Au lendemain de l’arrestation du chef du mouvement islamiste Ennahdha, les chancelleries étrangères étaient partagées entre inquiétude, expectative et mutisme. Les voisins immédiats de la Tunisie, en l’occurrence l’Algérie et la Libye, se murent jusqu’ici dans le silence.  Par la voix de la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Anne-Claire Legendre, la France a cependant estimé que l’arrestation du leader de l’opposition « s’inscrit dans une vague d’arrestations préoccupantes ».

Rappelant son « attachement à la liberté d’expression et au respect de l’État de droit », Paris a également appelé les autorités tunisiennes à « veiller au respect de l’indépendance de la justice et des droits de la défense ».

Le Quai d’Orsay a ainsi pris une position plutôt mesurée et plutôt pragmatique, qui s’inscrit dans le droit fil de l’orientation de la diplomatie française depuis l’accession du président Emmanuel Macron à la présidence.

La réaction de l’Union européenne (UE), un partenaire clé de la Tunisie, a été moins édulcorée. Le porte-parole de l’Union européenne pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Luis Miguel Bueno, a affirmé dans une déclaration publiée sur le site officiel de l’UE, que Bruxelles « suit avec beaucoup d’inquiétude les derniers développements » dans le pays, « notamment l’arrestation hier soir (lundi) de Rached Ghannouchi ainsi que les informations concernant la fermeture du siège du parti Ennahdha à Tunis », considérant que « cela s’ajoute à la récente vague d’arrestations de militants de divers groupes d’opposition ».

Il a également souligné « l’importance du respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable ».

« Principe fondamental du pluralisme »

Concernant la fermeture des locaux d’Ennahdha, le porte-parole de l’Union européenne a souligné « le principe fondamental du pluralisme politique », estimant que tous ces éléments « sont un pilier fondamental de toutes les démocraties, ainsi que la base du partenariat entre la Tunisie et l’Union européenne ».

Réputé proche de la confrérie des Frères musulmans, dont est issu le mouvement islamiste tunisien Ennahdha, la Turquie a adopté une position beaucoup plus tranchée.

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a en effet estimé que l’arrestation de son « frère » Rached Ghannouchi était « inappropriée ».

« Le pouvoir en place en Tunisie a arrêté mon frère Rached Ghannouchi. Nous n’avons pas jusqu’ici réussi à évoquer cette question avec les autorités tunisiennes par téléphone, mais nous continuerons d’essayer de les joindre. Si nous pouvons leur parler au téléphone, nous leur dirons que nous ne jugeons pas cette arrestation appropriée », a-t-il déclaré dans un entretien accordée mardi à la chaîne de télévision TRT.

Le chef d’Etat turc a également exprimé son « inquiétude », quant à cette arrestation.

Habituellement prompts à condamner les « dérives autoritaires » en Tunisie, les Etats-Unis ne se sont pas jusqu’ici exprimés sur l’interpellation du leader islamiste.

Rached Ghannouchi, 81 ans, est l’opposant le plus en vue à être arrêté depuis le coup de force opéré le 25 juillet 2021 par le président Kaïs Saïed. Depuis début février, les autorités ont arrêté plus de vingt opposants, dont des hommes d’affaires, des activistes politiques indépendants des ex-ministres et le patron de la radio privée Mosaïque FM.

                                                                                                 Walid KHEFIFI