Juriste chevronné et magistrat promu au troisième grade, connu pour sa sagesse et sa bonne compréhension du milieu judiciaire, avec une expérience de 34 ans, Ali Chourabi a bien voulu donner au Temps News ses impressions sur la situation actuelle dans le milieu judiciaire, et face à ces perturbations et cette grève qui est prolongée maintenant pour la troisième semaine, ce qui a totalement paralysé le travail dans tous les tribunaux de la République et nui par là-même aux intérêts des citoyens et à l’image de la justice.

Le Temps News : que pensez-vous de la stratégie suivie par vos collègues à travers les structures judiciaires, suite au limogeage de 57 magistrats ?

Ali Chourabi : Je pense qu’il est nécessaire de respecter l’Etat de droit et le Président de la République. C’est pour cela que je ne suis pas d’accord sur leur stratégie qui n’est pas du tout efficace, et qui ne peut mener que vers l’impasse. En effet, dans tout litige, il y a d’abord la concertation la médiation et le dialogue qui doivent précéder tout recours aux méthodes agressives menant vers l’escalade et les attitudes irrespectueuses de l’Etat de droit. En plus d’une grève prolongée qui a entravé la bonne marche du service public de la justice. Il y a même ceux qui ont proposé leurs bons offices tels que le bâtonnier Brahim Bouderbala, afin de résoudre le problème à condition d’arrêter la grève et cette prise en otage du service judiciaire. La grève est la solution ultime, lorsque tous les autres moyens sont épuisés.

Même en cas d’action devant le tribunal, il y a d’abord le recours gracieux qui précède toute procédure contentieuse.

Croyez-vous qu’ils auraient pu en l’occurrence, saisir le tribunal administratif ?

– Bien sûr, les magistrats révoqués auraient pu commencer par saisir le tribunal administratif et tenter devant la chambre des référés du tribunal administratif, la suspension de la décision de révocation en attendant que le tribunal se prononce sur le fond. Les révocations seraient ainsi étudiées au cas par cas. En effet, comme il n’y a pas de sanctions collectives, il n’y a pas de jugement administratif collectif. Auparavant, les magistrats révoqués par Noureddine Bhiri, alors ministre de la justice, n’ont pas recouru à la grève et ont saisi le tribunal administratif qui les a déclarés recevables et leur a donné gain de cause.

Pensez-vous qu’il y a une issue favorable, à cette situation d’escalade et de bras de fer ?

– Je pense que mes collègues ont brulé les étapes, allant directement vers la grève et la grève de la faim de surcroît, au lieu de tenter le dialogue et  les solutions de sagesse, la grève étant le dernier recours lorsque tous les autres sont épuisés.

Le service de la justice doit reprendre entièrement, car il fonctionne déjà partiellement mais cela n’est pas suffisant à satisfaire les besoins des justiciables et des citoyens en général. Encore une fois il faut qu’ils fassent preuve de sagesse, car l’escalade ne mène à rien. Bien plus, elle ne fera qu’envenimer les choses. Espérons qu’ils sachent raison garder afin de prendre en compte l’intérêt de la justice qui est de celui des citoyens et de l’Etat de droit dont le pouvoir judiciaire est l’un de ses piliers.

*Propos recueillis par Ahmed NEMLAGHI