Une enquête menée en 2021 par l’INS aborde le domaine de la consommation chez les Tunisiens, leurs dépenses et leur niveau de vie en fonction de leur budget. Cette enquête révèle que la dépense moyenne aux prix courants par personne et par an s’établit à hauteur de 5 468 dinars en 2021, comparée à 3 871 dinars en 2015, soit une hausse de 41,3 % sur l’ensemble de la période 2015-2021. Cette progression correspond à une croissance annuelle moyenne de 5,9 %.  A savoir que la consommation des Tunisiens ne se limitent pas aux seuls produits de première nécessité, mais il y a également la part des dépenses allouées à d’autres rubriques, comme celles des produits de santé et d’hygiène, du logement, du transport et télécommunications, de l’habillement et de l’énergie qui ont marqué une augmentation substantielle ces dernières années, durement supportée par les Tunisiens.  

En 2021, la dépense de consommation finale des ménages rebondit de 5,2 % en volume après avoir connu une chute historique de 6,7 % en 2020 en raison de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. Aujourd’hui, outre les dépenses en alimentation, les dépenses en santé sont en forte augmentation et se situent au-dessus de la tendance d’avant-crise. Cependant, on constate toujours le même engouement des consommateurs sur les produits alimentaires même en cas de pénurie, qui affichent souvent des prix inabordables. Le gouvernement a beau appeler à la modération et à la rationalisation de la consommation. L’organisation de défense du consommateur (ODC), à son tour, a souvent exhorté les ménages à boycotter certains produits. Mais en vain. C’est que le Tunisien, devenu par la force des choses, un grand consommateur, dépense parfois sans compter dans des biens de consommation essentiels comme dans d’autres moins urgents et parfois superflus.

« Journée mondiale sans achat », dites-vous ?

Nombreux sont les Tunisiens qui ignorent que chaque année, on célèbre dans plusieurs pays du monde la « journée mondiale sans achats ». Cette initiative, lancée depuis plusieurs années par Media Fondation à Vancouver, a été d’abord destinée aux consommateurs dans les pays occidentaux, connus pour être de grandes sociétés de (sur) consommation ; mais il n’en demeure pas moins évident qu’une telle journée pourrait être observée dans les pays en voie de développement, tel le nôtre, où souvent une bonne part du budget des ménages est dépensée abusivement dans la consommation des biens d’alimentation, d’habillement, de transport, de téléphonie mobile…). Mais il semble que cette « journée sans achats » passe inaperçue et n’ait pas encore de chance d’être massivement suivie par nos ménages tunisiens. L’on ne s’étonne donc pas si la « Journée mondiale sans achat » passe inaperçue chaque année chez nous, comme d’ailleurs les autres « Journées » internationales qui appellent à la modération de la consommation, telles que « Journée sans voiture », « journée sans tabac » ou « Journée sans portable » ou d’autres journées décrétées par l’ONU ou par ses différentes agences (UNESCO, UNICEF…). Pourtant, cette « journée sans achats » serait le meilleur moyen de s’interroger sur ses actes de consommation et peut-être l’occasion de décider de changer son comportement d’achats.

Les raisons d’une consommation effrénée

Chez nous, la consommation a toujours montré une tendance à la hausse confirmée d’ailleurs par les statistiques fournies officiellement ou par des bureaux d’études spécialisés. Il va sans dire que le Tunisien ne lésine pas sur les dépenses quotidiennes ou occasionnelles, parfois en dépassant ses moyens et ses revenus, au point de s’endetter auprès des siens ou auprès des banques. Le taux d’endettement des Tunisiens n’est pas à démontrer ! Cette tendance à la consommation s’explique par l’amélioration du niveau de vie des Tunisiens qui aspirent toujours à une vie plus décente et plus aisée malgré la crise économique qui sévit dans le pays. Cette consommation immodérée est incitée également par l’organisation à longueur d’année des foires et des salons spécialisés où l’on peut bénéficier des différentes promotions et facilités de payements accordées par les commerçants. Ajoutons à cela, le grand nombre des grandes surfaces et des hypermarchés qui se sont installés partout dans le pays et qui proposent aux clients des produits très variés à des prix souvent alléchants. Les saisons des soldes sont parfois l’occasion de dépenses faramineuses de la part des consommateurs. Mêmes nos fêtes familiales et religieuses sont des occasions de consommation onéreuse ! Tous ces facteurs et d’autres encore ont changé les habitudes et les modes de consommation chez le Tunisien, ayant créé chez lui de nouveaux besoins, de nouveaux caprices susceptibles de nuire souvent à son budget.

Rationaliser la consommation

Ainsi, le Tunisien, devenu par la force des choses, un grand consommateur, dépense parfois sans compter dans des biens de consommation essentiels comme dans d’autres moins urgents et parfois superflus. Cette tendance à consommer sans mesure est confirmée par les statistiques citées plus haut. Une évolution spectaculaire est donc à remarquer dans le comportement du Tunisien avec son budget et dans sa consommation souvent incontrôlable et irrationnelle. Tout cela nous mène à dire que nous vivons, malgré nous, dans une société de consommation par excellence comparable à celles des sociétés occidentales. Par conséquent, nous avons besoin de réviser nos comportements de consommation De même, les structures et les associations concernées par le budget des consommateurs, notamment l’ODC (Organisation de Défense du Consommateur) et l’INC (Institut National de la Consommation) sont appelées à mener des campagnes de sensibilisation tous azimuts visant à mieux orienter le consommateur et à agir sur son comportement d’achat pour son intérêt et l’intérêt de l’économie du pays. Mais aussi une politique gouvernementale visant à fournir les besoins nécessaires aux citoyens et à réguler les prix des différents produits sur le marché serait d’un grand apport sur le budget du consommateur.

Hechmi KHALLADI