Par Hédi CHERIF (sociologue)

Le peuple tunisien, et plus particulièrement les femmes tunisiennes, fêtent aujourd’hui samedi 13 Août 2022,  avec beaucoup de joie et de fierté, le 66ème anniversaire de la proclamation du code de statut personnel de la femme.

Cet acqui de droits constitutionnels, théoriquement très précieux, n’était pas un fait du hasard, bien au contraire, il est le produit d’une dynamique historique, ouverte sur tous les fronts et notamment sur celui de la revendication  de nouveaux droits et valeurs futuristes en faveur de la femme tunisienne victime d’un héritage socioculturel androcentrique du masculin.

Abdelaziz thaalbi, puis Tahar Haddad, tout à fait au début du 20 ème siècle , ont osé ouvrir le feu sur une culture rétrograde qui puisait sa force obscurantiste dans un Islam dépassé, un Islam à actualiser.

Leur militantisme de  marque pour les droits et les libertés de la femme auquel se sont opposés les religieux de la zeitouna dont cheikh Mohamed Salah Ben Mrad, avec son livre (AL Hidad aalavsellama I’m rational El Haded) s’est finalement soldé par la   proclamation des droits de la femme dans le code du statut personnel le 13 août 1956 par le président de la première république tunisienne Habib Bourguiba. Paix en son âme.

cet  acqui  constitutionnel  précieux pour nos femmes annonçait à la fois, l’éveil du féminin sacré d’une part et la crise de masculinité de l’autre.

Dans un article intitulé ( violences faites aux femmes  » BIRJOULIA  ») , le psychologue Adnène Khaldi précisait que l’ensemble de ces droits constitutionnels en faveur de la femme étaient perçus comme une violation grave de la masculinité du tunisien. Il notait :      » Pour préserver ses avantages de genre, le tunisien n’a trouvé de mieux  que l’invention de l’énoncé » Birjoulia » , un concept virilo-vertueux, un concept qui possède le monopole exclusif de la virilité, de la vertu et de l’humain. Un concept qui perverti
l’inconscient du tunisien, et qui structure sa perception négative de la femme. Si j’ai à donner une date de naissance à l’énoncé  » Birjoulia  » disait-il, c’est bien le 13 août 1956. »

Depuis, des phrases comme  » dis moi en toute masculinité  » kolli Birjoulia, ou  » je suis plus masculin que toi  »,  » ana arjel Minnek  » sont venues étoffer le dialect populaire tunisien  du type masculin.

D’un autre côté, et suite  » au passage du  » Parti unique au parti de l’unique » selon l’ expression de Kamel Daoud, et lors de la dernière  décennie noire, les islamistes revanchards, noyés dans une             » fantasmagorie » de type religieux, et au nom d’ un islam d’ouverture et de lumière, ces derniers  du parti Ennahdha  » ont tenté de recharger notre héritage socioculturel androcentrique, et de remeubler la sphère symbolique de violences invisibles multiples du masculin.

Étant actrices dans l’histoire de la Tunisie, et ayant incarné le sens de la résistance aux projets rétrogrades, nos femmes se sont opposées en 2012/2013 au projet islamiste discriminatoire visant à faire de la femme un complément de l’homme et qui fut vite retiré et remplacé par celui de l’ égalité du genre.

Avec la même détermination, nos femmes militantes se sont  aussi  battues pour que dans le projet de la colibe du 13/8/2017, le droit à l’égalité dans l’héritage, entre les deux sexes, comme celui de  la pénalisation de toutes sortes de discrimination et de stigmatisation soient parmi les priorités les plus urgentes

À  ce titre, cette femme tunisienne, de souche phénicienne, et de culture méditerranéenne, demeure génétiquement, et culturellement immortelle, les générations passent, et elle, vit et survit. Mieux encore, grâce à sa détermination et à son ouverture, elle continue son défi aux  pouvoirs rétrogrades qui limitent son sort, et qui accablent son essor. .

la femme tunisienne continue à sillonner les chemins de la gloire, dans tous les domaines, et tient à combattre raisonnablement, et avec beaucoup d’abnégation, les injustices  juridiques, aux fondements discriminatoires de type masculin qui  continuent à perpétuer une suprématie  sur laquelle aucune loi, à ce jour ne peut agir.

Jusque là les acquis constitutionnels de la femme tunisienne, semblent être un               » antalgique’ ‘, il gomme le symptôme de la douleur, et fausse le diagnostic, sinon comment expliquer qu’ un rapport de l’union européenne sur l’égalité hommes/femmes en juin 2014, indique que les femmes représentent 63% du nombre total des étudiants, et 67% des diplômes, elles n’occupent que 15% des postes clés dans les secteurs publics et privés.

Nos femmes, n’ont- elles pas bien annoncé , leurs prétentions de rééquilibrer le système de rapports femmes/hommes, dans les différents domaines, afin de passer de » l’Etat de droit à la »Société de droit  » où les chances pour chacun des deux genres, doivent être réellement équitables, dans les textes aussi bien que dans la réalité ?

Bonne fête nos femmes : Vouloir c’est pouvoir.