En France, la réforme très contestée des retraites met le feu aux poudres. La rue gronde, Elizabeth Borne est plus que jamais sur la sellette et Emmanuel Macron est attendu au tournant. Le choix du gouvernement de passer en force cette réforme en utilisant le 49.3 attise la colère. Après le rejet des motions de censure à l’Assemblée nationale, les syndicats appellent toujours à la mobilisation contre la réforme des retraites. « Les tensions pourraient encore s’aggraver », a martelé Suzy Lemoine, membre syndicale du secrétariat du syndicat des cheminots de versailles, affilié la Confédération générale du travail (CGT), l’un des cinq syndicats les plus importants de France, dans une déclaration au Temps News.

Conductrice de train dans les cheminots de Versailles, Suzy Lemoine met les choses au clair : « Il y a des tensions mais les conditions différent jusqu’à présent d’une région à l’autre. En ce qui concerne les arrestations et l’utilisation abusive des gaz lacrymogènes, la situation au niveau des Yvelines, par exemple, n’est pas la même qu’à Paris. »

« Pour l’instant la police est restée plutôt correcte au niveau du département des Yvelines. Mais chaque jour, depuis jeudi, des arrestations abusives sont enregistrées à Paris et certaines personnes ont été empêchées de rentrer dans les manifestations sous prétexte qu’ils ont des lunettes de piscine et des masques », a-t-elle expliqué.

« Nous sentons la tension qui monte et nous ne savons jamais si les manifestations ne vont pas mal terminer » avoue la syndicaliste. Et d’ajouter : « Nous pensons que cela va s’intensifier. Nous sommes tous fatigués. Nous en avons marre que l’on nous fasse croire à une démocratie quand nous sommes dirigés comme une dictature. Jeudi prochain nous allons manifester à Paris et nous espérons rentrer tous ensemble et en entier mais nous avons peur. Mais malgré tout, nous ne lâcherons rien  jusqu’au retrait de la réforme … »

Durant notre entretien avec Suzy Lemoine, nous avons appris qu’un syndicaliste cheminot venait d’être libéré après avoir été maintenu à proximité de la région de Versailles. D’après les mots de Lemoine, cet activiste fut arrêté parce qu’il participait à une manifestation non déclarée. Elle nous a affirmé, dans le même contexte, que rien n’a été retenu contre lui, en mentionnant qu’il a été gratuitement agressé par la police. 

En effet, la vague d’arrestations en France a touché un nombre important de manifestants.tes et activistes, y compris la co-responsable des Jeunes Insoumis·es et l’assistante parlementaire de la députée LFI Anne Stambach-Terrenoir, mais aussi Emma Fourreau, qui a été arrêtée le 20 mars 2023 à Paris et a ensuite été transférée en garde à vue au commissariat du 1er arrondissement de Paris.

Commentant son arrestation, Jean-Luc Mélenchon a noté que comme elle, « des dizaines de personnes pacifiques ont été arrêtées de façon violente et arbitraire » pendant la même soirée et a exigé « la fin immédiate des arrestations et la libération des personnes emprisonnées ». 

Fourreau a été libérée ce mardi sans suite et a partagé sur son compte twitter le texte suivant : « Libre ! Leurs intimidations n’arrêteront pas l’élan démocratique qui s’empare du pays. Ils ont craqué, le monarque solitaire ne peut pas gouverner durablement contre le peuple. Un immense merci pour le soutien reçu ces 20 dernières heures, la lutte continue ! ». 

Qu’en est-il de la solidarité syndicale mondiale en faveur des travailleuses et travailleurs français ? En réponse à cette question, Suzy Lemoine a salué toute une vague de solidarité jaillie de nombreuses actions d’appui menées par différentes structures syndicales et plusieurs activistes syndicalistes à l’échelle internationale. 

« Franchement cette vague de solidarité nous laisse sans voix. Nous sommes extrêmement soutenus par les camarades de l’international. Le syndicat de Versailles est affilié à la FSM (La Fédération syndicale mondiale ou World Federation of Trade Unions) et les camarades nous envoient des mots de soutien, dès qu’ils peuvent ils nous offrent aussi de l’appui matériel. Certains viennent nous voir pour participer aux manifestations. Le mouvement est très populaire autant en France que dans le monde. »

Image capturée lundi soir (le 21 mars courant) à Versailles

Notons dans ce contexte que l’organisme syndical italien, l’Unione sindacale di base (USB) a exprimé son soutien et sa solidarité avec « la lutte des travailleurs français » contre ce qui a été qualifié de « la nouvelle attaque sur les retraites » et a également exigé la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées lors des récentes manifestations déroulées en France. L’USB a appelé à la mobilisation en Italie ce jeudi 23 mars, tout en invitant ses structures à « à tenir des garnisons et à manifester jeudi devant l’ambassade et les consulats de France à l’occasion de la prochaine grande grève française ». 

En guise de solidarité ouvrière, le Syndicat CGT des cheminots de Versailles a fondé une caisse de grève permettant « d’aider les cheminots du site ( syndiqués ou non ) en toute transparence » sous le slogan : « Chaque don participe à la lutte : ce n’est de la charité, c’est de la solidarité ! ». Toute personne souhaitant contribuer à cette action, peut simplement accéder à la cagnotte solidaire en ligne lancée sur la plateforme Leetchi. Pendant la soirée du 22 mars courant, et précisément vers minuit, les collectes d’environ 40 participants ont atteint les 3 115 euros. Entretemps, des informations présentées par la CGT des cheminots de Versailles affirment que chaque personne travaillant au sein du secteur perd entre 50 et 80 Euros par jour en adhérant à la grève. 

Rym CHAABANI