De la tristesse, une perte de plaisir et d’élan, des troubles du sommeil, de l’appétit, de la mémoire et des idées suicidaires. Ces  problèmes de santé mentale chez les personnes âgées ne sont pas un phénomène aussi rare qu’on pourrait le penser. Plus du cinquième des personnes âgées de 60 ans et plus dans le monde sont atteints d’un problème de santé mentale ou neurologique sans compter les maux de tête, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les personnes âgées sont plus souvent confrontées à la perte, à la solitude et aux problèmes physiques et fonctionnels. Mais sont-elles pour autant plus souvent dépressives? Et quels sont les facteurs qui les rendent dépressifs?

La stigmatisation des troubles psychiques et la difficulté à les reconnaître compliquent néanmoins la prise en charge de ces problèmes. Afin d’éviter toute détérioration de la santé ou le suicide des patients, une prise en charge est indispensable. Mais celle-ci doit prendre en compte les spécificités liées à l’âge des patients.

Les problèmes de santé mentale chez les personnes âgées sont divers. Ils peuvent être liés aux changements et difficultés associés au vieillissement, ou à une évolution pathologique de l’organisme â. La 11eme journée médicale du syndicat tunisien des médecins libéraux de  Nabeul a examiné  les problèmes de santé mentale chez les personnes âgées. 8,2% de la population tunisienne souffre de dépression.Malgré une large prévalence, les tunisiens ont encore du mal à en parler ouvertement, et hésitent, parfois trop longtemps, avant de prendre la décision de consulter un spécialiste. La dépression du sujet âgé constitue un problème majeur de santé publique, tant par sa fréquence que son impact sur la qualité de vie, l’état de santé général, la perte d’autonomie et l’augmentation du risque suicidaire.  L’entourage et même les médecins traitants risquent bien de confondre les symptômes de cette maladie avec d’autres problèmes de  santé spécifiques aux personnes âgées : la démence ou encore la maladie d’Alzheimer. Cela dit, les facteurs à risque chez cette tranche d’âge sont multiples et ont trait aussi bien à l’isolement social, infligé par la retraite, le veuvage, la solitude, l’éloignement des enfants devenus adultes et indépendants, mais aussi à un mode de vie routinier. Cette manifestation comme l’a précisé Rafia Mustapha, présidente de la journée médicale propose à des médecins non psychiatres une formation polyvalente leur permettant d’acquérir les éléments théoriques de psychiatrie nécessaires à leur exercice et d’intégrer les données de leur expérience pratique. Les médecins ont besoin d’échanger, de partager et d’actualiser leurs pratiques,

Plus de dépressions chez les plus âgés

Le vieillissement est, comme l’adolescence, une période de grands changements durant laquelle il faut puiser dans ses capacités d’adaptation. Notre condition physique devient moins bonne. Des événements marquants comme le départ à la retraite ou la naissance de petits-enfants viennent bouleverser nos repères. Avec l’âge, les principaux enjeux sont de garder son autonomie et une qualité de vie satisfaisante. En vieillissant, nous vivons de nombreuses épreuves qui peuvent nous déstabiliser.

Être triste avec l’avancée en âge, non, ce n’est pas normal. Lorsque une personne vieillit, elle a du mal à se déplacer, à voire moins bien et à  entendre moins bien… De nombreuses personnes pensent donc que c’est logique d’être déprimé. Ce qui n’est pas du tout le cas.  Comme pour le reste des adultes, la dépression  est une maladie qui se soigne chez la personne âgée. Mais encore faut-il pouvoir la repérer. Ce sentiment de tristesse et de déprime est souvent banalisé par les familles et l’entourage des personnes âgées. Certaines personnes connaissent des épisodes de dépression pendant toute leur vie, d’autres éprouvent leur premier épisode tard dans la vie. La dépression peut affecter n’importe qui, à n’importe quel âge. Cependant, elle passe souvent inaperçue chez les personnes âgées parce que certains signes de dépression peuvent être confondus avec des signes de vieillissement. La dépression affecte particulièrement les personnes âgées. Selon l’OMS, La dépression toucherait entre 8 et 16% des personnes de plus de 65 ans et 12 à 15% des personnes de plus de 85 ans En outre, la prévalence des dépressions graves pour les personnes d’âge avancé est de 4% . Comment la repérer ?

Comment repérer les symptômes de la dépression chez les personnes âgées

La dépression chez les personnes âgées est un véritable problème de santé publique.Pourtant, la dépression reste une maladie méconnue, souvent mal considérée et sur laquelle circulent de nombreuses idées fausses. Comment reconnaître l’état dépressif, pour soi-même ou chez des proches ?  Dr. Leila Ltaief, psychiatre, a précisé que la  dépression se traduit par une humeur dépressive, une perte d’intérêt et de plaisir, une baisse d’estime de soi ,un sentiment de culpabilité, une indécision et des pensées morbides récurrentes. Troubles du sommeil ,  de l’alimentation qui se traduisent le plus souvent par une perte de poids et une anorexie chez la personne âgée, une asthénie ainsi qu’une diminution des capacités cognitives qui ne doit pas être confondue avec des signes de sénilité sont associés à la maladie. Dr. Ltaief a recensé plusieurs formes de dépression chez les personnes âgées. La dépression majeure est une maladie mentale qui se caractérise par une perte de plaisir et une humeur triste soutenue pendant plusieurs semaines.  De plus, la personne souffrira de problèmes de sommeil, de changement au niveau de son appétit, de perte de concentration, d’énergie, d’intérêt ou de motivation. Les pensées sont négatives avec une pauvre estime de soi, une culpabilité démesurée, une tendance à voir tout en noir, un pessimisme et un manque d’espoir pour l’avenir.  Ceci mène parfois  à des idées suicidaires. La dépression majeure peut être saisonnière, c’est-à-dire, qu’elle peut être récurrente d’année en année à l’automne et se résorber au printemps.   Dans ce cas, la tristesse et la fatigue s’accompagnent généralement d’un grand besoin de sommeil et d’un appétit augmenté, semblable à un ours qui hiberne pour l’hiver.  La personne bougera et pensera au ralenti. La dépression mélancolique ou le  syndrome de glissement est un processus soudain de repli sur soi et de déclin de la personne âgée. Celle-ci perd le goût de vivre et se laisse « glisser » vers la mort. Cette pathologie se caractérise par un refus de manger entraînant anorexie et dénutrition . La personne âgée n’a plus goût à rien. Elle cesse des activités qu’elle appréciait autrefois et même des tâches de la vie courante avec un repli sur soi et mutisme. La personne âgée refuse de communiquer avec son entourage  avec souvent une incontinence  et une négligence des toilettes. La dépression masquée est une dépression dans laquelle les signes psychiques de la maladie (souffrance morale et auto-dévaluation, pensées suicidaires…) passent à l’arrière-plan pour laisser la place aux signes physiques : douleurs diffuses musculaires et articulaires, fatigue et insomnie, manque d’appétit, céphalées, douleurs thoraciques…  Les symptômes  sont alors interprétés comme étant ceux d’une maladie somatique. la dépression hostile marquée par des comportements agressifs et des violences verbales ou physiques ou encore du harcèlement. Certaines douleurs et pathologies chroniques notamment cardiovasculaires et neurologiques : AVC (Accident Vasculaire Cérébral), maladie de Parkinson, démence, cancer etc. En effet, la survenue d’un AVC peut entraîner une dépression car le cerveau n’a pas été irrigué correctement pendant cet incident. La perte d’un proche, les problèmes financiers (comme une baisse des revenus après un départ en retraite), le manque de relation humaine, un changement de vie brutal comme le départ dans une structure médicalisé, des troubles du sommeil peuvent provoquer une dépression

Importance de la prise en charge

La dépression s’accompagne souvent d’une diminution de la motivation à prendre soin de soi et à se soigner. Et si des traitements existent, ils doivent être suivis correctement pour être efficaces.Le rôle du médecin traitant est important dans la prise en charge de la dépression. Le diagnostic de dépression commence souvent chez le généraliste. Si le diagnostic de dépression est posé, un traitement combinant souvent médicaments antidépresseurs et prise en charge psychothérapeutique peut être mis en route. Car la dépression est une véritable maladie. Il est ensuite fondamental de suivre quotidiennement son traitement, car un traitement antidépresseur pris irrégulièrement est tout simplement inefficace. Et pour assurer une bonne prise en charge, il faut que la personne traitée reste en contact avec son médecin, ce qui n’est pas toujours évident.

Dr.Leila Ltaief estime que  «la consommation des médicaments psychotropes est excessive et tend à se banaliser, particulièrement chez les personnes âgées, appelant à un  bon usage des psychotropes tant au niveau de la prescription que de la consommation. « Il faudrait un  bon usage des médicaments par pathologie, et par tranche d’âge  et une utilisation progressive des antidépresseurs, avec une durée de prise adaptée pour éviter les risques de rechute . L’objectif est de prescrire à ces patients les traitements les plus appropriés en minimisant les risques et en réduisant les prescriptions inutiles. La prescription des psychotropes chez les personnes âgées, très exposées aux risques de ces traitements, constitue donc un axe stratégique d’amélioration des pratiques.. C’est pourquoi il s’agit, quand ils sont indiqués, de bien peser le bénéfice et le risque du traitement afin de proposer au patient la meilleure prise en charge.

La dépression ne touche pas seulement le malade, mais également ses proches, qui ne sont souvent pas bien armés face à cette pathologie mentale. C’est pourquoi précise Dr. Ltaief que  «la famille peut jouer un rôle important en vue d’améliorer le bien-être d’un être cher ayant un problème de santé mentale en lui accordant un soutien pratique et affectif. Lors d’une dépression chronique ou résistante, le soutien des proches est très important. Il faut garder le lien avec le malade, accepter son état , ne pas le sur-solliciter, proposer mais ne pas contraindre, rester empathique. Et accepter que la rémission prenne un peu de temps.»

Une personne âgée dépressive a besoin de temps et d’engagement de ses proches . L’aide et le conseil pour restaurer l’hygiène de vie est important: un bon sommeil, une alimentation équilibrée, une activité physique minimum, une curiosité sociale, culturelle, etc. Le patient doit apprendre à se rouvrir aux plaisirs de la vie et au partage avec les autres, car la dépression entraîne un mouvement de repli sur soi. Le dialogue est la clé, il faut oser en prendre le risque : bien souvent, la personne en dépression n’attend que cela .

                                              Kamel BOUAOUINA