Par Raouf Khalsi

Le projet de « démocratie par la base » a-t-il capoté au vu des résultats des législatives ? Rien ne permet de l’affirmer. Peut-être bien que la Tunisie des invisibles, ces invisibles qu’on ne veut pas voir et qui n’ont jamais compté, s’est-elle rebiffée, parce qu’elle n’a rien vu venir.

Kais Saïed est arrivé à un moment marqué d’incertitudes, de questionnements vitaux et, même, de déni de tout. Il est néanmoins important de mentionner et de retenir pour l’Histoire que le coup du 25 Juillet a été salutaire sur le plan politique. Il a débarrassé le pays de ceux qui ont trahi la révolution et de ceux qui ont actionné ce fameux « Etat profond » exclusivement asservi aux besoins des islamistes. Saïed tablait sur la conscience populaire. « Le peuple veut », slogan fétiche pour restituer au peuple sa souveraineté (l’a-t-il jamais exercée ?) aura vite décliné eu un unilatéralisme absolu par le biais de l’article 117.  Et cela a fait que ce « peuple qui veut » s’est fatalement senti floué cependant qu’il s’enfonçait dans une crise socioéconomique sans fin. Quand le peuple apprend –quoique de manière équivoque – que son pouvoir d’achat serait anéanti par une hypothétique levée des subventions, eh bien, ce peuple se détourne de la chose publique.

Entre autres, il ne croit pas eu un nouveau parlement parce que celui qui avait été dessous l’aura tout bonnement avili.

On ne comprend d’ailleurs pas où un Ghannouchi, ou un Néjib Chebbi ont puisé les ressorts d’un triomphalisme ridicule. Le peuple n’a pas voté pour ne pas faire leur jeu par ricochet… Parce qu’en définitive, il est clair que, désormais, le peuple ne votera plus que pour lui-même. Et s’il devait voter, ce serait pour un vrai projet de survie. Tant institutionnelle que socioéconomique. Et, surtout, socioéconomique.

Churchill disait : « Vous n’arriverez jamais au bout de voyage si vous vous arrêtez pour jeter des pierres à chaque chien qui vous aboie ».

C’est que Kais Saïed s’est certes tracé un objectif, mais qu’il s’est trop épuisé à dénoncer « les complots dans les chambres obscures ».

Par ailleurs les coordinations ayant épousé son projet ont plutôt aussi versé dans « le culte » et la dévotion pour Saied. Pouvaient-elles parler en son nom, sans débiter des formules inintelligibles. N’est-ce pas Ahmed Chafter ?

Parce qu’à la fin des fins, l’idéologie a jeté une ombre sur les institutions. Parce qu’à la limite, personne ne croit plus en un parlement. Et bien avant l’arrivée de Saïed.

Les idéologies sont exténuées, les dieux sont morts et les révolutions déchues. Aucune génération ne peut refaire le monde (ou la Tunisie) mais elle doit éviter qu’elle se défasse. Juste pour paraphraser Camus…