Cela fait déjà un certain temps que des ressortissants subsahariens en Tunisie observent un sit-in devant le siège du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Ils demandent à ce que les autorités tunisiennes autorisent, facilitent et se chargent de leur départ en Europe. Rien de moins. Du reste, chose impossible à réaliser, parce qu’à l’autre rive, des pressions sont exercées sur la Tunisie pour contenir ce flux migratoire. Même les aides promises par l’Italie et par l’EU sur ce chapitre ne sont pas de nature à résoudre le problème. 

Cela a fait que ceux qui observent ce sit-in s’en sont pris hier aux civils, aux voitures privées et aux forces de l’ordre. Folie furieuse en somme. 

Depuis plusieurs années, la Tunisie a connu une augmentation du nombre de migrants subsahariens qui viennent chercher refuge ou travail dans le pays, sinon, et c’est le plus fréquent, ils y cherchent un moyen de rejoindre l’Italie, pour l’émigration clandestine en somme.  Leur présence a suscité des tensions au sein de la société tunisienne. Tandis que certains citoyens ont réclamé l’expulsion des migrants subsahariens, d’autres ont exprimé leur solidarité et défendu leur droit de rester sur le territoire tunisien. Le discours du président de la République le 27 février 2023 a suscité une vague d’indignation, puis des mesures ont été prises pour régulariser la situation de ces migrants. 

Malheureusement, tous les migrants ne partagent pas les mêmes objectifs. Alors que certains cherchent simplement à améliorer leurs conditions de vie, ou à mener leurs études d’autres ont une perception différente et peuvent avoir recours à la violence, comme cela a pu être le cas lors, hier, pour les altercations, devant le siège du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés entre des demandeurs d’asile, de différentes nationalités subsahariennes, et des forces de l’ordre.

En effet, ces réfugiés ont agressé des citoyens et vandalisé des voitures, dont des véhicules sécuritaires, ce qui a mené à l’intervention des forces de l’ordre. Certains ont été arrêtés, d’autres ont réussi à s’évader.
 

Rétrospective !

Rappelons qu’un communiqué a été publié le 27 février 2023 dans lequel l’Union africaine s’est exprimée sur le discours du président de la République Kais Saied (21 février) qui a mis l’accent sur la nécessité de prendre des mesures urgentes pour mettre fin et « au plus vite » au phénomène de l’afflux massif de migrants irréguliers de l’Afrique subsaharienne vers la Tunisie. La rapporteuse spéciale sur les réfugiés, les demandeurs d’asile, les déplacés internes et les migrants en Afrique, Maya Sahli Fadel, a exprimé, dans le communiqué susmentionné, qu’elle est particulièrement préoccupée par les propos contenus dans cette déclaration et qui vont à l’encontre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, notamment l’article 2 qui interdit toute discrimination basée sur la race et l’article 5 sur le respect de la dignité de tout être humain. Et d’ajouter que la commissaire a rappelé que « le discours xénophobe, outrageant, humiliant à l’endroit de la communauté subsaharienne des migrants est inapproprié de la part des plus hautes autorités et qu’il sert au contraire ce détonateur à la résurgence de tensions parmi la population aux conséquences souvent désastreuses ». Dans le même contexte, elle a demandé aux autorités tunisiennes de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des migrants sur le territoire tunisien et mettre un terme aux comportement et discours de haine qui contribuent à la recrudescence du racisme et qui risque également de toucher les populations tunisiennes de couleur noire.

Six jours après, les autorités tunisiennes ont réagi, précisément, le 5 mars 2023. Un communiqué a été publié sur les pages officielles de la présidence du gouvernement et de la présidence de la République. « La Tunisie rejette catégoriquement toute accusation liée à un prétendu racisme dans le pays », y lit-on. La Tunisie lutte avec tous les moyens à disposition contre le crime de traite des êtres humains, subi par les Africains jusqu’aux temps présents. La Tunisie n’a jamais accepté et n’acceptera pas que les Africains soient victimes de ce phénomène condamnable où qu’ils soient, sur son sol ou à l’étranger », selon la même source.

Certaines mesures ont été énoncées notamment faciliter le séjour des étudiants africains sur le territoire tunisien en leur délivrant des cartes de séjour pour une période d’une année, et en leur permettant de renouveler périodiquement leurs documents dans un délai approprié, prolonger l’attestation de résidence de trois mois à six mois, faciliter les départs volontaires pour ceux qui le souhaitent dans un cadre organisé et en coordination préalable avec les ambassades et missions diplomatiques des pays africains en Tunisie, exonérer les ressortissants africains du paiement des pénalités de retard encourues suite au dépassement de la durée de séjour autorisée et ce, dans le cadre du retour volontaire et renforcer l’encadrement et intensifier l’assistance sociale, sanitaire et psychologique à tous les migrants et réfugiés des pays africains à travers l’organisation du Croissant-Rouge tunisien et ses différents partenaires.

Réprimer toutes les formes de traite des êtres humains et d’exploitation des migrants en situation irrégulières en multipliant les campagnes de contrôle et en mettant en place un numéro vert à la disposition des résidents des différents pays africains pour signaler toute violation ou abus à leur encontre figurent, également, parmi les mesures en faveur des migrants subsahariens.

On a cru que la polémique était close, mais elle a été remise sur le devant de la scène. Suite au communiqué publié par le Comité des nations unies pour l’élimination de la discrimination Raciale relatif à la situation des migrants en Tunisie, la Tunisie fait part de son étonnement quant au contenu de cette déclaration et au timing de sa publication.
La Tunisie confirme qu’aucune instance officielle tunisienne n’a prononcé de discours de haine contre les étrangers ou incité à la discrimination raciale, lit-on sur la page officielle du ministère des Affaires étrangères le 7 avril 2023.
La Tunisie tient à rappeler que depuis l’apparition de la crise relative à la discrimination raciale, montée de toutes pièces, et croyant en la profondeur des liens africains de la Tunisie, plusieurs mesures ont été prises pour faciliter le séjour des frères africains en Tunisie, renforcer leur protection, intensifier l’aide sociale et sanitaire qui leur a été destinée, dissuader toute forme de traite des êtres humains, limiter le phénomène d’exploitation des migrants en situation irrégulière, et mettre un numéro vert à leur disposition pour signaler tout abus à leur encontre, lit-on dans le communiqué susmentionné.
La Tunisie appelle toutes les agences et instances internationales à faire preuve d’objectivité dans les communiqués relatifs à la situation des migrants en Tunisie, sans pour autant négliger les efforts continus de la Tunisie dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale. Et d’ajouter que la Tunisie appelle également à traiter la question de la migration selon une approche globale afin qu’il soit possible de résoudre les problèmes de celle-ci et faire d’elle une migration sûre, digne et régulière dans le respect de la souveraineté des États et des intérêts de leurs peuples, lit-on encore dans le communiqué susmentionné.

A noter que Imed Zoghlami, directeur général de la Police des frontières et des étrangers, a fait savoir que 5 376 subsahariens résident légalement en Tunisie.
Lors d’une conférence de presse tenue le 6 mars 2023 à Tunis, Zoghlami a assuré que la Tunisie a aidé 383 africains de Guinée, de la Côte d’Ivoire et du Mali afin de rentrer chez eux dans de meilleures conditions. Le nombre d’Africains subsahariens résidant illégalement en Tunisie est d’environ 21 471 personnes

Maintenant, qu’est-ce qui justifie le déchainement d’hier ? Selon nos sources, tout est question d’organisation. La régularisation de la situation au cas par cas demande du temps. 

Et quel rôle joue le Haut-commissariat des Nations –Unies pour les réfugiés ? Question qui se pose d’elle-même…

 

Ghada DHAOUADI