Dans sa déclaration publiée le 27 juin 2022, autour des violations des droits des femmes partout dans le monde tout au long de cette période, l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) a également abordé le sujet du projet de la constitution publié récemment au JORT, mentionnant «son rejet de toute rétrogression quant aux droits acquis des femmes tunisiennes». 

Interviewée par le Temps News, la secrétaire générale de l’ATFD, Ahlem Bousserwel, nous a déclaré que ce que l’association considère que cette constitution marque  une  rétrogression au niveau des droits des femmes. Elle évoque 


plusieurs raisons ,y compris la question des candidatures aux élections présidentielles énoncées au masculin.

« La candidature à la présidentielle qui était stipulée comme droit  pour chaque électeur et électrice, est maintenant traduite au masculin seulement, même le reste du projet de constitution, est à 100% machiste. Et il ne s’agit pas de ça seulement :l’expression  » électeur et électrice  » a été complètement supprimée et cela montre que nous faisons des pas en arrière même au niveau linguistique. Alors, nous croyons que le projet de constitution sape le principe de la citoyenneté inclusive des femmes et des hommes en Tunisie, sans discrimination ni distinction.»

La secrétaire générale a en outre affirmé que les femmes démocrates étaient conscientes que la Constitution de 2014 n’était pas la meilleure constitution,  indiquant  que l’ATFD et de nombreuses associations y ont contribué   en y intégrant plusieurs droits fondamentaux. 

« La Constitution de 2014 a considérablement évolué, grâce à cette contribution, par rapport à la Constitution de 59 et celle que Ben Ali avait révisée à plusieurs reprises. Les plus importantes évolutions ont été représentées par l’article 21, l’article 46, ect… La constitution de 2014 a aussi parlé clairement de l’État civil » a-t-elle expliqué tout en notant que, dès le début de ce processus, l’association avait mis en garde contre la rétrogression quant aux droits acquis des femmes et aussi au niveau du système des droits de l’homme en général. 

« Toutefois, ce projet de constitution n’inclut pas le principe de l’état civil. Alors que la question référentielle est présentée au  préambule et alors que les aspects territorial, arabe, islamique et mondial ont été aussi présents, l’aspect national et l’identité tunisienne, n’ont pas été abordés en retour. »

Si nous avons un vrai problème de référence, c’est  la disparition de la référence aux droits de l’homme et les engagements internationaux de la Tunisie à cet égard.» Ahlem Bousserwel a indiqué, en rappelant que la société civile se bat depuis des années contre l’article 226 du code pénal relatif aux « bonnes mœurs » causant l’emprisonnement et l’accusation injustes de nombreuses personnes, « en raison de ces bonnes mœurs, des gens ont été injustement poursuivis. Qui détermine les bonnes mœurs? Avons-nous un cahier des charges sur les bonnes mœurs ? Donc après les tentatives de la société civile pendant des années pour éliminer ces accusations, on trouve les mêmes accusations présentes aujourd’hui dans le projet de la nouvelle constitution. Cette affaire représentait auparavant une question de lutte, mais aujourd’hui elle fait partie de la constitution, ce qui représente aussi un grand danger. 

Quant à la séparation des pouvoirs, elle a considéré que le projet de cette constitution reflète à travers sa préparation et sa présentation une démarche unilatéraliste.

« Le pouvoir exécutif n’est pas redevable et la présidence est au plus haut niveau de ce pouvoir. Qui peut responsabiliser aujourd’hui l’institution présidentielle ? Personne apparemment selon cette constitution parce qu’on est dans l’absolu. Premièrement, accorder la confiance ne peut pas être efficace en Tunisie vu qu’on a fait face à plusieurs malheurs et fausses promesses. Et deuxièmement, l’absence de la responsabilisation de la présidence de la République consacre toute une culture et toute une politique d’impunité.» a-t-elle noté en ajoutant : « La constitution de 2014 inclut des lacunes, certes, or l’actuel  projet nous ramène à des siècles en arrière. C’est-à-dire, on est face à une rétrogression au niveau des droits acquis, l’état civil, droits et libertés et aussi la non séparation des pouvoirs. Parce que c’est important de garantir la séparation, mais le plus important c’est de créer un équilibre entre ces pouvoirs. Où est l’équilibre, actuellement, entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ? ». a-t-elle souligné.

Et s’agissant de la position face à la participation au référendum, elle a souligné que l’ATFD rejette le contenu et la forme de cette constitution et les dénonce, mais estime, en contrepartie, que personne ne peut entraver le droit de vote et la liberté de vote et que, finalement, chaque citoyen est libre d’exprimer son propre choix.

 

Rym Chaabani