La deuxième version du projet de la nouvelle Constitution constitue-t-elle un nouveau projet ? C’est ce que pensent plusieurs observateurs dont des professeurs en droit constitutionnel qui estiment auquel cas que l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) doit intervenir afin de reporter la date du référendum. En effet, outre la correction de certaines coquilles ou erreurs de syntaxe, il y a eu l’introduction de certaines modifications avec des ajouts concernant le fond. Ce qui juridiquement constitue un nouveau projet et incite les électeurs à réfléchir en fonction de ces changements substantiels.

La professeure Salsabil Klibi a considéré par exemple que « l’introduction de l’expression -dans le cadre d’un système démocratique- à l’article 5, faisant déjà polémique, autorisait les institutions formées par scrutin et suite à des élections, à considérer les fondements de la Chariâa comme source de la législation et des choix fondamentaux du système juridique ». La professeure de droit constitutionnel a également évoqué l’apport de modifications au niveau de l’élection des membres du parlement ».

Ahmed Souab au Temps : « l’ISIE doit prouver son indépendance »

L’avocat et ancien magistrat au Tribunal administratif, Ahmed Souab a expliqué au Temps que « le décret émis par le président de la République, hier, pour rectifier certaines erreurs du projet de la nouvelle Constitution porte sur 46 points dont des rectifications profondes qui ont changé la Constitution déjà publiée dans le JORT le 30 juin 2022 . Il a estimé de ce fait que « pour prouver son indépendance l’ISIE peut soit considérer la nouvelle copie comme ayant été publiée après les délais légaux, soit modifier le calendrier en vue d’un ajournement du referendum en entamant une nouvelle campagne, puisque les ajustements pourraient causer des changements de position parmi les électeurs ».

Il ajouté par ailleurs « que lors de sa dernière rencontre avec Kais Saied, Farouk Bouasker   n’a pas réagi dans ce sens. Ce qui prouve , que cette instance n’est ni haute ni indépendante. Surtout qu’en son sein les dissensions s’accumulent, la dernière en date étant avec l’incident créé par l’un de ses membres, à savoir Sami Ben Slama ».

Quant à Kais Saied, il a réitéré lundi dernier, en recevant Najla Bouden la Cheffe du gouvernement, «   la nécessité d’un travail intensif pour que la campagne explicative se déroule dans les meilleures conditions et pour assurer l’impartialité de tous les services publics afin que le peuple se prononce librement sur le projet de constitution qui instituera une nouvelle république ».

Or plusieurs professeurs en droit, experts et acteurs de la scène politique ont considéré que la modification du projet de constitution soumis au référendum devait conduire au report de la campagne référendaire. Ils ont estimé qu’il s’agissait d’un nouveau projet et non pas d’une simple modification.

« Absence de support juridique »

La professeur de droit constitutionnel, Salsabil Klibi estime qu’il Il s’agit d’un projet sans aucun support juridique… Il n’y a pas de réaction de la part de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE)… Elle doit reporter le référendum… On peut s’attendre à un troisième projet ! », a-t-elle ajouté. Elle a considéré que l’ISIE devait réagir ». Or jusqu’à présent « Il n’y a aucune réaction de la part de l’instance . Il est nécessaire que le compte à rebours pour le jour J soit repris depuis la parution de la copie rectifiée, soit la veille de l’Aid Al Idha, dans la soirée du 8 juillet 2022.

Quant au bâtonnier Brahim Bouderbala, il a déclaré à une radio de la place que « les amendements apportés par le président de la République, Kais Saïed, au projet de Constitution n’ont pas touché l’essence du texte. Selon la même source, certains points ambigus, dont ceux relatifs à l’article 5 sur les objectifs de l’Islam, ont été clarifiés et que certaines erreurs ont été rectifiées ».

Modifications substantielles

Or, ce sont ces points ambigus qui posent problème, car ils restent sujets à différentes interprétations surtout, notamment concernant la notion de Oumma Islamique dans l’article 5, auquel a été inséré dans la nouvelle copie : « dans le cadre d’un régime démocratique ». Un changement substantiel qui suscite de nouvelles controverses.

En effet , tant sur le plan logique que juridique, il n’est pas possible d’introduire des modifications substantielles, introduisant un changement dans l’esprit et l’orientation du texte, en cours du délai imparti, alors que les électeurs se sont fait déjà leur idée . Cela est de nature à influencer, voire vicier leur conviction. Il est donc plus logique de reconsidérer les délais en reportant le référendum en vue de permettre aux électeurs de se fixer de manière sereine et réfléchie pour que le referendum se passe dans les meilleures conditions possibles et afin qu’il n’ait pas l’aspect d’un plébiscite.

 

Ahmed NEMLAGHI