Par Raouf Khalsi

Il existe dans la vie d’une Nation des constantes et des constances. Les soubresauts de la politique, les systèmes de gouvernance, les dirigeants : tout cela est toujours limité dans le temps et dans l’espace.

En revanche, les constantes ne sont pas interchangeables, ni même flexibles. Inamovibles, elles représentent, pour ainsi dire, les gardiens du temple. Ainsi de notre roman des origines : le système républicain. Ainsi de l’adéquation Etat/ Nation qu’on a toujours essayé de personnifier et de défigurer. Ainsi de la souveraineté nationale meurtrie par les bradages d’une décennie de cauchemars. Ainsi, surtout, de nos forces d sécurité génétiquement républicaines et dont émerge la stature de l’Armée nationale, comme par une évidence géométrique.

Or, quand on « perd ses religions », aphorisme de la perte de repères (de la malhonnêteté aussi), on s’attaque allègrement aux symboles, à défaut de pouvoir ébranler les citadelles.

Aux dernières nouvelles, celui qui répond au nom de Rafik Bouchlaka, se trouve en Turquie. L’homme du scandale du Sheratongate, mais qui jouissait de l’immunité « transversale » de son mentor et parent Rached Ghannouchi, s’est défaussé sur l’Armée nationale, l’accusant d’être le bras armé de Kais Saied et bien d’autres affirmations alambiquées et tortueuses.

Mais, du coup, Le mouvement Ennahdha réagit : « aucun post, aucune déclaration n’engage Ennahdha, toute position officielle ne peut émaner que du président du mouvement », entendez : Rached Ghannouchi…

Encore une fois, cet énième post Facebook d’un personnage trainant de lourdes casseroles, est à mettre sur le compte d’une effronterie, pour le moins pathologique.

Sauf que la riposte « indignée ? » d’Ennahdha est quand même à prendre avec des pincettes. Ennahdha se dresse contre Kais Saied, c’est un fait. Mais cette indignation, drapée d’une soudaine glorification de l’Armée, n’est-elle pas inhérente au mode opératoire de Ghannouchi et à sa technique manœuvrière ?

Mais alors, le « Cheikh suprême » se déjuge -t-il, par hasard, par rapport à ce qu’il déclarait haut et fort il y a quelque temps : « L’Armée et la police ne sont pas sûres » affirmait-il ? Sinon, une introspection et un début d’aveu pour avoir détourné la révolution de ses objectifs, en en domestiquant les fondamentaux ?

A moins que ce ne soit une division du travail : « Toi, tu attaques, et moi je défends ce que tu attaques ». De la duplicité dans une expression caricaturale, en somme.

Et il n’y a même pas à y rechercher un quelconque paradigme…