Par Raouf Khalsi

La diplomatie italienne doit se surpasser pour rasséréner les amis et les partenaires quant à ce qui s’est produit. Pire que l’éruption


du Vésuve, le basculement de l’Italie dans le post-fascisme est effrayant. Il s’agit de sérieux enjeux communautaires (l’UE) et de toute une donne méditerranéenne qui soulèvera des vagues monstrueuses.

Hier, Najla Bouden recevait l’ambassadeur d’Italie. Les échanges commerciaux, les investissements italiens, notre diaspora et…Lampedusa et la sinistre symbolique qu’elle induit.

Qu’est-ce qui a fait que l’Italie effraie soudain ? Et qu’elle nous effraie ? Restera-t-elle toujours dans son art de vivre , malgré le feu roulant d’un post-fascisme rampant depuis déjà quelques années ?

Du coup, « Sono l’italiano, l’italiano vero »* le tube des années 1980 de Toto Cotugno et qui a marqué toute une génération, chez nous aussi, surgit comme des fonds des ténèbres. . Hymne désespéré à une certaine manière d’être italien. Pas loin de notre façon à nous d’être tunisiens, quoique nous ayons, nous aussi, perdu nos repères, pour épouser les dogmes de l’obscurantisme. Toto Cotugno chantait l’inventivité, l’humanisme, le sens de l’appartenance, quelque chose de méditerranéen avec aussi des croyances fermes : le pain, l’eau de vie, Dieu (Saint Pierre est toujours crucifié la tête en bas), et cette Italie qui envoie des messages de tolérance, du vivre-ensemble, autant aux Italiens eux-mêmes, qu’à ceux qui ont choisi de s’y installer…

Et tout ce narcissisme jaculatoire alors que l’Italie a toujours vécu dans une crise institutionnelle.

Des gouvernements à répétition, instabilité politique, mais, toujours, quelque part le génie de surfer sur les vagues.

Le monde change. Gramsci le plus gênant parmi les Italiens les avait prévenus : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Voilà ! Les monstres ont surgi ; il les l’avait vus dans ses cauchemars déchirant les fantasmes de la nuit, vérifiant une sombre prophétie…

L’Italie, malgré Toto Cotugno, malgré la Renaissance et ses lumières, sombre dans l’obscurité du populisme haineux, de la xénophobie, du repli sur soi. Loin de nous l’Italie avec ses génies de la télévision.

Loin de nous ses pizzas et ses cannellonis. Loin de nous « La Squadra » pour laquelle les deux tiers des Tunisiens croisent les doigts. Loin de nous Toto Cotugno, qui devra chercher une autre manière d’être « Italien », encore plus loin de nous… Lampedusa.

L’Italie que nous croyions avoir dans notre vécu fait comme l’alchimiste Faust : elle vend son âme au diable. L’Italie s’invente toujours le coup de poignard décisif dans le dos. Trois mille ans en arrière, ce fut Brutus. Trois mille ans après, c’est Giorgia Meloni , supportée par un lobby de néofascistes, après les signes (pas vraiment perçues à temps » donnés par un certain Berlusconi, puis par Salvini, deux ans en arrière.

L’Italie est dans la mouvance de la déferlante xénophobe qui envahit la moitié de l’Europe.

C’est le repli – l’Europe, l’Union Européenne, personne n’y croit plus.

La vieille Europe est plus que jamais en proie à ses fragilités.

Et, en plus, le contexte s’y prête ; cette Europe, cette vieille Europe, s’était ancrée à l’Amérique.

Sur son chemin, un certain Poutine qui est, lui aussi, dans le repli identitaire. Cette Europe, qui a tant bombardé Kaïs Saïed, pourra -t-elle envisager des mesures contre le nouveau régime de Giorgia Meloni ?

Quelle sera sa politique migratoire ? Pars difficile de la deviner…

L’Italie se replie sur elle-même

Mais l’Italie, c’est l’Italie.

Et alors, face à ce bouleversement, Kaïs Saïed devrait prendre en charge le dossier de la migration. Déjà, la Tunisie a choisi de faire le gendarme de la Méditerranée pour juguler le flux migratoire. Erreur historique et qui deviendra encore plus tragique avec Mme Meloni

… Entre temps Toto Cotugno ne se reconnaîtra plus dans cette Italie plurielle qu’il a chantée. Il viendra chez nous.

Il y retrouvera son âme italienne   parce que Mme Meloni la lui ôtera.