Ce 11 novembre 2023, je commémore une abnégation sans bornes, un détachement sans mesure, un dévouement sans frein. Je commémore des triomphes sans vogue, des revers sans peine, des déceptions sans dépit, des prouesses sans fard. Je commémore des années de lutte, des décennies de combats, qui ne sont ni tout à fait semblables ni profondément différents. Il y a une espèce de jouissance universelle, œcuménique, absolue, qui naît d’une générosité parfaite pour une cause juste. J’évoque, certes, une tranche de vie qui n’est tout à fait solitaire, ni pleinement en chœur, et qui ne vaudra jamais les millions de vies de héros anonymes tombées pour cette cause. Mais quand on prend conscience de sa singularité, cela remplit de stupeur. Je commémore un grand homme, un grand leader, un grand martyr, une icône de la résistance.

Je commémore Yasser Arafat. Je commémore des souvenirs sans âge.

Il y a 19 ans, jour pour jour, Abou Ammar – parce ce que c’est comme ça qu’on a toujours aimé l’appeler – s’est éteint, après avoir incarné la lutte palestinienne pour la Liberté et la Justice pendant plus de 60 ans. Né en 1929, il consacre sa vie à la défense d’une seule cause. Mort le 11 novembre 2004, il laisse d’éternels souvenirs et un incommensurable héritage de lutte et de résistance. Pas seulement en Palestine, mais aussi au Liban, en Egypte, en Jordanie, en Irak, en Syrie, partout où il passe.

Partout où il passe ? « Je suis venu, un rameau d’olivier dans une main, un fusil de combattant dans l’autre. Ne laissez pas le rameau d’olivier tomber de ma main, ne le laissez pas tomber, ne le laissez pas tomber. » C’était en 1974 à New York…

En Tunisie, un souvenir en particulier nous est à jamais inoubliable. C’était le 1er octobre 1985, le jour où Yasser Arafat échappa miraculeusement à un raid aérien mené par six avions de guerre israéliens sur Hammam Chott, dans la banlieue sud de Tunis, et qui avait entraîné la mort de dizaines de martyrs et de blessés palestiniens et tunisiens. Ce fut aussi le temps où la Tunisie, terre d’accueil et d’exil pour Abou Ammar (de 1982 à 1994) et pour l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), était un foyer d’épanouissement pour la cause palestinienne.

Certes, pour beaucoup de Palestiniens, le plus gros point noir de l’héritage d’Arafat reste les accords d’Oslo. Ces accords, signés en 1993 et 1995 entre Israël et l’OLP, alors dirigée par Arafat, devaient aboutir à la création d’un État palestinien indépendant à travers l’établissement de l’Autorité palestinienne (AP), un organe autonome temporaire. Trente ans après, la Palestine est toujours colonisée mais l’AP « temporaire » est toujours là. Triste héritage : Mahmoud Abbas qui la dirige, depuis la mort d’Arafat…

Mais la Cause palestinienne – une cause juste, une cause devenue universelle, mondiale – est plus que jamais en vie. Et la Résistance palestinienne, vent debout contre ses geôliers, ne cède pas d’un pouce.

C’est que l’épopée héroïque de Gaza, aujourd’hui, c’est aussi l’héritage d’Abou Ammar. L’éternel Abou Ammar.

Slim BEN YOUSSEF