La nouvelle loi électorale a été publiée pendant la soirée du jeudi 15 septembre 2022, au journal officiel (JORT). Ce décret-loi sera adopté lors des prochaines élections législatives, prévues le 17 décembre prochain, dont le calendrier serait annoncé prochainement par l’Instance des élections. Le calendrier de cette échéance devrait commencer par l’inscription automatique des électeurs à partir du 19 septembre courant. La loi électorale a suscité des avis mitigés. Plusieurs partis politiques ont menacé, depuis plusieurs jours, de boycotter les élections législatives notamment le Parti destourien libre et le Front du salut national qui va officiellement boycotter ces élections. Plusieurs associations  et organisations de la société civile ont exprimé leurs inquiétudes concernant la loi électorale.

La dynamique féministe a appelé, le 16 septembre 2022, à réviser la nouvelle loi électorale. Dans le même contexte, l’organisation a appelé à adopter le mode de scrutin binominal lors des prochaines échéances électorales dont notamment les élections des conseils régionaux et des conseils municipaux de manière à garantir le principe de la parité dans la candidature et de faciliter l’accès des femmes aux postes de prise de décision. A noter que les organisations féministes relevant de la dynamique ont affirmé que le mode de scrutin uninominal qui n’exige ni la parité ni les conditions nécessaires préservant l’égalité des sexes, ouvrira la porte devant l’exclusion des femmes, et représentant ainsi une violation grave aux dispositions de l’article 51 de la nouvelle constitution, selon un communiqué publié vendredi.

Pour sa part, l’association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections a prévenu contre un régime présidentialiste tout en exprimant les points forts de la loi électorale. Les modifications apportées à la loi électorale ont entraîné des changements majeurs dans l’orientation générale du système du gouvernement et a répondu, en partie, aux revendications de la société civile de réformer cette loi dans le but de conférer davantage de transparence aux élections de l’Assemblée des représentants du peuple », a assuré le président de l’association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (ATIDE) , Bassam Maatar. Maatar a indiqué, dans une déclaration accordée à l’agence « TAP », que cette loi « comprenait en grande partie des conditions injustes et exorbitantes difficiles à remplir pouvant conduire, par ricochet ,à des résultats à l’envers, dont notamment l’instauration d’un système présidentialiste pur et dur. »

Par ailleurs, concernant  le nombre de sièges dans le prochain parlement, l’expert s’est félicité de la réduction du nombre de députés de 217 à 161 député, affirmant qu’il s’agit d’une « mesure louable », ajoutant que les conditions de candidature prévues dans le texte modifié, notamment la propreté du casier judiciaire, est l’une des revendications tant prônées par la société civile ». « Il s’agit là d’un des points forts de cette loi », a-t-il encore fait savoir. Revenant sur la question des parrainages, Maatar a tenu à préciser qu’il s’agit là d’un « grand dilemme », dès lors que le candidat sera en mal de pouvoir collecter 400 parrainages réparties à égalité (entre femmes et hommes), dont 25% ont moins de 35 ans.

Une telle procédure soulèvera nécessairement nombre de questions sur le profil des personnes pouvant accomplir cette mission », a-t-il fait savoir, mettant en garde contre les risques d’achat des parrainages, ce qui pourrait déboucher sur « un parlement en deçà des attentes « Le responsable de ATIDE a également attiré l’attention sur la question du retrait du mandat au député, notant que cette procédure « est en vigueur dans quelques expériences dans le monde et s’applique généralement dans les conseils municipaux et non au Parlement ».

Abordant la question du choix du système de vote uninominal , Bassam Maattar a souligné que ce mode de scrutin pourrait donner lieu à un « parlement disparate et émietté », soulignant qu’il est légitime de s’interroger si, dans le cadre de ce système, le choix des électeurs portera sur le candidat lui-même ou son programme. Une autre faiblesse de ce mode scrutin, ajoute Maatar, figure le risque d’accroître la désaffection des électeurs déjà réticents à participer aux élections, et partant des taux de participation faibles et donc non représentatifs ». Le président de ATIDE a également critiqué la question du découpage des circonscriptions électorales, affirmant que la présidence de la République s’est abstenue de donner plus de précisions sur les modalités de ce découpage et les raisons de son choix, dénonçant « la démarche unilatérale et non inclusive » empruntée lors de la modification de la loi électorale.

En attendant d’autres réactions, certains observateurs craignent un régime qualifié de « présidentialiste ». D’autres, en revanche, soutiennent la réforme électorale de Saïed. Pendant ce temps, le citoyen lambda continue son calvaire quotidien : pénurie de denrées, pouvoir d’achat quasi nul, inflation galopante, crise de logement, crise de transport, crise d’emploi, crise… tout court. Au-delà de la loi électorale, les législatives du 17 décembre seront-elles à même d’améliorer cette situation ? Auront-elles un impact réel sur le quotidien des contribuables ? Là, c’est une tout autre histoire …

Ghada DHAOUADI