Le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi, a réaffirmé, lundi après-midi, le rejet de l’organisation de la privatisation des entreprises publiques et de la levée des subventions aux produits de base telle que conçue par le gouvernement, tout en menaçant d’engager une « bataille sociétale » contre ces réformes.

« L’UGTT s’attache aux lignes rouges qu’elle a posées en ce qui concerne la privatisation des entreprises publiques et la réforme du système des subventions telle que présentée par le gouvernement », a-t-il déclaré lors d’une conférence syndicale organisée à Hammamet.

« La centrale syndicale continue sa lutte dans ce sens, pour que ce soit une bataille sociétale », a ajouté M. Taboubi, tout en exprimant son refus de l’instrumentalisation des luttes sociales engagées par l’UGTT par certains partis politiques réputés hostiles à l’action syndicale et à l’organisation.

Le responsable syndical a d’autre part déclaré que le gouvernement « s’est récemment engagé auprès du Fonds monétaire international à privatiser la Banque de l’Habitat la Régie nationale des tabacs et des allumettes (RNTA) et un certain nombre de quais dans le port de Radès.

Il a également précisé que « le gouvernement considère que les groupes et les familles dans le besoin sont les seuls à même de bénéficier des subventions, alors qu’en réalité, tous les fonctionnaires, ouvriers et enseignants ont besoin de ces subventions aujourd’hui ».

Le gouvernement, qui vient de conclure avec un accord préliminaire avec le FMI sur un programme de financement de 1,9 milliards de dollars (environ 6 milliards de dinars) sur quatre ans, n’a pas annoncé son intention de céder des entreprises publiques à des investisseurs privés.  Dans un entretien accordé jeudi dernier à la chaîne américaine Sky News arabe, la directrice générale de l’institution financière multilatérale, Kristalina Georgieva, a cependant annoncé que le gouvernement tunisien a proposé la privatisation de certaines entreprises publiques lors de ses négociations avec le Fonds sur un nouveau programme de financement

« La privatisation de certaines entreprises d’Etat en Tunisie n’est pas un diktat du FMI. Elle constitue une initiative de émanant des autorités tunisiennes », a-t-elle affirmé.

« Le FMI souhaitait voir le gouvernement tunisien prendre une décision relative à la cession des participations de l’Etat dans certaines entreprises publiques. Mais cette initiative est venue de la partie tunisienne », a ajouté la patronne du grand argentier international.

Refonte de la stratégie actionnariale de l’Etat                      

L’organisation I Watch avait dévoilé, en janvier dernier, un document confidentiel adressé par le gouvernement au FMI qui fait état de l’engagement des autorités tunisiennes à « une refonte de la stratégie actionnariale de l’Etat dans les entreprises publiques et la mise en œuvre d’une stratégie de partenariat public-privé (PPP) ».  En des termes plus simples, le gouvernement s’était engagé à privatiser certaines entreprises publiques non stratégiques et à ouvrir partiellement le capital d’autres entreprises à des investisseurs privés.

Intitulé « Programme de réformes pour une sortie de crise », ce document confidentiel prévoit également « la restructuration des filiales des entreprises publiques non stratégiques, la cession des éléments d’actifs non nécessaires à l’activité de l’entreprise, la réalisation de missions d’audit des arriérés et la conversion des dettes publiques (prêts du trésor, dettes fiscales etc.) échues non remboursées ».

La levée progressive des subventions, qui représente l’une des pilules amères de la cure d’austérité prescrite pour le FMI à la Tunisie. Officiellement, l’exécutif n’utilise pas l’expression levée des subventions. Il préfère lui substituer l’expression plus neutre et moins choquante de « rationalisation du système des subventions et son orientation vers ses ayants-droit », expliquant que le but ultime de la réforme est finalement de transférer les ressources allouées aux subventions universelles, qui profitent aux riches comme aux pauvres, vers des programmes d’aide sociale ciblant uniquement les couches les plus vulnérables de la population.

En vigueur depuis plusieurs décennies, ce système des subventions universelles représente en un fardeau pour les finances publiques. Selon les données du ministère des Finances, les dépenses de l’Etat au titre des subventions doivent enregistrer une hausse considérable en 2022 pour atteindre 4,2 milliards de dinars contre 3,2 milliards de dinars en 2021.

Ce coût représente l’équivalent des budgets annuels des ministères de la Santé et de l’Emploi et 3,5% du produit intérieur brut (PIB) du pays. Et il devrait dépasser les 5 milliards de dinars en 2023, sous l’effet de l’augmentation des prix de certains produits de base comme les céréales et les hydrocarbures depuis le déclenchement du conflit russo-ukrainien.

 

Walid KHEFIFI