Par Raouf Khalsi

Qu’est-ce qui fait que depuis la chute de Ben Ali, puis celle de Kadhafi, les relations tuniso-libyennes traversent des zones de hautes turbulences ?

On sait que Abdelhamid Dbeïbah, Premier ministre libyen reconnu par l’ONU, mais contesté à l’Est du pays, cherche à orchestrer le jeu diplomatique, à défaut de faire main-basse sur le pays. L’ennui, c’est qu’il ne sait guère se positionner sur l’échiquier de la région, ni même convaincre la diplomatie tunisienne, pas plus que celle algérienne, puisque ses options géostratégiques paraissent pour le moins confuses, si ce  n’est carrément irréfléchies. De surcroît, la dernière visite à Tripoli de William Burns, Directeur de la CIA, a été vue d’un mauvais œil par Tunis et Alger. Parce que, si la Tunisie fait front aux immixtions américaines dans notre cuisine interne et que l’Algérie nous y appuie, à l’évidence, Dbeïbah serait tenté de s’ancrer à l’axe italo-américain, puisque Mme Meloni, qui s’apprête à faire une tournée dans la région, se fera systématiquement l’avocat de l’Oncle Sam, si ce n’est l’extension de son bras.

Peut-être bien que ce qu’a affirmé Ghazi Moalla, spécialiste des questions libyennes au micro de Mourad Zghidi sur IFM, soit vrai : Dbeïbah aurait été contrarié par la propagande « nourrie dans son entourage » par cette affaire des « vivres » acheminés en Tunisie. Qu’il nous soit cependant permis d’en douter. Parce que le Premier ministre libyen multiplie les signes inamicaux envers la Tunisie. D’abord, à cause des fonds libyens gelés sur décision de la BCT, puisque leur déblocage obéit à des procédures relevant du droit civil international.

Ensuite du fait que, depuis trois ans, la diplomatie tunisienne n’accepte pas les lettres de créances des ambassadeurs libyens désignés par Dbeïbah.

En d’autres termes, la Tunisie doit savoir avec qui parler. Mieux : elle ne saurait s’inscrire dans une dynamique régionale si les interconnexions ne sont pas en harmonie avec ses intérêts.

La Libye est assurément un très gros marché. Et, à l’évidence, le Premier ministre libyen y choisira le plus offrant. Quitte à faire la courbette à William Burns, inquiet par la présence russe et chinoise dans les mouvances libyennes.

La réalité de ces relations convulsives entre les deux pays retombe dans ses éternels avatars. Mais en silence. Jusqu’à ce que ces « vivres » ne provoquent une vague d’indignation et ne soient instrumentalisés par l’opposition à Kaïs Saïed.

En tous les cas, les Nahdhaouis sont toujours dans leur péremptoire effronterie : ils ont oublié Qatar Charity. Marzouki aussi. Pour le reste, un peu de mémoire aiderait Dbeïbah à relativiser, même s’il se dit étranger à cette propagande : qui acheminait les vivres vers la Libye lors des années embargo ?