Invasion, tirs d’armes automatiques, obus de mortier, couvre-feu … la Zone Verte de Bagdad, périmètre ultra-sécurisé qui abrite des ministères et des ambassades, a sombré dans le chaos, après le « retrait » politique de Moqtada Sadr, coup d’éclat annoncé lundi par le leader irakien chiite laissant libre cours à ses partisans, dont au moins quinze ont été tués par balle. L’Irak, riche en pétrole, mais accablé par une grave crise économique et sociale, n’a toujours pas de nouveau Premier ministre, ni de nouveau gouvernement. Les forces chiites, dont celle de Moqtada Sadr, n’arrivant pas à se mettre d’accord sur leur mode de désignation. Une situation qui s’envenime dix mois après les élections législatives d’octobre 2021.

Lundi matin, le leader chiite, Moqtada Sadra a annoncé son « retrait » de la politique. Dans les heures qui suivent, l’armée irakienne a décrété dans la journée un couvre-feu à partir de 19 heures (heure locale) à Bagdad. En début d’après-midi, les sympathisants du chef religieux et politique « sont entrés dans le palais de la République », situé dans l’ultra-sécurisée Zone Verte dont les accès ont été fermés. Selon un dernier bilan, 15 partisans de Moqtada Sadr ont été tués dans la Zone Verte à Bagdad et au moins 350 autres blessés, en plein chaos. Plusieurs obus seraient tombés dans cette zone, selon une source sécuritaire.

Des tirs à balles réelles résonnaient lundi dans la Zone Verte de Bagdad où des centaines de partisans de Moqtada Sadr ont envahi le siège du Conseil des ministres après que le leader chiite a annoncé son « retrait définitif » de la politique. Selon une source sécuritaire, les Brigades de la paix, un groupe armé aux ordres de Moqtada Sadr, visaient la Zone Verte depuis l’extérieur. Alors que les sadristes investissaient les bureaux, les forces de l’ordre tentaient de disperser d’autres manifestants à coups de grenades lacrymogènes aux entrées de la Zone Verte. Des témoins ont fait état d’échanges de tirs dans l’après-midi entre sadristes et partisans du Cadre de coordination, rival pro-Iran du camp de Moqtada Sadr, aux entrées de la Zone Verte.

En début de soirée, les Etats-Unis jugent « inquiétantes » les informations sur la flambée de violence en cours à Bagdad et appellent au « calme » et au « dialogue », a dit lundi John Kirby, qui pilote la communication du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.  La mission de l’ONU en Irak, dont le siège se trouve dans la Zone Verte, a appelé toutes les parties à la « retenue maximale ».

L’Irak est dans l’impasse politique depuis les élections législatives d’octobre 2021 mais la situation a brutalement dégénéré lundi lorsque des milliers de partisans de Moqtada Sadr ont envahi le palais de la République où siège le Conseil des ministres, dans la Zone Verte. Moqtada Sadr, aussi versatile qu’influent, a annoncé lundi son « retrait définitif » de la politique. « J’avais décidé de ne pas m’immiscer dans les affaires politiques. J’annonce donc maintenant mon retrait définitif » de la politique, a écrit Moqtada Sadr sur Twitter. Il a également annoncé la fermeture des institutions liées à son nom et à sa famille, « à l’exception du Mausolée sacré (de son père Mohammed Sadr mort en 1999), du Musée d’honneur et de l’Autorité du patrimoine Al-Sadr ».

Le leader chiite, reconnaissable à son turban noir de « sayyed » (descendant du prophète Mahomet), est l’un des poids lourds de la politique irakienne qui peuvent envenimer la crise ou sortir le pays de l’ornière dans laquelle il est embourbé depuis les élections législatives d’octobre 2021. L’Irak n’a toujours pas de nouveau Premier ministre, ni de nouveau gouvernement, les forces chiites, dont celle de Moqtada Sadr, n’arrivant pas à se mettre d’accord sur leur mode de désignation.

Son Courant était arrivé premier aux législatives avec 73 sièges (sur 329). Mais, incapable de former une majorité dans l’hémicycle, Moqtada Sadr avait fait démissionner ses députés en juin. Depuis des semaines, il réclamait la dissolution du Parlement et de nouvelles législatives anticipées pour tenter de dénouer la crise. Plus généralement, il exige la « réforme » de fond en comble du système politique irakien et la fin de la « corruption ». Et dans le bras de fer qui l’oppose à ses adversaires chiites du Cadre de coordination, alliance de factions pro-Iran, Moqtada Sadr a encore fait monter les enchères depuis fin juillet. Ses partisans occupent les abords du Parlement irakien à Bagdad depuis près d’un mois et, la semaine dernière, ils ont brièvement bloqué l’accès à la plus haute instance judiciaire du pays.

 (avec agences et médias)