Qui est Christophe Regnard ? Magistrat français et actuel président d’honneur de l’Union internationale des magistrats (UIM). Que fait-il en Tunisie ? En visite de soutien, les 5, 6 et 7 juillet courant, à ses « confrères » tunisiens sur fond d’un bras de fer entre un certain nombre de juges, d’un côté, et le président Saïed, de l’autre, après la décision par celui-ci de révoquer 57 magistrats, accusés de corruption, malversation et d’entrave à la justice.

Pourquoi Christophe Regnard défraie-t-il la chronique ? Parce que, et d’après plusieurs sources concordantes, ni la Présidence de la République, ni le ministère de la Justice, ni même le Conseil supérieur provisoire de la magistrature n’auraient daigné lui accorder ne serait-ce qu’un entretien. « Évidemment aucune autorité n’a souhaité me recevoir aujourd’hui. Auraient-ils des choses à cacher ? Ou honte des décisions de révocation sans aucun fondement ? », avait-il twitté mardi.

Au terme de sa visite, aussi brève que décidément « vaine », au cours de laquelle il n’a pu « s’entretenir » qu’avec des représentants de la société civile, le président d’honneur de l’UIM a annoncé finalement son retour en France… quasi bredouille : « Après une dernière rencontre avec l’ICJ, Euromed, avocats sans frontière, les anciens bâtonniers de Tunis et l’organisation d’une conférence de presse, c’est déjà l’heure du retour à Paris. Total soutien aux courageux collègues et membres de la société civile tunisienne qui se battent pour faire vivre en Tunisie les valeurs démocratiques partagées ailleurs dans le monde. Le combat aujourd’hui et demain est de rendre justice à la justice tunisienne », a-t-il notamment twitté ce jeudi 7 juillet 2022.

Conférence de presse de l’AMT : « Christophe Regnard méprisé par les autorités »

Dans une conférence de presse, le président de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), Anas Hmaïdi a déclaré que le programme de visite de Christophe Regnard, prévoyait des rencontres avec des instances officielles telles que le président de la République, la ministre de la Justice et le Président du conseil supérieur provisoire de la magistrature, précisant que ces parties « n’ont pas accepté de tenir des entretiens avec Christophe Regnard » ; ce qui représente, d’après lui,  un préjudice majeur à la position du pays sur le plan international ».

Hmaïdi a affirmé que Christophe Regnard prendra note dans son rapport de mission du « déficit de collaboration des autorités officielles ainsi que de leur refus de dialoguer avec les magistrats », faisant état d’une réunion à distance qui aura lieu ce soir entre des magistrats, le rapporteur spécial des Nations unies sur l’indépendance de la justice et des représentants du barreau.

De son côté, Christophe Regnard a évoqué, au cours de la même conférence de presse, la situation des magistrats en grève de la faim pour la troisième semaine consécutive, appelant les autorités officielles à retirer le décret présidentiel n°516 en date du 1e juin 2022.

Explications du ministère de la Justice : « Protocole oblige ! »

En guise de réaction, le ministère de la Justice n’a pas tardé à publier un communiqué niant la réception d’une demande officielle de rencontre avec la « partie étrangère », soulignant qu’un avis de visite déposé par une association tunisienne ne peut être considéré comme étant une demande officielle « garantissant la souveraineté de l’Etat ».

Le ministère explique que les rencontres officielles avec les représentants des instances étrangères se déroulent selon un protocole bien déterminé, qui obéit aux traditions diplomatiques. Autrement dit, passage obligé par la direction de la coopération internationale au sein du ministère des Affaires étrangères.

« Aucune demande officielle n’a été déposé par la partie étrangère auprès du service du ministère des Affaires étrangères », insiste le ministère de la Justice. « Les déclarations et informations relayées n’ont ainsi aucun fondement », conclut-on.

S.B.Y.