Sous un soleil de plomb, le président français Emmanuel Macron poursuit sa visite officielle de trois jours en Algérie programmée du 25 au 27 août. Arrivé jeudi, Emmanuel Macron s’est longuement entretenu avec son homologue algérien Abdelmajid Tebboune. A l’issue de ces échanges, les deux présidents ont « montré leur volonté de relancer le partenariat entre la France et l’Algérie ». Vendredi, et avant de se rendre à Oran, Macron a répondu à quelques questions de la presse, depuis Alger. « Mémoire », sécurité, visas, mais surtout le gaz algérien sont les principales thématiques. Tour d’horizon.

Au deuxième jour de sa visite officielle, Emmanuel Macron est notamment revenu, depuis Alger, sur le cas du gaz algérien, dont les exportations sont en augmentation vers l’Italie. Le président français s’est félicité que l’Algérie aide « à la diversification » des approvisionnements de gaz en Europe, notamment vers l’Italie. Emmanuel Macron a également assuré ne pas être « en compétition avec l’Italie » sur le gaz algérien, car il est un « faible poids du gaz dans le mix énergétique » de la France. En effet, « la France dépend peu du gaz dans son mix énergétique, à peu près 20 %, et dans cet ensemble, l’Algérie représente 8 à 9 %, on n’est pas dans une dynamique où le gaz algérien pourrait changer la donne », poursuit-il. Aussi, le président a indiqué que la France avait déjà « sécurisé ses volumes » pour l’hiver, et que « les stocks sont à 90 % ».

Un partenariat à long terme ?

Emmanuel Macron a remercié l’Algérie d’avoir augmenté les volumes injectés dans le gazoduc qui approvisionne l’Italie. Selon lui, « c’est bon pour l’Italie, c’est bon pour l’Europe et ça améliore la diversification de l’Europe », alors qu’elle était, auparavant, trop dépendante du gaz russe. Il insiste, en indiquant que « c’est une très bonne chose qu’il y ait une collaboration accrue et plus de gaz vers l’Italie », tout en soulignant la nécessité d’une « solidarité européenne ».

Alger avait annoncé une nouvelle augmentation d’ici la fin de l’année de ses livraisons de gaz à l’Italie via le gazoduc Transmed, dont elle est devenue le premier fournisseur, devant la Russie, après l’invasion de l’Ukraine. Depuis début 2022, l’Algérie a fourni à l’Italie 13,9 milliards de m3, dépassant de 113 % les volumes programmés auparavant.

Lors d’un sommet algéro-italien à la mi-juillet, un gros contrat pétro-gazier de « partage de production » entre les géants italien Eni, américain Occidental et le français Total, portant sur 4 milliards de dollars, avait été annoncé. Emmanuel Macron a déclaré qu’« à plus long terme, [il veut] consolider le partenariat entre TotalEnergies et Sonatrach ». L’Algérie est le premier exportateur africain de gaz, et fournit environ 11 % du gaz consommé en Europe.

Regarder le passé « avec courage »

Vendredi matin, le président français s’est rendu par ailleurs au cimetière européen de Saint-Eugène, dans la banlieue de la capitale Alger. Longue déambulation dans les allées du principal cimetière de la ville du temps de la colonisation où il a notamment rendu hommage aux soldats « morts pour la France ».  La mémoire est ainsi toujours au cœur de ce déplacement. Emmanuel Macron appelle à regarder le passé avec courage.

Pas d’avenir sans travail sur le passé, c’est le message d’Emmanuel Macron à Alger. En sortant, il a expliqué que la création d’une commission mixte d’historiens pour travailler sur la colonisation de 1830 jusqu’à la guerre de libération, annoncée jeudi, était pour lui une avancée historique. Elle sera composée de cinq à six historiens français, cinq à six historiens algériens. Emmanuel Macron a confirmé que la totalité des archives françaises et algériennes seraient ouvertes. Un objectif partagé avec le président Tebboune avec lequel il dit s’être engagé en confiance.

Pour Emmanuel Macron, cette visite en Algérie a surtout permis une avancée dans le domaine mémoriel. Il a réaffirmé sa conviction qu’il faut regarder l’histoire en face, la France et l’Algérie ont une histoire partagée, douloureuse mais qui ne doit pas empêcher les deux pays d’avancer ensemble, estime le président. Et pas question de parler de repentance pour Emmanuel Macron, il s’agit de reconnaissance de vérités historiques, une manière de répondre déjà aux critiques qui risquent de s’exprimer en France, où le président l’a dit, la page n’est pas encore tournée non plus sur la guerre d’Algérie.

Le numérique et le cinéma

Pour sa part, le président algérien Abdelmajid Tebboune a salué, lors d’un dîner jeudi, des « résultats encourageants » qui permettent de « tracer des perspectives prometteuses ». Il a insisté sur la détermination des deux pays à « aller de l’avant » et « intensifier les efforts afin de rehausser les relations ». Le président algérien a notamment évoqué une « intensification des visites de haut niveau ».

Sur les autres sujets, notamment la question des visas en cours de règlement selon Emmanuel Macron, le président français a dit souhaiter faciliter la mobilité des artistes, sportifs, entrepreneurs, universitaires ou associatifs. Il a insisté sur la coopération économique porteuse d’emplois pour les jeunes. « Plusieurs éléments seront au cœur de nos travaux, d’abord clarifier, simplifier notre cadre de mobilité l’un et l’autre, avancer sur les travaux sur notre industrie, notre recherche, l’hydrocarbure, nos métaux rares. Et pouvoir avancer sur des sujets d’innovation que nos jeunesses aspirent à défricher, sur lesquels nous souhaitons aller plus vite et plus fort. J’en vois au moins deux : le numérique et la création cinématographique. »

Les dossiers sécuritaires africains n’ont pas été oubliés, a souligné Abdelmadjid Tebboune, pour qui la Libye, le Mali, le Sahel et le Sahara occidental méritent que l’Algérie et la France redoublent d’efforts.

La visite du président français coïncide avec le 60e anniversaire de la fin de la guerre et la proclamation de l’indépendance de l’Algérie en 1962. Elle se déroule dans un contexte de fortes tensions diplomatiques tandis que les deux capitales entendent apaiser leurs relations et relancer les partenariats économiques au point mort.

(avec agences et médias)