La tension monte entre le gouvernement et l’Union générale tunisienne di travail (UGTT). Alors le gouvernement a entamé la mise en œuvre des grandes réformes structurelles convenues avec le Fonds monétaire international (FMI) pour tenter d’accélérer le décaissement d’une première tranche de prêt sur le programme d’aide de 1,9 milliards de dollars ayant fait l’objet d’un accord préliminaire entre Tunis et le grand argentier international, la centrale syndicale n’y va pas de main morte. A l’occasion d’un rassemblement ouvrier organisé hier à Tunis par la fédération générale du transport, le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, a accusé le gouvernement d’avoir opté pour des choix économiques qui consacrent le « colonialisme économique », en référence à l’intention présumée de l’exécutif de procéder à la cession des entreprises publiques et à accélérer la levée des subventions.

« Ce gouvernement veut passer par la ruse et loin de toute transparence des choix économiques qui permettent le retour du colonialisme économique et auxquels la centrale syndicale s’opposera énergiquement », a lancé Taboubi. Et d’ajouter : « L’UGTT a reçu une invitation à une conférence organisée par la présidence du gouvernement sur la gouvernance des entreprises publiques, mais aucun membre du gouvernement n’a participé à cette rencontre et un bureau d’études français a élaboré l’étude relative à la gouvernance des entreprises tunisiennes ».

Visiblement très remonté contre « l’affront » subi par l’organisation ouvrière lors de cette conférence organisée mardi et qui a été finalement boycottée par l’UGTT, M. Taboubi a réitéré son refus de toute privatisation des entreprises publiques.

« Nous refusons le retour du colonialisme par la porte de l’économie. La Tunisie n’est pas un département français, et notre pays et ses entreprises publiques ne sont pas à vendre », a-t-il martelé.

Le responsable syndical a d’autre part annoncé le refus de la démarche du gouvernement consistant à augmenter les impôts après la majoration des salaires. « Il s’agit là d’une escroquerie », a-t-il dit, appelant à la révision du barème des impôts.

Rappelant que l’accord relatif à la majoration des salaires dans le secteur public n’a pas été encore publié dans le journal officiel, il a menacé de recourir aux instances internationales dont la confédération syndicale internationale et l’organisation internationale du travail.

Soulignant l’engagement indéfectible de l’organisation dans une bataille sociale, le secrétaire général de l’UGTT a par ailleurs annoncé l’organisation prochainement d’un imposant rassemblement syndical pour dénoncer la hausse des prix et défendre la souveraineté nationale et ce, après la levée de la compensation suite à la hausse perpétuelle des prix de produits énergétiques.

La privatisation des entreprises publiques et de la levée des subventions sont les principaux points de friction entre le gouvernement et la centrale syndicale.

Le gouvernement n’a pas officiellement annoncé son intention de céder des entreprises publiques à des investisseurs privés. Dans un entretien accordé à la chaîne américaine Sky News arabe, la directrice générale de l’institution financière multilatérale, Kristalina Georgieva, a cependant révélé que l’exécutif tunisien a proposé la privatisation de certaines entreprises publiques lors de ses négociations avec le Fonds sur un nouveau programme de financement

« La privatisation de certaines entreprises d’Etat en Tunisie n’est pas un diktat du FMI. Elle constitue une initiative de émanant des autorités tunisiennes », a-t-elle affirmé.

« Le FMI souhaitait voir le gouvernement tunisien prendre une décision relative à la cession des participations de l’Etat dans certaines entreprises publiques. Mais cette initiative est venue de la partie tunisienne », a ajouté la patronne du grand argentier international.

De son côté, l’ONG I Watch avait dévoilé, en janvier dernier, un document confidentiel adressé par le gouvernement au FMI qui fait état de l’engagement des autorités tunisiennes à « une refonte de la stratégie actionnariale de l’Etat dans les entreprises publiques et la mise en œuvre d’une stratégie de partenariat public-privé (PPP) ». Intitulé « Programme de réformes pour une sortie de crise », ce document confidentiel prévoit également « la restructuration des filiales des entreprises publiques non stratégiques, la cession des éléments d’actifs non nécessaires à l’activité de l’entreprise, la réalisation de missions d’audit des arriérés et la conversion des dettes publiques échues non remboursées ».

Walid KHEFIFI