L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) estime que les pénuries de plusieurs produits de base comme le lait, le sucre et la semoule et les hausses des prix consécutives à la rareté de ces denrées alimentaires sur le marché se situent dans le cadre d’une politique de levée des subventions « sournoise » appliquée par le pouvoir exécutif.

« Les pénuries de plusieurs produits subventionnés et l’envolée des prix qui s’ensuivent relèvent en réalité d’une politique de levée les subventions qui ne dit pas son nom. Pour réduire les ressources allouées à la Caisse générale de compensation, le gouvernement diminue les achats de ces produits dont les prix augmentent », a déclaré le secrétaire général adjoint de l’UGTT, Slaheddine Selmi. Et d’ajouter : « C’est bonnet blanc, blanc bonnet. Au final, le résultat est le même. L’exécutif applique ainsi les diktats et les directives du Fonds monétaire international (FMI), tout en feignant de ne pas le faire ».

En des termes moins diplomatiques et plus explicites, le responsable syndical accuse ouvertement les autorités de provoquer délibérément des pénuries de certains produits alimentaires subventionnés pour pousser les citoyens à accepter l’achat de ces denrées quelque soient leurs prix.

Les résultats provisoires de l’exécution du Budget de l’Etat à fin mars 2023 semblent corroborer cette thèse. Au premier trimestre de l’année en cours, l’Etat a alloué 1248 millions de dinars aux subventions des produits de base, un montant en baisse de 4% par rapport à la même période de l’année écoulée. La majeure partie des ressources financières allouées aux subventions entre le 1er janvier et le 30 mars 2023 concerne les carburants (1038 millions de dinars) alors que 167 millions ont été orientés vers les transports et 43 millions seulement aux autres produits de base (essentiellement des denrées alimentaires).

La Loi des finances 2023 prévoit d’ailleurs un budget de compensation total de 8,8 milliards de dinars contre 12 milliards en 2022.

Le gouvernement semble avoir définitivement abandonné la réforme du système des subventions basé sur le ciblage, qui consiste à orienter les subventions qui bénéficient actuellement toutes les couches de la société uniquement vers les couches les plus vulnérables. Cette réforme repose sur l’idée de transférer les ressources allouées aux subventions universelles, qui profitent actuellement aux riches comme aux pauvres, vers des programmes d’aide sociale ciblant uniquement les couches les plus démunies de la population. Il s’agit, en d’autres termes, de réserver les aides de l’Etat uniquement à ceux qui en ont le plus besoin.

La politique de ciblage des couches nécessiteuses de la société devait s’appuyer sur l’identifiant unique du citoyen (UIC), qui doit permettre d’établir les listes des familles éligibles aux transferts directs en connectant les bases de données des caisses sociales, de l’administration fiscale ainsi que les bases de données relatives au programme national d’aides aux familles nécessiteuses, au programme d’assistance médicale gratuite et au programme d’accès aux soins à tarif réduit.  Le principal risque lié à cette approche la disparition quasi-totale de la classe moyenne, qui pourrait déboucher sur des troubles sociaux.

En Tunisie, le système des subventions comprend deux composantes majeures. Il s’agit des subventions des produits de consommation de base et des subventions des produits énergétiques (produits pétroliers, gaz naturel et électricité).

La Caisse générale de compensation (CGC) gère la subvention des produits alimentaires de base, notamment dérivés de céréales (le pain, la semoule, le couscous et les pâtes alimentaires), l’huile, le sucre, les cahiers scolaires et le lait stérilisé demi-écrémé.

Les subventions allouées aux hydrocarbures sont transférées directement par l’Etat à la

Société tunisienne des industries de raffinage (STIR) et la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG).

En vigueur depuis plusieurs décennies, ce système des subventions universelles représente en un fardeau pour les finances publiques, dont suppression constitue une condition sine qua non au déblocage des financements du FMI.

Walid KHEFIFI