Dans tous les systèmes disciplinaires du monde, le renvoi définitif d’un élève n’est pas automatique, quel que soit le délit commis par cet élève. Tous les conseils d’éducation (ou de discipline) doivent agir conformément aux législations en vigueur qui privilégie la progression dans la punition, allant de trois jours d’exclusion jusqu’au renvoi définitif, en passant par les sanctions d’une semaine ou d’un mois, en fonction des actes perpétrés par l’élève et en recourant généralement à des circonstances atténuantes. Cependant, la plupart du temps, les membres du conseil, y compris le directeur de l’école, croient aveuglément au rapport qui leur est adressé par le professeur, même s’il est fautif.

Nour Ammar, élève au lycée des arts d’El Omrane a été victime d’un renvoi définitif. Jugeant que la punition était trop dure, elle s’est tournée sur les réseaux sociaux pour se justifier en dénonçant son professeur Mhadheb Rmili dans une vidéo sur TikTok, l’accusant de harcèlement et de manque de correction. Ses accusations n’ont pas été prises en considération par l‘administration et elle fut ainsi traduite devant le conseil de discipline qui décida son renvoi définitif pour diffamation de son professeur. Depuis, la décision, jugée trop forte, a soulevé une grande polémique à travers les réseaux sociaux. Les avis sont mitigés : les uns soutiennent le professeur en approuvant son point de vue, les autres l’accusent d’enseignant incompréhensif, très autoritaire, indécent, intolérant et provocateur.

La goutte qui fait déborder le vase

Et dire que le professeur en question s’est mêlé à la foule des facebookers pour se justifier en s’opposant farouchement aux gens qui le critiquent. Ne pouvant supporter la discussion, il passe à la vitesse supérieure pour publier sur face book une image où il est écrit en gros caractères : « un suppositoire anti Mhadheb qu’on doit mettre avant de dormir. » En voilà des propos malsains, indécents et blasphématoires qui alimentent davantage la polémique sur les pages face book non seulement parmi ceux qui se sont engagés dès le début dans la discussion, mais même ceux qui sont restés jusque-là neutres. En proférant de telles paroles qui ne sont pas dignes d’un enseignant de théâtre, Mhadheb Rmili s’est comporté comme un homme de la rue, alors qu’il aurait dû  mâcher  ses mots avant de les publier au large public. En agissant de la sorte, il aurait oublié qu’il était un homme de théâtre, cet art qui a fait dire un jour à Shakespeare : «Donnez-moi un théâtre et je vous donnerai un peuple.» Cette petite phrase résume à elle seule toute la force et l’étendue de l’influence du 4ème art au sein de la société, encore moins chez les apprenants.

De l’arrogance de certains profs

Le recours à ses expressions vulgaires et grossières montre à quel point ce professeur ne peut pas faire face aux critiques des gens, étant incapable de se défendre moyennant des arguments solides pour convaincre ses adversaires de son attitude à l’égard du problème et de son comportement envers son élève. En principe, dans d’autres pays où le respect mutuel est sacré lors de toute discussion, qu’elle soit réelle ou virtuelle, ce professeur doit être privé de ses fonctions dans une institution publique qui inculque les valeurs universelles, dont le comportement convenable avec autrui. Notre ministère d’éducation semble faire la sourde oreille à cet incident, devenu pourtant une affaire publique, prétextant que la décision du conseil de discipline, selon la loi, est irrévocable et qu’il ne peut s’immiscer dans les prérogatives des membres du conseil qui seuls peuvent délibérer et prononcer la sanction qu’ils jugent adéquate et nécessaire. Cependant, la seule réaction du Ministère jusque-là entendue est celle de M. Mohamed Guazouni, le délégué régional de l’Éducation de Tunis 2, est intervenu, ce mardi 6 décembre 2022, sur Shems FM, pour se contenter de dire que « les mesures disciplinaires ne veulent pas dire qu’on ne veille pas au respect du droit de l’élève. Je vais examiner, en personne, le dossier dans son intégralité et il y aura un suivi de cette affaire » Rien d’autre ! Aucune décision n’a été prise pour réexaminer le dossier !

Rapports profs/élèves de plus en plus tendus

Pédagogiquement parlant, ce professeur de théâtre, abusant d’une arrogance maladive et d’une autorité absolue, ne semble pas être au courant des progrès réalisés dans l’enseignement, ayant encore en tête cet enseignant magistral qui vit encore dans une tour d’ivoire, refusant toute discussion avec ses élèves, ce qui provoquerait un manque de dialogue et d’échanges, ô combien bénéfique entre le maitre et ses apprenants. L’école d’aujourd’hui ne supporte plus ce genre de profs qui ne s’adaptent pas aux nouvelles pratiques introduites dans l’éducation, notamment celles qui concernent les rapports entre les élèves et leurs professeurs.

C’est ainsi que les rapports entre le professeur et ses élèves deviennent de plus en plus tendus. L’affaire de Nour Ammar n’est pas en fait la première ou la dernière. Depuis l’avènement d’internet chez nous et le recours très facile et plus rapide aux réseaux sociaux par les élèves, chaque élève, chaque lycée dispose d’un compte face book où on se refuge pour noter tous les événements survenus à l’école, voire pendant les cours en classe, si bien que rien ne se cache ! Ainsi, les élèves ont toute la liberté de donner leurs avis sur tel ou tel professeur. Parfois, l’élève, se sentant humilié ou heurté dans ses sentiments personnels en classe par son professeur, ii peut réagir de deux façons : riposter immédiatement ou se diriger vers face book pour attaquer son professeur. C’est le cas de Nour Ammar qui s’est exprimée, non sans amertume, sur sa page virtuelle pour s’acharner contre son professeur de théâtre, ce qui provoqué ce grand tumulte sur les réseaux sociaux qui, sans doute, va se poursuivre les jours suivants où il est question de soulever des sujets ayant trait aux rapports actuels entre l’élève et son professeur. Disons pour finir que la sanction reçue par l’élève Nour Ammar est trop dure au vu des faits qui lui sont reprochés.

Hechmi KHALLADI