Les élections législatives du 17 décembre 2022 auront marqué une abstention de plus de 91%, un taux d’affluence de 8.8% jugé « faible » par plusieurs analystes surtout en le comparant avec d’autres élections notamment celles du 2014 qui ont enregistré une participation de 61.8%. Uniquement 5.8% des jeunes entre 18 et 25 ans se sont rendu aux urnes le 17 décembre 2022 et la tranche d’âge plus de 60 ans représente le plus haut pourcentage (34,8%). Les hommes représentent 66% alors que les femmes représentent 34% des électeurs. Le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections, Farouk Bouasker, a expliqué que ce « modeste » taux de participation est dû à des élections « propres » pour la première fois en Tunisie. L’absence du financement politique des campagnes électorales et le changement du mode du scrutin figurent parmi les principales causes de ces résultats, selon ses dires. En revanche, plusieurs critiques ont été adressées au président de la République; c’est le moment ou jamais pour certains partis politiques qui parlent de sa perte de légitimité, d’autres l’appellent, directement,  à démissionner. 

Les contestataires en ébullition !

Le Parti Ennahdha a condamné, dans un communiqué rendu public le 19 décembre 2022 , les propos tenus par le président de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE), Farouk Bouaskar, « qui mettaient en doute le déroulement des élections précédentes et accusaient de corruption des millions de Tunisiens ». Et d’ajouter qu’il s’agit de « l’argument de celui qui cherche désespérément à blanchir le coup d’Etat ». Ennahdha a indiqué que les élections actuelles manquent de toute légitimité ». Dans le même contexte, elle a appelé à arrêter « un processus absurde et à annuler le second tour des élections ». Ennahdha a renouvelé l’appel à la concertation et à la coordination pour parvenir à « une alternative démocratique fidèle à la révolution et à ses objectifs et capable de relever les défis économiques et sociaux auxquels fait face le pays ».
Le boycott de plus de 90% des citoyens du processus électoral est un témoignage de  « retrait de confiance au président de la République Kais Saied et à son projet chaotique et autoritaire » , lit-on dans le communiqué susmentionné.
A noter que le parti Ennahdha a appelé le président Kais Saied à « démissionner et à laisser la voie à une sortie du tunnel », estimant que « le peuple tunisien a été décisif dans son refus de ces élections qui manquent de légitimité et d’horizon ».
Pour sa part, la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi a considéré, dimanche à Monastir, que  «  le peuple tunisien a compris que le système électoral illégitime va conduire à la destruction des institutions, à l’instauration d’un parlement sans prérogatives, d’une dictature sans précédent et à la consécration du pouvoir individuel absolu  « .
« L’opposition de son parti à un deuxième tour des élections législatives et au président illégitime », a ajouté Moussi.   Dans une déclaration accordée aux médias en marge de la célébration du deuxième anniversaire de l’initiative  « Révolution Ettanouir (Révolution des lumières) » lancée par son parti, le 19
décembre 2020, à Monastir, elle s’est engagée « à poursuivre la politique de communication directe adoptée par son parti en révélant la vérité sur ce qui se passe sur la scène politique et ce qui se trame dans les coulisses » , réaffirmant la position indépendante de son parti opposé à la continuité du processus illégitime du 25 juillet, selon l’agence TAP. Elle a indiqué que son parti tend la main à une alliance avec toutes les forces civiles qui adhèrent à sa charte politique instaurant la rupture avec les frères musulmans.
« Le PDL poursuivra la lutte pour débarrasser le pays du système des frères musulmans et de celui de Kais Saïed et imposer la volonté du peuple par la loi  » a-t-elle ajouté, plaidant pour « des élections, sans la participation de ceux qui sont impliqués dans les assassinats politiques, le terrorisme et l’enrôlement des jeunes vers les zones de tension  »
Le porte-parole du Front du Salut national, Ahmed Nejib Chebbi, s’est exprimé ce dimanche 18 décembre sur les ondes de Mosaïque FM , indiquant que ce qui s’est passé samedi , en rapport aux élections législatives, était un séisme au vrai sens du mot et qu’il aura des répercussions extrêmement dangereuse sur la société tunisienne, à moyen terme.Et d’ajouter que « le peuple a tourné le dos à
la présidence de la République, désormais incapable de gérer ses affaires, ce qui nécessite, selon la même source, que Saïed cède son poste de président de la République à quelqu’un de plus compétent, qui aurait davantage de légitimité et qui respecterait le droit constitutionnel et ce, à travers une élection présidentielle, chapeautée par un juge indépendant et impartial. »
Le parti Afek Tounes, pour sa part, a appelé, dans un communiqué rendu public, à des élections présidentielles anticipées « jetant les bases d’une nouvelle étape de véritables réformes ». Selon la même source, le taux de participation est dû à l’échec du « système politique de Kais Saïed » . « L’abstention du peuple est un message fort de protestation contre la détérioration de la situation socio- économique, l’échec cuisant de Kais Saied au niveau de la gestion des affaires du pays et son incapacité de procéder à des réformes.. », d’après le communiqué susmentionné.

Price appelle à la  nécessité d’élargir la participation politique au cours des prochains mois

Le porte-parole du Département d’Etat des Etats-Unis, Ned Price, a estimé dans un communiqué rendu public par le département d’Etat américain le 18 décembre 2022, que « les élections législatives tunisiennes du 17 décembre 2022 représentent une première étape essentielle vers le rétablissement du processus démocratique dans le pays. Cependant, le faible taux de participation renforce la nécessité d’élargir encore la participation politique au cours des prochains mois ».  « Alors que le processus électoral se poursuit en 2023, nous réitérons l’importance d’adopter des réformes inclusives et transparentes, y compris la mise en place d’une assemblée législative élue et de la Cour constitutionnelle et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales pour tous les
Tunisiens », selon la même source.
« Les Etats-Unis restent attachés au partenariat de longue date avec la Tunisie et continueront à soutenir les aspirations du peuple tunisien à un gouvernement démocratique et redevable qui protège la liberté d’expression et l’opposition et soutient la société civile. Nous exhortons également le gouvernement tunisien à prendre les mesures nécessaires pour faire face à la crise économique actuelle et parvenir à la stabilité et à la prospérité à long terme pour tous les Tunisiens », a-t-
il encore déclaré.

Ghada DHAOUADI