Premier jour du ramadan et première grande polémique : « Fallujah », série programmée cette année par la chaîne « Elhiwar Ettounsi » provoque un tollé général du côté de l’institution scolastique du pays. Le feuilleton décrit (du moins d’après ce premier épisode) les dépravations au lycée et ce qui s’y passe en tous genres : drogue, violence, souffrance des enseignants, névroses et le tout gravitant autour du lycée pour s’y déverser. L’administration du lycée n’est pas en reste. Ni la police d’ailleurs.

Est-ce le miroir d’un certain microcosme de la société, transposé à l’école ? Déformation sciemment voulue de la réalité ? Quelque part oui, parce que la réalité n’est pas aussi horrible…

Les condamnations de la série fusent sur la toile et le ministre de l’Education, Mohamed Ali Boughdiri tout aussi que Lassaâd Yacoubi ont pris position…Il reste simplement à s’assurer que le voyeurisme ne l’emportera pas et qu’entre le oui et le nom ne se cache pas une certaine fausse pudeur.

Face à cette controverse, les autorités tunisiennes ont également pris position. Le ministre de l’Éducation, Mohamed Ali El Bougdiri, a qualifié la série Falluja de »mascarade », affirmant qu’elle porte atteinte aux familles éducatrices, aux établissements tunisiens et aux familles en général. Il a exprimé son regret quant à la diffusion de telles séries pendant le mois sacré du Ramadan.

Dans une déclaration accordée à la radio  » Diwan FM » le 24 mars 2023, Boughdiri a annoncé que le ministère prendra toutes les mesures nécessaires pour empêcher la diffusion de la série « Fallujah ». Il a indiqué que les communications avec la cheffe du gouvernement ont commencé depuis la nuit dernière afin de prendre toutes les mesures nécessaires concernant cette production télévisée qu’il a qualifiée de « mauvaise » et « médiocre ». Il a considéré que cela va à l’encontre de la morale, des principes et des valeurs, et ne reflète pas le travail sérieux accompli par les familles éducatrices pour aider les enfants tunisiens à se développer et à améliorer le système éducatif.

Appel à ouvrir une enquête sérieuse

Pour sa part, la Fédération générale de l’Enseignement secondaire juge que cette série constitue une grave insulte aux enseignantes et aux enseignants ainsi qu’à l’ensemble de la famille éducative, et appelle les autorités compétentes à prendre les mesures appropriées à cet égard. La Fédération La fédération a appelé la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) à prendre les mesures nécessaires contre les manquements manifestes commis par cette chaîne qui n’a pas respecté les dispositions et lois en vigueur concernant le moment de diffusion et la détermination du groupe d’âge auquel il s’adresse, en plus du contenu publicitaire implicite de produits interdits de publicité.
Elle a appelé le délégué général à l’enfance à intervenir immédiatement en raison de l’atteinte du contenu du feuilleton à la santé physique et mentale de l’enfant, et ses répercussions possibles sur son comportement, son parcours scolaire et son développement psychologique.
Elle a par ailleurs insisté sur la nécessité de travailler de manière  concertée pour pousser le ministère de l’Éducation à accélérer le processus de réforme éducative réelle et sérieuse qui préserve l’école publique et protège les jeunes de tout égarement ou déviation. La Fédération a souligné qu’elle  appréciait toute initiative créative en vertu de sa croyance en la liberté artistique pour traiter tous les problèmes sociaux épineux avec l’audace et   du sens de la mesure nécessaires, mais ce qui a caractérisé l’épisode présenté est le manque des éléments essentiels de l’art et de ses critères esthétiques, ce qui en a fait une simple tentative renouvelée de dévaloriser l’école, porter atteinte à sa sacralité et à son symbole, et à la dignité de ses travailleurs, lit-on dans un communiqué rendu public le 24 mars 2023.

La fédération a estimé que le contenu de cet épisode de « Fallujah » a porté atteinte à l’image des élèves et constitue un blanchiment d’actions blâmables que l’art a le devoir de critiquer.

 Révélations

Le ministère de l’Éducation a signé un contrat avec le propriétaire de la chaîne et a autorisé le tournage de la série « Fallujah » à l’Institut de Radès, après avoir changé son nom en Institut Bourguiba en échange de certains meubles de tournage pour ledit institut, avait indiqué le secrétaire général de la Fédération de l’Enseignement secondaire, Lassaâd Yaacoubi.

« On avait averti l’ex- ministre de l’Éducation, Fathi Slaouti, mais il s’est avéré qu’il n’était pas au courant de ce contrat et que ses services l’avaient signé sans l’informer », selon la même source. Le ministre est revenu pour confirmer que la série serait soumise au contrôle du ministère et qu’il se tournerait vers la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) pour demander son interdiction en raison de la violation du contrat, signé quelques mois avant le mois de Ramadan. La série a commencé à être diffusée sans contrôle ni supervision, il » semble que l’affaire soit plus importante que simplement quelques meubles », selon ses dires.

 

 

Ghada DHAOUADI