Par Jamel BENJEMIA                              

Dans un monde de plus en plus numérisé, l’innovation technologique joue un rôle essentiel dans la croissance économique. La Tunisie, pays en quête de prospérité, doit saisir les opportunités offertes par les avancées techniques afin de stimuler ses investissements et favoriser ses transactions économiques.

Le Gouverneur de la Banque Centrale Tunisienne a récemment affirmé que l’ouverture des comptes bancaires en devises étrangères aux résidents « ne se fera pas dans l’immédiat », tant que les niveaux des réserves en devises étrangères ne seront pas jugés satisfaisants.

Face à cette situation, l’introduction du « Dinar numérique » (eDinar) apparait comme une solution prometteuse pour propulser l’économie tunisienne vers de nouveaux horizons.

Cette monnaie numérique, soutenue par la Banque Centrale présente de nombreux avantages pour les transactions, l’épargne et le financement des infrastructures. Dans cet article, nous explorerons en détail les bénéfices d’une telle initiative et son impact potentiel sur l’économie tunisienne.

Contrairement aux cryptomonnaies décentralisées, le « Dinar Numérique » (eDinar) permettrait au gouvernement de maintenir la stabilité financière et de réguler l’économie nationale, évitant ainsi les fluctuations excessives des valeurs et les risques associés

Sécurité et transparence

En utilisant un « Dinar Numérique » (eDinar), les transactions pourraient bénéficier d’une sécurité renforcée et d’une plus grande transparence.

Grâce à la technologie de la « Blockchain », chaque transaction serait enregistrée de manière immuable, réduisant ainsi les risques de fraude et de corruption. De plus, la traçabilité des transactions favoriserait la transparence et renforcerait la confiance des acteurs économiques.

L’introduction d’un « Dinar Numérique » (eDinar) permettrait des transactions en temps réel, éliminant ainsi les délais et les frais associés aux transferts bancaires traditionnels. Les paiements pourraient être effectués instantanément, facilitant les échanges commerciaux et favorisant la croissance économique.

Cette rapidité des paiements améliorerait la vie quotidienne des entreprises et des startups tunisiennes qui seraient autorisées à détenir des comptes en « Dinar Numérique » (eDinar).

Le financement intelligent de l’économie

Permettre aux non-résidents d’ouvrir des comptes d’épargne en « Dinar Numérique » (eDinar) aurait un effet positif sur l’attractivité de la Tunisie.

Les travailleurs tunisiens de l’étranger pourraient bénéficier d’un taux d’intérêt attractif, ce qui stimulerait leur motivation à épargner. De plus, l’introduction d’un « Dinar Numérique » (eDinar) convertible peut aider la Tunisie à surmonter ses difficultés d’emprunt sur le marché international.

En offrant aux compagnies d’assurance mondiales la possibilité de souscrire à des plans d’épargne attrayants, avec un rendement garanti et des prélèvements faibles à la sortie, la Tunisie pourrait attirer des investissements pour des projets d’infrastructures d’envergure.

La monnaie numérique dans le monde

Il est indéniable que la monnaie numérique suscite des débats quant à sa capacité de transformer les équilibres économiques et financiers mondiaux.

Certains y voient un moyen de remettre en question le système monétaire international établi lors des accords de « Bretton Woods » en 1944, qui a donné au dollar américain une place centrale dans les transactions internationales. La monnaie numérique pourrait être perçue comme une alternative à ce système et une forme d’émergence d’une nouvelle hégémonie. En effet, les pays qui développent leurs propres monnaies numériques, telles que la Chine avec son « Yuan Numérique », cherchent à accroître leur influence économique et financière sur la scène mondiale.

Cependant, il est important de souligner que la transition vers une nouvelle forme d’hégémonie monétaire ne se fera pas sans défis et résistances.

Les monnaies numériques doivent séduire les investisseurs et prouver leur fiabilité, leur sécurité et leur acceptation par les opérateurs financiers influents.

Les régulateurs et les gouvernements joueront un rôle crucial dans la supervision de ces nouvelles formes de monnaie, afin de prévenir les risques liés à la stabilité financière, à la protection des données, au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.

Il est important de souligner que la transition vers la monnaie numérique ne signifie pas nécessairement l’abandon des systèmes financiers traditionnels.

Il est plus probable que les monnaies numériques coexistent avec les devises fiduciaires, complétant ainsi la gamme des instruments monétaires plutôt que de les remplacer.

L’adoption d’une monnaie numérique en coexistence avec les instruments financiers traditionnels peut renforcer le proverbe populaire selon lequel : «  il vaut mieux avoir deux fers au feu ».

 

Enfin de compte, la question de savoir si la monnaie numérique est un moyen de rompre les liens avec le système de « Bretton Woods » dépendra de son degré d’acceptation par les acteurs économiques et financiers, ainsi que des décisions politiques et réglementaires qui encadreront son utilisation.

Seul le temps nous dira quel rôle les monnaies numériques joueront dans la redéfinition de l’ordre monétaire international.

La révolution en marche

Ces dernières années, la notion de monnaie numérique a connu une expansion considérable dans le monde financier. Les projets de création de monnaies numériques de banques centrales se multiplient et sont devenus un sujet incontournable pour de nombreuses institutions d’émission.

Selon la Banque des Règlements Internationaux (BRI), « plus de 85% des Banques Centrales dans le monde travaillent ou ont l’intention de travailler sur un projet de monnaie numérique ».

Cette tendance marque un tournant majeur dans le paysage financier mondial et suscite de nombreuses réflexions sur les implications et les avantages de cette évolution.

Des exemples emblématiques de ces projets sont la monnaie numérique de la RiksBank, la Banque Centrale de Suède, et celle de la Banque Populaire de Chine (PBoC).

La RiksBank, en tant que plus ancienne banque centrale du monde, s’est intéressée très tôt à la monnaie numérique.

Quant à la PBoC, elle a lancé un ambitieux projet de monnaie numérique dès 2014, cherchant à créer un environnement technique entièrement nouveau et distinct des « Blockchains » existantes. La monnaie numérique chinoise (« Yuan Numérique ») est conçue comme un outil de concurrence face au dollar américain.

Il convient également de mentionner le projet BSN (Blockchain-based Service Network), lancé par le gouvernement chinois en 2020. Le BSN vise à construire un cadre mondial pour le déploiement et l’exploitation d’applications basées sur la technologie de la « Blockchain », sans l’utilisation de crypto-actifs. Ce projet stratégique s’inscrit dans la volonté de la Chine de devenir un acteur majeur de la technologie de la « Blockchain » à l’échelle mondiale.

Le fonctionnement du « Yuan Numérique » repose sur une structure à deux niveaux, dans laquelle la Banque Populaire de Chine(PBoC) est connectée aux banques commerciales, aux opérateurs de télécommunications et aux réseaux de paiement à grande échelle. Ces entités proposent ensuite l’e-CNY (« Yuan Numérique ») aux clients de détail.

La PBoc conserve le contrôle de l’émission, de l’infrastructure et de la supervision, tout en permettant l’accès à différents types d’intermédiaires, au-delà des institutions financières traditionnelles. L’e-CNY est disponible sous différentes formes, telles que les portefeuilles électroniques, des codes QR, des paiements NFC (Apple/Huawei/Samsung Pay) et des cartes bancaires. Il offre également la possibilité d’un double paiement hors ligne, permettant aux utilisateurs de transférer de l’argent même sans accès à internet ou à un compte bancaire. Cette fonctionnalité est rendue possible grâce à l’utilisation de liens de comptes faiblement couplés, assurant un niveau de confidentialité contrôlé.

Ce n’est pas une simple fantaisie

Avec la monnaie numérique, il est possible d’émettre des « Tokens » qui représentent des actifs financiers tels que des actions, des obligations ou des produits d’épargne. Ces « Tokens » peuvent être échangés et transférés de manière rapide et transparente via des plateformes de « Blockchain ». Les émetteurs ont ainsi la possibilité de créer des produits d’investissement numériques attrayants pour les investisseurs.

Le monde évolue à une vitesse fulgurante, et il est temps pour la Tunisie de se hisser au sommet de l’innovation financière. Le « Dinar Numérique » (eDinar) est une opportunité qui se présente à nous, une chance de transformer notre système monétaire et de nous positionner en tant que pionnier en Afrique dans cette ère numérique.

Observons comment les économies avancées embrassent le changement, adoptent les technologies émergentes et repensent leurs monnaies.

Le « Dinar Numérique » (eDinar) n’est pas une simple fantaisie, c’est un espoir qui pourrait révolutionner notre système financier, stimuler notre économie et renforcer la confiance des investisseurs.

Ne nous contentons pas de rester attachés à des méthodes dépassées du passé. Osons repenser notre monnaie, osons innover et créer un écosystème financier moderne qui réponde aux exigences du monde d’aujourd’hui.

La Tunisie ne peut pas se permettre de rester en marge de cette révolution numérique. Nous avons le potentiel, le talent et les ressources nécessaires pour être des acteurs majeurs dans ce domaine.

N’ayons pas peur du changement, mais soyons les architectes de notre propre destin.

La Tunisie mérite un avenir radieux, et le « Dinar Numérique » (eDinar) peut nous aider à le réaliser. Faisons preuve de courage, de créativité, de persévérance et de détermination.

Ensemble, nous ouvrirons les portes d’un avenir prospère et prometteur.