Par Raouf KHALSI

Marche à Paris, dimanche, « contre l’antisémitisme ». 180 mille personnes y ont pris part et, en tête du peloton, il y avait deux ex-présidents : Sarkozy et Hollande. La France insoumise de Mélenchon n’en était naturellement pas, ni encore le Front populaire pour des raisons qu’il est aisé de deviner.

Du coup, les chaînes françaises se sont, toutes, emparées de « l’évènement », réservant à peine quelques secondes à ce qui se passe à Gaza et oubliant systématiquement le carnage qui s’y déploie.

Pourquoi cette marche « contre l’antisémitisme », et en ce moment précis où une effroyable machine de guerre sioniste opte pour le concept hitlérien de « la solution finale » ? A savoir que ce que préparait Hitler pour l’extermination des Juifs, Netanyahu le reprend à son compte pour exterminer les Palestiniens. Et, encore, dans les plans du Likoud, une fois Gaza vidée de ses autochtones, des colonies juives s’y installeront.

De quel « antisémitisme » parle donc une bonne partie de la bienpensance française ?

Ce jeu de rhétorique et d’anti-symbolisme n’en cache pas moins deux tendances bien ancrées dans l’imaginaire collectif français.

D’abord, la repentance drapée de ce sursaut « contre l’antisémitisme ». C’est que la France cherche à se dédouaner de Vichy et de l’aliénation au nazisme sur la question juive. Parce que la France ne se libère toujours pas de l’antisémitisme, parce qu’encore deux démons sommeillent dans les tréfonds de l’âme française : parcelle d’une âme arabe (l’Algérie) couplée avec une autre tenant à une âme juive (Vichy).

La deuxième tendance consiste à conspuer vertement tout ce qui est arabe et tout ce qui est musulman. Daech, création américaine, est, à peu de frais et abusivement assimilé à l’islam dans les soubassements de sa quintessence, et cet amalgame n’en pénalise pas moins les Maghrébins dans un package subversif et induit par une politique d’Etat prompte à enclencher des représailles à leur encontre.

Sauf qu’une marche comme celle de dimanche n’a finalement d’autre conséquence que d’attiser les feux croisés de l’éternelle guerre ethnologique entre Arabes et Juifs, même si, aujourd’hui, on voit bien que les Arabes eux-mêmes ne savent plus faire la différence entre leurs multiples racines ethniques et leur première religion. Nous sommes, en fait, en plein bourbier et dont les connotations dépassent le roman des origines des uns et des autres. Certitudes ébranlées et le sommet arabe tout autant que la marche de dimanche vient nous sommer de nous taire face au crime. Par ricochet, Netanyahu ne fait qu’étendre le domaine de la haine. Cela fait qu’il faut non seulement désespérer de l’homme, mais de l’Humanité toute entière. Pour revenir à cette marche, voilà donc un échantillonnage de la bravade effrontée : bomber le torse pour le sémitisme alors que des enfants et des femmes meurent, tués par une machine sioniste.