En Tunisie, alors que la crise économique engendre d’innombrables défis, une énigme reste à résoudre : l’évasion fiscale.

Cachés dans l’ombre, nombreux acteurs du secteur informel trouvent dans cette pratique un véritable clé de voûte pour l’épanouissement de leurs activités. Certains « contribuables » dans les métiers libéraux trouvent aussi leur compte en réduisant de manière significative leur dû fiscal. Le jeu de dissimulation pourrait être bien connu, mais les répercussions de cette pratique demeurent souvent floues. L’évasion fiscale consiste, pour un contribuable, à éviter ou à réduire le montant de ses impôts, en transférant ses actifs dans un pays où la fiscalité est plus avantageuse. lit-on sur le site capital. Si nous sommes conscients de leurs stratégies, nous devons désormais plonger dans l’univers obscur de l’évasion fiscale pour comprendre pleinement les conséquences qu’elle engendre. À quel point notre économie en souffre-t-elle ? Quelles en sont les réelles implications pour le développement du pays ? Les pertes sont-elles négligeables ou atteignent-elles des proportions alarmantes ?

3 milliards de dinars de perte annuelle

Une nouvelle étude lève le voile sur le mystère de ce phénomène. En effet, la Tunisie perd 3 milliards de dinars chaque année, à cause de l’évasion fiscale et sociale des personnes actives dans l’économie informelle, mais ce montant demeure récupérable si des réformes sont engagées au niveau de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), selon une étude intitulée « l’économie informelle en Tunisie » élaborée par le Programme des Nations unies pour le développement en Tunisie (PNUD), en collaboration avec l’Organisation internationale du travail.

Si des réformes adéquates sont engagées au niveau de l’une des principales caisse sociale en Tunisie, la CNSS, cette dernière serait en mesure de mobiliser le même montant sous forme de ressources supplémentaires, et ce, sur une période de 5 années, a expliqué cette étude. Et d’ajouter que la CNSS a accusé des pertes de l’ordre de 1,3 milliard de dinars, en 2020, en raison du défaut de paiement des cotisations, de la part de 917 mille personnes actives dans les secteurs informels.

Dans son évaluation des pertes des recettes fiscales de l’Etat, suite au non paiement de l’impôt dans le secteur parallèle, le rapport s’est appuyé sur le calcul de la valeur ajouté, le chiffre d’affaire du secteur, et les statistiques des petites entreprises en 2016, qui ont montré que leur CA annuel est dans la limite de 52 milliards de dinars. Cette étude intervient au moment ou le gouvernement œuvre à mobiliser des financements sur les marchés extérieur et intérieur, à cause de la faiblesse des ressources fiscales et des cotisations de retraite, alors que l’intégration progressive et globale des catégories démunies opérant dans le secteur parallèle est à même de couvrir les besoins de financement du pays, a rapporté l’agence TAP.

En 2020, le secteur parallèle employait 26,8% de la main d’œuvre en Tunisie fournissant 917 mille emplois. Leurs employeurs ne payaient pas leurs contributions au titre de la sécurité sociale, selon l’étude susmentionnée. Cependant, le taux des jeunes opérant dans ce secteur, (catégorie 15-19 ans), s’élève à 81,4%, ce qui représente un taux record aux plans régional et international. Selon la même source le recours des ouvriers au marché parallèle est du à l’absence des opportunités d’emploi décent dans le secteur structuré en raison notamment des obstacles institutionnels et d’ordre économique et social.

Mesures fermes

Face à l’évasion fiscale en Tunisie et dans la poursuite de la réforme du système fiscal, la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, avait annoncé des mesures prévues dans la loi de finances de 2023. Ces mesures incluent la levée du secret professionnel fiscal, le renforcement de la transparence des transactions, et la lutte contre l’évasion fiscale à travers notamment la soumission des différents contrats d’achat, de vente ou de location de biens immobiliers, de moyens de transport… à l’obligation de l’enregistrement, a expliqué la ministre lors d’une conférence de presse consacrée à la présentation de la loi de finances 2023, selon l’agence TAP.

La loi de Finances stipule, également, une mesure visant à renforcer la régularisation de la situation fiscale des personnes physiques de nationalité étrangère exerçant des activités imposables en Tunisie en liant le renouvellement de leur carte de séjour à la régularisation de cette situation.

A noter que l’Etat va aussi œuvrer à améliorer le recouvrement des recettes fiscales en augmentant, à partir du 1er janvier 2024, la valeur de l’avance présentée sur les importations de biens de consommation de 10% à 15% pour les entreprises qui n’ont pas déclaré tout ou une partie des impôts et taxes dus, ou celles qui ont accumulé des dettes fiscales. Cette avance peut être déduite de la taxe due, mais ne sera pas remboursable.

Ghada DHAOUADI