Né le 4 décembre 1899 et décédé le 7 décembre 1985, l’écrivain, militant politique et syndicaliste tunisien Tahar Haddad a beaucoup souffert pour défendre ses pensées et pour contribuer à une renaissance nationale sociale et intellectuelle. Les idées qu’il avait exprimées pour reconnaître la femme et ses droits l’ont exposé, à l’époque, à diverses campagnes d’attaques, de jugements et même d’allégations d’incrédulité. Son illustre ouvrage avant-gardiste intitulé « Notre femme dans la charia et la société » ou « Notre femme dans la législation islamique et la société » fête e ce mois de décembre ses 92 ans. Il avait donné le signal de lancement de toute une lutte visant à admettre et garantir les droits de la femme tunisienne. Focus.

Publiée le 17 décembre de l’année 1930, cette œuvre a abordé, en effet, des sujets considérés comme interdits et tabous, à l’instar du droit de la femme à travailler, à exprimer ses avis, à participer à la vie publique et au niveau de la prise de ses propres décisions, l’appel à l’énonciation du divorce civil et l’interdiction de la polygamie. Tahar Haddad a toujours considéré que l’évolution et la modernisation des valeurs et des habitudes inspirées de la religion est réalisable.

En effet, la base principale de ses propos était d’établir des réformes venant du cœur de la réalité vécue et du quotidien tunisio-musluman, et prouvant que la rénovation des discours et des idées ne contredisent pas l’authenticité. Mais ça ne l’a pas empêché d’être attaqué par les cheikhs et les icônes de la Zitouna et de faire face à des accusations d’incrédulité et des allégations diffamatoires… 

Finalement, l’adoption et la prise en considération de ses idées présentées à ce livre dans le code du statut personnel représente, vraisemblablement, une réhabilitation morale et historique à ce grand militant, intellectuel et renevoteur tunisien. 

Luttes des femmes tunisiennes : quel état des lieux ?

Grâce à un ensemble d’acquis, les femmes tunisiennes sont présentes dans la majorité des secteurs et domaines du travail, de la production et de l’action avec l’existence de quelques difficultés et obstacles ici et là. D’autre part et malgré l’accumulation des combats et des luttes, nombreuses femmes tunisiennes souffrent encore de la violence (conjugale, économique, psychologique…) et souffrent aussi de la non-activation d’un certain nombre de lois qui sont simplement de l’encre sur papier jusqu’à présent. 

Dans un contexte connexe, et en marge des élections législatives tenues récemment, une vaste polémique a été suscité depuis des mois sur l’élimination de la femme, considérée comme «une élimination systématique» selon de nombreuses organisations de la société civile. Conjointement avec le jour du scrutin, l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) a publié, ce 17 décembre courant, une publication intitulée  » Non à un processus électoral patriarcal  » et considérant que ces élections représentent un recul quant aux droits politiques des femmes et leur représentativité. 

« Les élections législatives prévues pour le 17 décembre 2022 se déroulent dans un contexte de recul au niveau des droits politiques des femmes, les candidates n’ayant pas dépassé 15 % du total des candidats, contre 85 % des hommes. Cette baisse est due aux révisions apportées par le décret n° 55 à la Loi fondamentale pour les élections et le référendum n° 16 de 2014 stipulant par procédures que le mode de scrutin est adopté sur les individus tout en ignorant le principe de parité dans les candidatures…», indique la publication récemment partagée par l’ATFD. 

Pour rappel, l’ATFD avait publié une pétition appelant à modifier le décret présidentiel N° 55 afin de garantir le principe de parité aux élections législatives prévues et aussi pour garantir la représentativité des jeunes au futur parlement. Selon l’ATFD, ce décret « est venu en rupture complète » avec les luttes pour « une véritable démocratie qui protège les gouvernés avant les dirigeants et promeut la dignité de chaque citoyenne et citoyen au milieu de l’égalité et de l’égalité des chances ». Par ailleurs, l’association a appelé, à l’époque, « toutes les composantes de la société civile et politique et les militants dans le domaine des droits de l’homme à signer cette pétition afin d’exiger que les décideurs révisent le décret n° 55 afin de fournir les mécanismes nécessaires pour assurer le principe de parité et la présence des jeunes au parlement ». 

Rym CHAABANI