Cette fois-ci, c’est au sein même d’une entreprise publique censée aider l’Etat à récupérer de l’argent que la corruption s’est installée. Le président de la République vient de nous le faire savoir, mais il faut beaucoup plus pour vaincre ce mal. Le pays a besoin d’actions concrètes et percutantes pour remporter une telle guerre et ne plus se limiter au simple constat…

A voir Kaïs Saïed dénoncer l’ampleur de la corruption qui continue à ronger les structures les structures du pays, on mesure l’étendue de ce mal qui ne donne pas l’impression de s’essouffler et de jeter du lest. Toutefois, on a souvent l’impression d’assister à un discours déjà vu et entendu tellement la suite de ces énormes dossiers de corruption passe quasiment dans l’anonymat.

Cette fois-ci, c’est du côté d’Al Karama Holding, une entreprise publique mise en place en 2011 et chargée de la gestion et la vente des biens confisqués qui est dans le viseur du Chef de l’Etat. Sans détour, Kaïs Saïed n’a pas manqué d’accuser cette institution de corruption. « On sent l’odeur de la corruption au sein de cette entreprise qui a foulé la dignité ».

On comprend bien, mais…

Dans son speech, Saïed a repris un certain nombre de chiffres qui dévoilent la dimension démesurée de la corruption dans une entreprise qui devait donner l’exemple en matière de bonne gestion. Il a pointé du doigt, à titre d’exemple, « un responsable de l’organisation qui bénéficiait de cinq voitures de fonction, en plus d’une allocation mensuelle de 1 500 litres de carburant ». Sur sa lancée, le président de la République a révélé qu’une enquête judiciaire a été ouverte au sujet des agissements au sein de Al Karama Holding qui portera sur les avantages en nature, les dépassements et la cession des biens confisqués au profit des « lobbys ».

Ce qui retient encore l’attention, c’est que Saïed a précisé que la révélation de toutes ces données s’inscrit dans le cadre de la transparence avec le peuple « afin qu’il comprenne le degré de la corruption ».

Et c’est justement là que le bât blesse. Car le peuple ne fait que voir et entendre les hauts responsables de l’Etat se relayer pour révéler de telles dangereuses dérives sans rien savoir sur les tournures qu’avaient prises ces affaires ni sur l’identité des corrompus concernés puisqu’on continue à parler de « ceux », « ils », « certains » sans oser démasquer les malfaiteurs comme si l’Etat tient à les protéger et à les épargner de la grogne des citoyens ou, ce qui est encore plus dangereux et plus dur à avaler, que le pouvoir en place n’est pas capable d’affronter ces corrompus et de fournir les preuves de leur culpabilité.

Ce qui est certain, c’est que ces lobbys disposent de complices capables, sur la base de la fameuse formule du « donnant-donnant », de faire disparaître les preuves et les indices d’accusation. Or, après plus de deux ans de pouvoir absolu, le président de la République n’a plus le droit de se limiter à la seule règle du constat, comme c’est le cas pour le citoyen lambada, incapable d’aller au-delà de ce qu’il entend ou observe.

Un vide juridique à rattraper

D’ailleurs, la ministre des Finances, vient d’évoquer, devant le Parlement, la prolifération des « commerçants » sur les réseaux sociaux qui en profitent pleinement sans payer des taxes. Or, ces gens ne font que profiter du manque de textes juridiques qui imposent de telles taxes. Il s’agit du même cas, à titre d’exemple encore une fois, des joueurs professionnels de football et des entraineurs qui perçoivent des salaires en dizaines de milliers de dinars sans verser un seul millime au fisc. Ils ne sont pas des hors-la-loi, et ils ne font que profiter de ce vide juridique qui ne leur impose point de payer les impôts sur leurs rentrées d’argent que tout le monde, pourtant, connaît, au moment où le simple fonctionnaire ou salarié voit l’Etat lui retirer le montant des impôts directement de son salaire.

C’est dire que l’Etat a les moyens de faire beaucoup mieux et d’assumer pleinement ses responsabilités dans la préservation des richesses du pays et dans la lutte contre la corruption. Il suffit de faire preuve de courage et de perspicacité pour agir dans le bon sens et pour dépasser le seul stade de constat qui ne peut, à lui seul, vaincre un tel fléau.

Il est vrai que Kaïs Saied déborde de bonnes intentions pour assainir les finances du pays et pour consolider la transparence et la bonne gestion, mais il doit sûrement changer de tactique et passer à l’action de manière plus évidente et surtout plus convaincante. Il dispose d’un très large soutien de ses concitoyens et il doit en profiter pour foncer et pour aller directement au but sans passer par les vains constats qui ne servent qu’à moitié cette cruciale guerre contre la corruption.

Kamel ZAIEM