De toutes les tensions qui secouent l’actualité ces derniers temps, le bras-de-fer qui traîne depuis des mois entre le ministère de l’Education et les syndicats des enseignants, préoccupe particulièrement les Tunisiens, sur fond d’un dialogue de sourd entre les deux parties, qui n’a que trop duré. Au vu du blocage devenu chronique et quasi irritant au niveau des négociations, le syndicat n’a pas hésité à pousser sa mobilisation jusqu’à la rétention des notes. En face, la politique de plus en plus agressive du ministère prend désormais un tournant préoccupant avec le limogeage, d’un coup d’un seul, de pas moins de 150 directeurs d’écoles, sans compter les mesures punitives infligées aux enseignants. De part et d’autre, l’on fonce tête baissée vers une escalade, très dangereuse, qui risquerait de compromettre le bon déroulement de la prochaine année scolaire. 

Le syndicat a répondu d’ailleurs aux menaces du ministère de l’Education et annonce un éventuel boycott de la prochaine rentrée scolaire. En effet, le secrétaire général adjoint de la fédération susmentionnée Ikbal Azzebi, a indiqué que le ministre de l’éducation pratique des menaces à l’encontre des directeurs d’école et des instituteurs qui ont appliqué la décision du syndicat portant sur la retenue des notes. Dans une déclaration accordée, le 6 juillet 2023,  à l’agence TAP, Azzebi a souligné que la fédération tiendra une commission administrative prochainement pour examiner les démarches nécessaires face aux mesures qui seront adoptées par le ministère de l’Education à l’encontre des directeurs d’école et des instituteurs. Chaque menace sera rencontrée par une escalade de la part du syndicat, a mis en garde Azzebi.

Dialogue de sourds

A noter que le ministre de l’Education Mohamed Ali Boughdiri a souligné, dans une déclaration accordée aux médias, que le ministère procèdera à une retenue sur salaire ou encore, la révocation de leur fonction, de chaque directeur d’école ou instituteur qui a refusé de verser les notes sur la plateforme.

Boughdiri a précisé que ce nombre pourrait augmenter car les comités relevant du ministère de l’Éducation travaillent actuellement au Centre national de technologie de l’éducation pour les identifier, lit-on dans le journal « Echourouk ».

La rétention des notes constitue un manquement au devoir et justifie la rupture des relations professionnelles. Il a ajouté que « ce qui s’est passé est un précédent dans l’histoire de l’éducation tunisienne et une persistance à sous-estimer l’Etat, qui doit être confronté à la force de la loi »

Malgré les difficultés financières de l’État, 20 points des revendications des enseignants ont été satisfaites, notamment l’ajout de points qui n’existaient pas auparavant concernant la personnalité juridique de l’école primaire, une revendication depuis les années 90, ainsi que des points liés à de nouvelles allocations pour les directeurs (allocation de continuité et plan de promotion pour les enseignants).

Mesures punitives

Cette « mesure punitive » prise par le ministère de l’Éducation à l’encontre de certains directeurs a suscité l’étonnement de la Fédération de l’Enseignement de Base, qui l’a fortement critiquée en considérant que la rapidité avec laquelle l’autorité de supervision a mis en œuvre ses menaces est une preuve que la liste des directeurs était prête à l’avance. Le syndicat de l’enseignement de base a affirmé que le ministère, qui a déjà soutenu les revendications des enseignants et reconnu leur légitimité à plusieurs reprises, devrait écouter attentivement leurs perspectives, prendre en compte leurs problèmes et essayer de trouver une solution à la crise actuelle, plutôt que de suivre une approche punitive qui ne résoudra pas les problèmes et compliquera la situation. Le syndicat a souligné que sa réponse au ministère sera proportionnelle et que celui-ci sera entièrement responsable des conséquences de ses décisions.

D’autre part, en réponse à la décision du ministre de l’Éducation de relever de leurs fonctions 150 directeurs d’établissements éducatifs, certaines branches universitaires de l’enseignement de base ont entamé des sit-ins ouverts dans les délégations régionales de l’éducation, à l’instar de Ben Arous, Sfax et Sidi Bouzid, pour protester contre cette mesure, a rapporté le journal « Echourouk »

Le membre de la Fédération générale de l’Enseignement de base Taoufik Chebbi a déclaré à « Mosaïque FM » que la conférence de presse, qui devrait se tenir le 7 juillet 2023, s’inscrit dans le cadre de la réponse aux communiqués et aux déclarations récurrentes du ministère de l’Éducation, comportant des menaces contre les enseignants. Chebbi a ajouté qu’une séance de négociations devait se tenir entre la partie syndicale et le ministère de l’Education, mais le ministre a choisi la fuite en avant.

Il a, par ailleurs, souligné que la décision de limogeage des directeurs des écoles primaires est abusive et vise à déstabiliser les enseignants, dans leur action militante, selon la même source.

Ghada DHAOUADI