Après l’activation du chapitre 80, l’annonce des mesures présidentielles exceptionnelles et le décret 109, le décret présidentiel n° 2021-117 a été publié au Journal Officiel (JORT) le 22 septembre 2021. Ces quatre  chapitres ont été repartis comme suit : 

  1. Dispositions générales
  2. Les mesures relatives à l’exercice du pouvoir législatif
  3. Les mesures relatives à l’exercice du pouvoir exécutif ( 1ere section : Le Président de la République + 2eme section : Le Gouvernement ) 
  4. Dispositions finales

En effet, ce décret relatif aux mesures exceptionnelles du 25 juillet 2021, incluant quatre chapitres et 23 articles, a imposé de nouveaux positionnements au niveau de la société civile et la scène politique, et a également imposé une nouvelle polémique et plus d’une controverse. Entre les positions réticentes, l’appui conditionné et l’opposition catégorique, plusieurs postures ont relativement changé. Selon beaucoup, à cause de plusieurs décisions, y compris le passage à la publication de ce décret, Saied a perdu gratuitement et volontairement des entités politiques et civiques qui ont été ouvertes à la contribution et au dialogue. D’aucuns supposent que le président a, dès le début, son propre projet qui ne peut être partagé avec personne et qui ne peut comprendre aucune négociation ou condition qui doivent être prises en considération d’une façon sérieuse et concrète. 

Dans un communiqué publié le 27 septembre 2021, La Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH) a considéré que le décret présidentiel n° 117 contredit le principe d’inviolabilité des droits et libertés. La ligue a souligné, d’autre part, que, malgré l’engagement pris par le Président de la République lors de ses rencontres directes avec les représentants de la Ligue de ne pas porter atteinte aux droits et libertés, et malgré sa réponse à ses propositions de retour devant le pouvoir judiciaire en ce qui concerne les interdictions de voyager et l’assignation à résidence; sa crainte augmente et grandit après avoir été informée des dispositions du décret 117 selon lesquelles tous les pouvoirs seront concentrés entre les mains de Kais Saied. 

La LTDH a également appelé à une révision de l’ordonnance n° 117 afin d’établir de nouveaux mécanismes permettant à un organe indépendant de jouir d’un certain pouvoir de contrôle permettant d’ouvrir des possibilités de contestation des procédures susceptibles d’affecter les droits et libertés garantis par la constitution, tout en soulignant la nécessité de respecter le principe de l’alternance pacifique du pouvoir et l’adoption du principe de la séparation des pouvoirs. 

Pour sa part, le mouvement Echaab a considéré, à travers un communiqué publié le 26 septembre 2022, que ce décret représente une étape importante quant au processus de réforme annoncé à la date du 25 juillet. Echaab a mentionné aussi que ce processus répond aux demandes et aux revendications du peuple et de différentes forces nationales, y compris les composantes de la société civile et les partis politiques, soulignant que ces forces soutenant ce processus se considèrent comme partenaires dans cette nouvelle étape. 

En revanche, une partie des opposants de Saied et de ses décisions ont choisi de déposer plus de 15 recours au tribunal administratif. Selon Imed Ghabri le porte-parole du tribunal administratif, certains recours contestaient principalement la légitimité du décret présidentiel dans sa totalité, et la majorité de ces recours étaient déposés par des députés et d’anciens membres de l’assemblée suspendue. 

Dans ce contexte des décisions et décrets présidentiels, les professeurs du droit constitutionnel avaient aussi leurs propres avis et analyses. Slim Laghmani, à titre d’exemple, n’a pas caché ses réserves concernant des parties précises de ce décret et a exprimé sa contestation contre l’article 22 stipulant que : « Le président de la république élabore les projets de révisions relatives aux réformes politiques avec l’assistance d’une commission dont l’organisation est fixée par décret présidentiel » et que : « ces projets de révisions doivent avoir pour objet l’établissement d’un véritable régime démocratique dans lequel le peuple est effectivement le titulaire de la souveraineté et la source des pouvoirs qui les exerce à travers des représentants élus ou par voie de référendum. Ce régime repose sur la séparation des pouvoirs et l’équilibre réel entre eux, il consacre l’Etat de droit et garantit les droits et les libertés publiques et individuelles et la réalisation des objectifs de la révolution du 17 décembre 2010 relatifs au travail, à la liberté et à la dignité nationale. Ces projets de révisions sont soumis par le Président de la République au référendum pour approbation ». 

D’ailleurs, cet article 22 a été largement discuté et critiqué par plusieurs personnalités publiques, activistes, associations et partis politiques. L’article 5 a, à son tour, attisé la controverse à cause de son contenu ennoncant l’organisation de la justice et de la magistrature, l’information, la presse et de l’édition, des partis politiques, des syndicats, des associations, des organisations et des ordres professionnels ainsi que leur financement. Une part de la société civile a considéré qu’une décision pareille vient dans le cadre des intentions d’imposer des restrictions sur les activités associatives et contribue notamment à la diabolisation des associations et des organisations nationales. 

Rappel des articles du décret 117 et de son contenu :

Le premier article du premier chapitre des dispositions générales stipule que « les compétences de l’Assemblée des représentants du peuple demeurent suspendues». Le deuxième article indique, en outre, que : « L’immunité parlementaire de tous les membres de l’Assemblée des représentants du peuple demeure levée ». Et selon l’article 4 du deuxième chapitre inclut au décret Présidentiel n° 2021-117 du 22 septembre 2021 : «  Les textes législatifs sont pris sous forme de décret-loi, ils sont promulgués par le président de la république qui ordonne leur publication au Journal officiel de la république tunisienne, et ce, après délibération du conseil des ministres». D’autre part, l’article 7 du même chapitre stipule que ces décrets-lois ne sont pas susceptibles de recours en annulation.

S’agissant des mesures relatives à l’exercice du pouvoir exécutif, l’article 8 du troisième chapitre précise que « le pouvoir exécutif est exercé par le président de la république assisté d’un gouvernement dirigé par un chef du gouvernement ». Ensuite, la première section consacrée aux spécialités du président indique à travers l’article 10 que : « le président de la république préside le conseil des ministres et il peut déléguer sa présidence au chef du gouvernement ».

Concernant le gouvernement, l’article 17 de la deuxième section du troisième chapitre stipule que : « le gouvernement veille à l’exécution de la politique générale de l’Etat, conformément aux directives et aux choix définis par le président de la république », et selon l’article 18 de la même partie : « le gouvernement est responsable de ses actes devant le Président de la République ». 

Rym CHAABANI