Après avoir eu la dent dure contre le président de la République et le gouvernement, l’Union Générale tunisienne du travail (UGTT) semble avoir changé le fusil d’épaule. Lors de ses dernières déclarations, le secrétaire général de la puissante centrale syndicale, Noureddine Taboubi, a adopté un ton plus apaisé, plus conciliant et plus tolérant. Le changement de cap opéré par l’organisation, qui avait adopté un ton frondeur et des positions plus tranchées que celles de certains partis d’opposition au sujet du dialogue national organisé par la Présidence auquel elle a refusé de participer et déclenché une grève générale dans le secteur public contre les mesures d’austérité et les réformes douloureuses proposées par le gouvernement, a commencé lors de la réunion de la commission administrative nationale tenue le 2 juillet.

A l’issue de cette réunion, l’UGTT a affiché une neutralité jusque-là inhabituelle au sujet du référendum prévu le 25 juillet sur le projet de Constitution proposé par le Chef de l’Etat, en laissant le laisser le libre choix à ses adhérents de participer ou pas à cette large consultation populaire.

« Compte tenu de la diversité qui caractérise l’UGTT et la famille syndicale, la centrale syndicale a décidé de déléguer à chacun et à ceux qui partagent nos visées, la liberté de choisir et de participer au référendum ou pas », avait alors déclaré Taboubi.

« Dans le projet de la nouvelle Constitution, il y a des aspects positifs, s’agissant du chapitre réservé aux droits et aux libertés, qui existait également dans la Constitution de 2014 », a-t-il ajouté, indiquant cependant la nouvelle Constitution comporte également des lacunes à l’instar de la concentration du pouvoir entre les mains d’une seule personne et de l’absence de toute mention du caractère civil de l’État ».

Dans ce même chapitre, l’organisation ouvrière a estimé, dans communiqué rendu public mercredi dernier, que la nouvelle mouture du projet de Constitution, publiée dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 juillet par le président Kaïs Saïed dans le journal officiel, comporte des « améliorations partielles » et représente une « révision positive » de nature à pallier à certaines insuffisances et lacunes relevées dans la première version. Même sil elle émet des réserves sur certains articles, elle salue notamment révision de l’article 55 en introduisant le terme de « proportionnalité » au lieu de « adéquation » et la suppression de « morale publique » des restrictions appliquées aux droits et libertés, la mention dans l’article 71 amendé de l’élection des membres de l’assemblée des représentants du peuple au suffrage universel, la mention dans l’article 90 mentionnant l’interdiction de se présenter à la présidentielle pour plus de deux mandats.

Chaleureuse poignée de main à Alger

Autre indice révélateur d’un début de dégel des relations jusque-là tendues entre Carthage et la place Mohamed Ali : lors de leur participation à Alger aux festivités du 60ème anniversaire de l’indépendance algérienne, Kaïs Saied et Noureddine Taboubi ont échangé une poignée de main chaleureuse. Certains analystes y ont décelé un réchauffement des relations entre les deux hommes après une longue mésentente. La dernière rencontre entre le locataire de Carthage et le responsable syndical remonte en effet au 23 mai dernier.

D’autre part, le secrétaire général de l’UGTT a appelé, à l’issue d’une rencontre tenue le mardi 5 juillet avec une délégation du Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement à reprendre le dialogue avec la centrale syndicale sur les divers dossiers économiques et sociaux en suspens », se disant prêt « à discuter de tous les dossiers en toute transparence ».

« Un dialogue sérieux et responsable est le seul moyen à même de permettre la mise en œuvre d’un programme de réformes tuniso-tunisien », a-t-il lancé, soulignant « l’importance de préserver le pouvoir d’achat des salariés, de veiller à la crédibilité des négociations et de mener des réformes courageuses qui permettent de libérer le potentiel de l’économie tunisienne ».

Pas de positionnement politique

Et last but not least, Noureddine Taboubi, a démenti, jeudi dernier, les informations sur un positionnement politique de la centrale syndicale véhiculés par certains analystes. « L’UGTT ne cherche pas à se positionner sur la scène politique. Sa réelle mission est de dire la vérité et de défendre les acquis de la Patrie. Elle dispose d’une maturité politique (…) et opte pour le dialogue et les négociations portant sur les dossiers sociaux », a-t-il déclaré, marquant un recentrage de l’organisation sur son rôle strictement social.

Selon certains observateurs, le ton beaucoup moins frondeur de l’UGTT et son attachement à ne pas froisser outre mesure le pouvoir exécutif s’explique essentiellement par le fait que l’organisation compte dans ses rangs et plus particulièrement au niveau des instances dirigeantes nationales et intermédiaires plusieurs soutiens du chef de l’Etat issus de la mouvance nationaliste arabe. Son revirement tactique viserait à éviter de nouvelles dissensions semblables à celles qui avaient éclaté à la veille du dernier congrès de l’organisation.  De plus, les hauts responsables de l’UGTT savent désormais pertinemment que des réformes économiques audacieuses sont désormais nécessaires dans un pays économiquement très fragilisé et que leur première mission est d’en atténuer, autant que faire se peut, l’impact sur les couches les plus vulnérables de la société.