Après sa publication au Journal officiel de la République tunisienne (JORT), jeudi 30 juin 2022, le projet de la nouvelle constitution proposé par Kaïs Saïed défraie la chronique. Le Temps News se propose de dresser un réexamen des points les plus importants abordés dans certains de ses chapitres et des contenus qui ont suscité plusieurs réactions et autant de controverses pour différentes raisons. Le tout accompagné d’une traduction de la préambule.   

Extrait de la préambule (traduction) :

« Nous, le peuple tunisien, souverain, qui, à partir du 17 décembre 2010, avons connu une montée sans précédent dans l’histoire, se rebellant contre l’injustice, la tyrannie, la famine et les abus dans toutes les sphères de la vie.

Nous, le peuple tunisien, qui avons été patients pendant plus d’une décennie après cette révolution bénie, nous n’avons pas cessé d’élever nos revendications légitimes pour le travail, la liberté et la dignité nationale, mais en retour nous n’avons reçu que de faux slogans, de fausses promesses, voire la corruption s’est même intensifiée, et la saisie de nos richesses naturelles et le vol d’argent public se sont aggravés sans aucune responsabilisation. Le sens profond de la responsabilité historique a exigé la repositionnement du processus de la révolution et même du cours de l’histoire, et c’est ce qui a eu lieu le 25 juillet 2021, date de la commémoration de la Proclamation de la République.

Nous sommes le peuple tunisien qui a présenté les légions de martyrs pour l’émancipation et la liberté.. les Martyrs que leur sang pur a été mêlé avec cette bonne terre, et a également tracé les couleurs du drapeau national.

Nous avons exprimé notre grande volonté et nos grands choix à travers la consultation nationale, à laquelle des milliers de citoyens ont participé en Tunisie et à l’étranger, et après avoir examiné les résultats du dialogue national afin que personne ne soit seul ou tyrannique à choisir : 

Nous, le peuple tunisien, reconnaissons cette nouvelle constitution d’une nouvelle république sans oublier notre histoire riche de gloire, de sacrifice, de douleur et d’héroïsme.

Notre cher pays a connu divers mouvements de libération, notamment le mouvement de libération intellectuelle du milieu du 19ème siècle, suivi d’un mouvement de libération nationale du début du XXe siècle jusqu’à l’obtention de la Tunisie de l’indépendance accompagné du débarras de la domination étrangère…»

I – Dispositions d’ordre général 

Le chapitre 1 stipule que « la Tunisie est un État libre, indépendant et souverain ». Le premier chapitre de la Constitution de 2014 stipulait que « La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe est sa langue et la République est son régime ».

Quant au deuxième chapitre du projet de la nouvelle constitution, il énonce que le régime de l’état Tunisien est républicain. « Le peuple tunisien est souverain, exercé de la manière prévue par la présente Constitution », indique le troisième chapitre. Le chapitre 5 souligne que la Tunisie fait partie de la nation islamique et que seul l’État doit œuvrer pour atteindre les buts de l’islam dans la protection de soi, de la renommée, de l’argent et de la religion. Le 6ème chapitre indique, en outre, que la Tunisie fait partie de la nation arabe et que la langue officielle est l’arabe. Et selon le 5ème chapitre, la République Tunisienne fait partie du Grand Maghreb, œuvrant pour son unité dans le cadre d’intérêt commun.

En tout, la partie I de la constitution comprend 21 chapitres traitant les dispositions d’ordre général. 

II – Droits et libertés

Le chapitre 41 stipule que le droit syndical, y compris le droit de grève, est garanti, mais ce droit ne s’applique pas à l’armée nationale. Le droit de grève n’inclut pas aussi les juges, les forces de sécurité intérieure et les douanes. 

Le chapitre 55 stipule également que les droits et libertés garantis par la présente Constitution ne sont limités que par la loi et par nécessité exigée par la défense nationale, la sécurité publique, la santé publique ou la protection des droits d’autrui ou des bonnes mœurs. Ces restrictions ne doivent pas porter atteinte à la substance des droits et libertés garantis par la présente constitution et doivent être justifiées par leurs objectifs et conformément à leurs causes. Le même chapitre a également affirmé qu’aucune révision ne pouvait porter atteinte aux acquis et aux libertés garantis par la constitution et que tous les organes judiciaires doivent protéger ces droits et libertés contre toute violation.

Un ensemble de droits ont été par ailleurs inclus dans cette partie comme : liberté de conviction et de conscience (chap 27), égalité des citoyens et citoyennes devant la loi dans les droits et devoirs sans discrimination (chap 23), liberté de la formation des partis, associations et syndicats (chap 40), garantie des droits à l’information et à l’accès à l’information par l’État (chap 38), action de l’état quant à la représentation des femmes dans les conseils élus (chap 39), etc…

III – La fonction législative 

S’agissant de l’Assemblée des représentants du peuple, le chapitre 62 indique qu’en cas de démission d’un bloc parlementaire, le député ne peut plus en rejoindre un autre au cours de son mandat. Et conformément aux conditions désignées par la loi électorale, il est possible de lui retirer la confiance. 

D’autre part, le chapitre 66 indique que le député ne bénéficie pas de l’immunité parlementaire pour les crimes de violence, d’échanges de violence et de diffamation au sein de l’Assemblée. En contrepartie et selon le chapitre 65, le député ne peut pas être poursuivi ou arrêté pour des poursuites pénales, sauf si l’immunité est levée par l’Assemblée, et ce, durant tout son mandat parlementaire. Par ailleurs, et conformément au chapitre 64, il est impossible de poursuivre en justice un député pour des avis, propositions ou actions faisant partie de ses fonctions représentatives au sein de l’Assemblée. 

En cas de dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple, le président de la République peut signer des décrets qui seront approuvés par le nouveau Parlement, dans sa première plénière ordinaire, stipule ,en outre, le chapitre 80. 

IV – La fonction juridictionnelle  

Dans sa quatrième partie, le projet de constitution a traité « la fonction juridictionnelle».

Le chapitre 117 stipule que « la magistrature est une fonction indépendante de juges qui n’ont aucune autorité sur eux dans le cadre de leur système judiciaire autre que la loi ». « Les jugements sont rendus au nom du peuple et exécutés au nom du Président de la République », indique le chapitre 118. Et selon le chapitre 119, le pouvoir judiciaire est divisé en ordre judiciaire, administratif et financier, et chacun de ces types est supervisé par un conseil supérieur contrôlé que la loi réglemente sa composition et ses fonctions.

Quant à la nomination des juges, le chapitre 20 énonce qu’elle est ordonnée par le Président de la République en vertu de la nomination du Conseil judiciaire suprême magistrature concerné.

VI – La fonction exécutive

Le chapitre 87 indique que le président de la République exerce la fonction exécutive à l’aide d’un gouvernement présidé par un chef de gouvernement. 

D’autre part, le chapitre 88, stipule que le président de la République est le Chef d’État et que sa religion est l’islam. Se présenter à la présidence est le droit de tout Tunisien qui n’a pas d’autre nationalité et qui est né de parents et de grands-parents (maternels et paternels) tunisiens, tous tunisiens, mentionne le chapitre 89 de la première partie consacrée au président de la république. Selon le même chapitre, le candidat doit avoir 40 ans au moins le jour de la présentation de sa candidature, et doit également être jouissant de tous ses droits civils et politiques.

La candidature doit être présentée auprès de l’ISIE selon la méthode et les conditions prescrites par la loi électorale.

VIII – Conseil suprême pour l’éducation 

Le chapitre 135 stipule que le Conseil suprême pour l’éducation est chargé d’émettre un avis dans les grands plans nationaux dans le domaine de l’éducation, la recherche scientifique et la formation professionnelle. Il a noté, en outre, que la composition, les fonctions et le fonctionnement de ce Conseil sont réglementés par la loi.

Il convient de noter que le président Saied avait déjà parlé de la nécessité d’établir un conseil supérieur pour l’éducation pendant sa campagne présidentielle.

Rym CHAABANI