour ceux  qui ont perdu leurs terres et leurs pays, et plus précisément les Syriens qui sont contraints, par exemple, à s’exiler et à vivre partout dans le monde, y compris en Tunisie.

« Je ne suis pas une porte-parole, mais je parle d’un rêve partagé et d’un destin commun sur la base de la responsabilité citoyenne, affective et éthique.»

Connue p pour son engagement, cette artiste représente pour plus d’un, à travers sa participation au dialogue national, une sorte de « garantie » en faveur des droits civiques, des droits des femmes et des affaires culturelles. Plutôt humble, Leila Toubel nous a confié qu’elle ne s’est jamais considérée comme telle et qu’elle était très surprise et d’autant émue de voir les réactions et de lire les messages de soutien et de reconnaissance.

« Je voudrais insister qu’en acceptant de participer, je n’ai pas jamais considéré que j’allais représenter toutes ces catégories, parce que j’ai suffisamment d’humilité par rapport aux autres. Mais j’étais agréablement surprise par les appels et les messages que j’ai reçus. Du coup, j’ai senti que je suis allée pour « dire », « hurler » et me positionner. J’ai senti la détresse des Tunisiennes et des Tunisiens, leur désillusion, tout l’amour qu’on porte pour ce pays, et c’est pour ces raisons que j’ai dit que j’étais émue jusqu’aux larmes », a-t-elle expliqué. 

« Je ne m’approprierai rien .. J’ai demandé aux personnes qui voulaient contribuer d’envoyer, par email, leurs propositions en leurs noms, directement au Bâtonnier Brahim Bouderbala et au Doyen Sadok Belaid »

Quant aux compagnes de lynchage lancées à son encontre, Toubel a affirmé que,  bien  qu’elle n’ait pas été défendue et qu’elle soit  en train de découvrir beaucoup de choses par rapport au principe de la défense de la femme , elle a vu en parallèle un élan de soutien « extraordinaire ». Cet élan lui a donné beaucoup d’émotions et lui a ainsi donné de la force, selon ses dires. 

Elle a exprimé, en outre, son souhait que sa perception des choses soit concrétisée. Ajoutant qu’après la publication de la nouvelle constitution, elle publiera ses suggestions et ses  approches  proposées et notées pour tous ceux qui ont dit « tu me représentes, tu es ma voix », pour tous ceux qui partagent le même rêve et le même destin et aussi pour les blessés de la révolution qui souffrent jusqu’à  présent. 

Par la même occasion, Toubel a voulu appeler les gens, à travers cette interview, à relire à tête reposée la constitution de 2014. Parce qu’à son avis, et à l’exception de quelques acquis ,et le cataclysme que représentent les assassinats  de Belaid et Brahmi, il y a plus d’une raison pour lire et relire deux et trois fois ce qui a été écrit.

« Je tiens à ma liberté plus que tout au monde, et je tiens à défendre mon pays ici et à l’intérieur comme il se doit et à ma façon » 

Comme dernier message, Leila Toubel a souligné qu’elle ne cherche pas obtenir  les postes et qu’elle continuera toujours d’être la citoyenne, la femme et l’artiste libre sans recommandations ni ingérence concernant qu’est ce qu’elle doit dire et faire. 

Rappelons que l’artiste Leila Toubel était parmi les personnalités nationales invitées à participer à la préparation de la nouvelle constitution « pour la nouvelle république», et ce, dans le cadre des travaux de la commission consultative. « On est très loin du format du dialogue national de 2014, il s’agit plutôt d’une commission socio-économique, culturelle et environnementale, qui est en train de rédiger une constitution », tient-elle de préciser.

Entre autres, et avec toute sa sensibilité habituelle et ses expressions touchantes, cette artiste n’a pas raté l’occasion pour réaffirmer son attachement à l’espoir malgré les difficultés et les obstacles, soulignant qu’elle parle, chaque jour, depuis 11 ans d’espoir, malgré les  moqueries  et le scepticisme auxquels elle a fait face.

Interview  réalisée Rym CHAABANI