Par Slim BEN YOUSSEF

D’abord, pas question de lever les subventions d’Etat, et encore moins céder ne serait-ce qu’une part des entreprises du secteur public ; ensuite, impératif de prendre son mal en patience quitte à tenir tête aux pressions (tantôt latentes, tantôt explicites) des puissances occidentales ; enfin, « compter sur soi » et sur ses ressources propres pour trouver de « nouveaux mécanismes », économiques et financiers, à même d’enterrer la crise. Tels sont, en deux temps trois mouvements, les messages-clés envoyés depuis un certain temps par le président Saïed dans ce qui semblerait devenir un bras de fer officiel entre, d’un côté, l’Etat tunisien, qui fait face à une lourde crise financière héritée de la décennie nahdhaouie, et de l’autre, les diktats des bailleurs de fonds internationaux et à leur tête le FMI.

Début mai, l’ex-ministre de l’Industrie Neila Gongi avait été sèchement limogée dans la foulée de ses déclarations à la presse à propos d’une prétendue mise en marche de réformes recommandées par le FMI. Le message était autant agressif que clair : la Tunisie de Saïed s’opposera vigoureusement à tout diktat étranger. Si réforme il y aura, cela relèvera du domaine tuniso-tunisien, ne cesse de marteler avec insistance le président à chacune de ses sorties depuis pratiquement un mois.

Du souverainisme nationaliste très cher à Saïed, certes, mais aussi un net, pour ne pas dire spectaculaire virage à gauche de la présidence, qui, désormais, prône ouvertement un retour vers un interventionnisme beaucoup plus actif de l’Etat-providence. Des « idéaux » un peu trop gauchistes au goût des institutions monétaires internationales et de « nos partenaires » étrangers, mais aussi pour une certaine élite économiste tunisienne, très libérale, et qui occupe le devant de la scène médiatico-politique pendant plus d’une décennie. De quoi plaire en revanche à une certaine UGTT qui se remet récemment à tenter de renouer le dialogue avec le gouvernement.

Dernière sortie en date : Saïed qui reçoit Bouden jeudi à Carthage et propose de cibler les surtaxes pour pallier au déficit engendré par les subventions étatiques. « Autant vaut prendre le surplus d’argent de chez les riches pour le donner aux pauvres », a-t-il notamment martelé, citant Omar Ibn Al Khattab. La veille, le président s’était réuni, en grande pompe, avec une pléiade d’universitaires pour parler économie. Ce qui nous amène à penser que cette formule de la surtaxe ciblée aurait émané de cette réunion.

Nous avons appris, d’ailleurs, que la fixation des subventions pour le prochain exercice, qui était à l’ordre du jour du dernier conseil des ministres, a été reportée jusqu’à nouvel ordre. Le temps, sans doute, d’examiner à la loupe cette formule proposée par le président. Hier encore, c’est la ministre des Finances Sihem Nemsia qui promettait dans une déclaration aux médias d’ « importantes réformes à venir », selon ses dires, sans donner de détails.

La bonne nouvelle, c’est que cette récente « prise de conscience » notable à Carthage pour la question économique et financière devrait alimenter, dans les prochains jours, un débat sérieux auprès d’une opinion publique nationale, détournée depuis voilà trop longtemps par les méandres inextricables d’une guerre politico-judiciaire, qui, avouons-le, ne concerne en rien le citoyen lambda, plus que jamais préoccupé par son pouvoir d’achat anéanti par la crise.